Brexit : l’Europe n’est-elle qu’une affaire de gros sous ?
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On trouve peut-être dans l'Histoire de quoi justifier l'emploi de l'expression "la perfide Albion" pour désigner l'Angleterre. Mais on ne saurait lui reprocher son infidélité aux décisions du peuple, quand il s'est exprimé. Dernier exemple, le référendum sur le Brexit du 23 juin 2016 : depuis, le gouvernement britannique, actuellement dirigé par Theresa May, a engagé des négociations avec Bruxelles, le divorce devant être officiellement prononcé le 29 mars 2019.
Ces négociations sont difficiles. À peine les résultats connus, les critiques contre le Brexit ont redoublé. On se souvient que François Hollande, dont la mollesse est légendaire, plaida pour "la fermeté" dans un discours prononcé le 6 octobre 2016 : on allait voir ce qu'on allait voir ! Tous les europhiles de la planète expliquent que le Brexit sera douloureux pour les Britanniques, notamment dans le domaine économique, sans préciser s'ils s'apitoient sur les Anglais ou sur eux-mêmes.
Ils répandent l'idée qu'il faudrait organiser un nouveau référendum sur les résultats des négociations, en souhaitant que le peuple anglais, inquiet des perspectives négatives dont on l'a gavé, rectifie son vote et rejette l'accord - s'il y en a un. En avril 2018, l'organisation People's Vote a lancé une pétition appelant à un nouveau vote public. On vient d'apprendre que Julian Dunkerton, cofondateur d'une entreprise britannique de prêt-à-porter, Superdry, qui est cotée à la Bourse de Londres et compte 515 magasins dans 46 pays, a fait un don d'un million de livres (plus de 1.116.000 euros) pour cette campagne.
"Je sais que nous avons une véritable chance de changer le cours des choses", a-t-il expliqué dans une tribune publiée sur le site du Sunday Times, ajoutant que "les gens se rendent de plus en plus compte que le Brexit va être un désastre". Voilà une déclaration qui, paradoxalement, devrait réjouir les eurosceptiques et tous ceux qui pensent que l'Union européenne est avant tout une affaire de gros sous, moins destinée à défendre des valeurs éthiques que des valeurs boursières. Même dans ses directives sur l'éducation : il suffit de relire la plate-forme « Éducation et Formation 2020 » pour comprendre que l'Union européenne veut mettre l'enseignement au service exclusif du marché.
Bien sûr, le développement économique est nécessaire à la prospérité d'un pays, mais il en est un des facteurs, non un postulat. Il est d'autres moyens qu'une Europe, de plus en plus fédérale, qui fixe un carcan de règles dans tous les domaines, pour développer l'essor économique d'une nation, notamment par des accords de libre-échange avec des pays qu'on choisit. C'est sans doute ce que s'apprête à faire le Royaume-Uni, qui a toujours su garder son indépendance par rapport à l'Union européenne en refusant, par exemple, de se voir imposer l'euro. Ce qui est vrai pour l'économie et le commerce est également vrai pour l'enseignement, la recherche, les innovations techniques...
Ce n'est pas en créant un bloc uniforme que l'Europe tiendra sa place dans le monde, qui n'est pas seulement de concurrencer économiquement les grandes puissances présentes ou futures. C'est en laissant à chaque pays une marge de choix, d'initiative, d'autonomie. Pour en revenir à l'entreprise Superdry, l'avenir de l'Europe n'est pas dans un prêt-à-porter universel mais dans une libre coopération économique, commerciale, culturelle, qui peut d'ailleurs s'étendre au-delà de ses frontières géographiques.
Ce n'est pas en copiant les défauts d'autrui qu'on manifeste ses propres qualités. Encore faut-il croire que l'Europe, avec son patrimoine historique et culturel, a quelque chose d'autre à porter dans le monde que des valeurs boursières et financières.
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