Blanquer et Macron « protégeront » les enseignants ! À voir…

BLANQUER

Le 17 octobre dernier, costume sombre et cravate bleu nuit de circonstance, le ministre de l'Éducation nationale s'est adressé aux enseignants dans un court message vidéo. Enfin, pas que. Aux enseignants, aux personnels de l’Éducation nationale, aux parents d’élèves, aux « chères familles », aux « chers élèves » et aux « chers concitoyens ». Bref, à tous les humains qu’il aime, comme en témoigne son emploi répété d’une épithète sentimentale. Ah ! ce « cher » M. Blanquer, tribun à l’empathie communicative…

Affirmant que l’école est la « colonne vertébrale de la Républiqu », il les a tous assurés de son soutien, de celui de « l’institution scolaire » – dont on peut s’émouvoir du bel et ferme appui à Samuel Paty ! – et promis de les protéger. Sur France 2, le soir même, il martelait encore que « quelqu’un qui reçoit des menaces de mort doit être protégé », précisant que, dans le cas Paty, qui aurait été « seulement » diffamé, rien ne laissait prévoir son assassinat.

Dans son éloge funèbre du professeur, le 21 octobre, Emmanuel Macron a abondé dans l’effet placebo : « Dans chaque école, dans chaque collège, dans chaque lycée, nous redonnerons aux professeurs le pouvoir de “faire des républicains”, la place et l’autorité qui leur reviennent. Nous les formerons, les considérerons comme il se doit, nous les soutiendrons, nous les protégerons autant qu’il le faudra, dans l’école, comme hors de l’école. »

Plus de douze millions d'élèves – dont 361.200 en situation de handicap – fréquentent les écoles, collèges et lycées de notre pays : 61.510 écoles et établissements du second degré, publics ou privés. Près d'un million d'enseignants, de personnels d'éducation, d'administration et de direction sont missionnés pour les instruire et pour les encadrer.

Quid des moyens actuels pour leur protection ? On peut entrer à peu près comme dans un moulin dans la majorité des collèges et lycées de France et de Navarre. Que vaut le rempart de deux-trois barrières de sécurité posées devant pour stopper un djihadiste fanatisé ? Quant aux exercices dits « attentat-intrusion » : un pis-aller psychologique à l’impuissance, avec mise en danger potentielle de tous, enfants et personnels, victimes piégées dans la souricière. Pas de vraie parade, mais une trop sûre perspective macabre qu’on élude.

À en croire la version de l’hommage à Samuel Paty, publiée sur le site élyséen, notre Président devait s’en tenir à cette promesse aux enseignants : « Nous les protégerons autant qu’il le faudra. » Point. C’eût été prudent. Or, sans doute emporté par l’émotion, l’acteur a dérapé du jeu lyrique prévu, ajoutant « dans l’école comme hors de l’école » à la fin de sa période de trémolo. Avant la pause rythmique obligée de silence. Emmanuel Macron croirait-il aux vertus magiques de sa parole ? Au dire c’est faire ? Au point de penser l’incantatoire comme réalité ? Ce serait tragique.

Malgré nos 578.000 emplois dans la sécurité ou la défense – policiers et militaires confondus –, il sera bien difficile, tant les effectifs sont déployés à flux tendu, d’assurer une protection efficace aux enseignants téméraires qui se risqueront à exhiber l’anatomie de Mahomet devant nos « chères têtes… » ! Certains saints auraient, dit-on, un pouvoir de bilocation. Quel sacré don d’ubiquité il faudrait, à nos spécialistes en protection, pour mettre en œuvre les promesses de notre Président et de son « cher » ministre. À moins d’un miracle laïque…

Quelle parade sérieuse, donc, à l’égorgement islamiste ? Un « parcours individualisé » de repli pour les éducateurs à la liberté d’expression ? Un ami, chef d’entreprise, propose que l’État commande à des ateliers nationaux, pour son million d’enseignants, autant de minerves inoxydables pour les prémunir « dans l’école, comme hors de l’école » ! Allons, mon ami, un peu de sérieux ! Ne cédez pas à ce travers de Charlie qui se proclame, sans rire, « journal irresponsable » !

Quoi qu’il en soit, comme disait le radical-socialiste Henri Queuille, « les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent » !

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Pierre Arette
DEA d'histoire à l'Université de Pau, cultivateur dans les Pyrénées atlantiques

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