Invité d'Europe 1, Jean-Luc Mélenchon a soutenu les grévistes qui ont décidé le blocage de sept raffineries sur huit. Un peu plus tôt, le Premier ministre avait indiqué avoir demandé aux préfets de mobiliser les forces de l'ordre « pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de blocage des dépôts ». Un combat à la loyale ou un combat truqué ?

Si le droit de grève est garanti par notre Constitution – qui affirme qu'« [il] s'exerce dans le cadre des lois qui le réglementent » –, le Code du travail précise que « l'exercice du droit syndical est reconnu dans toutes les entreprises dans le respect des droits et libertés [...], en particulier de la liberté individuelle du travail ». Autrement dit, le droit de grève ne peut porter atteinte à la liberté de travailler. C'est loin d'être toujours respecté.

Ainsi, le piquet de grève est licite quand il n'entraîne pas la désorganisation de l'entreprise et n'entrave pas la liberté du travail. Dans la pratique, l'information des non-grévistes, pour les inciter à rejoindre le mouvement, se confond souvent avec des pressions morales, voire physiques, pour les empêcher de travailler. En de telles circonstances, on voit rarement un gouvernement prendre des mesures pour assurer la liberté du travail.

Que dire des étudiants ou des lycéens, le plus souvent minoritaires, qui bloquent l'accès de leurs établissements ? Non seulement ils font grève sans la contrepartie d'une retenue de salaire, mais ils privent tout le monde de cours pour ne pas être eux-mêmes lésés dans leurs études. Quitte à réclamer ensuite des aménagements d'examens, qui ne peuvent que nuire à la réputation de leur lycée ou de leur université.

Quand la fédération CGT de la chimie appelle à bloquer les raffineries et les dépôts de carburants, du 7 au 10 janvier, pour s'opposer à la réforme des retraites, avec pour mot d'ordre « Pas une goutte d'hydrocarbure ne doit sortir des sites pétroliers », on peut légitimement penser qu'elle outrepasse le droit de grève. Sans compter que cette forme nouvelle d'action ne peut, si elle se prolongeait, qu'être contre-productive, en suscitant la désapprobation des usagers qui, déjà privés de transports publics, seraient privés d'essence.

Jean-Luc Mélenchon, évoquant ces grévistes sur Europe 1, estime qu'« il ne faut pas les traiter comme des délinquants, ils ne le méritent pas ». Il ajoute qu'ils « ont fait preuve de sens des responsabilités […]. Ça fait 34 jours qu'ils auraient pu bloquer tous les camions et il n'y aurait plus une goutte d'essence dans ce pays, ils ne l'ont pas fait. » En tenant ces propos, il n'a pas entièrement tort. Il reste que ces agissements, ne serait-ce qu'à la marge, sont hors la loi.

Rien d'étonnant, de la part du leader de La France insoumise qui mène un combat politique et s'efforce d'affaiblir le gouvernement. Mais il joue un jeu dangereux, dont l'exécutif peut chercher à profiter. « On ne gouverne pas un pays à coups de pied ni à coups de matraque, ni en éborgnant les gens », a lancé l'ancien bourgeois socialiste, devenu leader révolutionnaire. Sans doute. Mais par ses excès, en franchissant, fût-ce en paroles, les frontières du droit, il donne des arguments au gouvernement qu'il prétend combattre.

Les meilleurs opposants à la réforme des retraites sont ceux qui restent dans la légalité, quelle que soit leur hostilité à son égard. En jouant au « Fais-moi peur ! », en plagiant « Les Guignols de l'info », en tombant dans la caricature, Jean-Luc Mélenchon et Édouard Philippe ressemblent aux organisateurs d'un match truqué.

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07 janvier 2020 à 14:55

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