Bilan d’une année scolaire : Blanquer entre le marteau et l’enclume

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Jean-Michel Blanquer a tiré, dans Le Figaro, un bilan de l'année scolaire écoulée : il semble satisfait de son action. Mais à y regarder de près, on s'aperçoit que ce jugement d'autosatisfaction est bien surfait. Quoi qu'il en dise, il n'a su ni pu libérer l'enseignement de l'emprise des idéologues égalitaristes. Il a surtout subi, de gré ou de force, l'influence désastreuse de l'homme qui l'a nommé ministre. D'avoir cédé à la tentation, voilà, sans doute, sa faute originelle.

Jean-Michel Blanquer se félicite que la France soit « le pays qui a le moins fermé ses écoles ». C'est sans doute vrai, mais la manie de toujours se comparer aux autres ne suffit pas à justifier le bien-fondé d'une politique. Fermée ou non, l'école n'a survécu que grâce aux efforts et à la débrouillardise de professeurs et d'une administration qui se sont démenés pour faire fonctionner la machine. Dans tous les cas, la crise sanitaire est loin d'expliquer, à elle seule, ce qu'il faut bien appeler la crise de l'enseignement.

La réforme du baccalauréat, censée revaloriser l'examen, produit l'effet contraire. « Le paradoxe », confie le ministre au Figaro, « c’est de parler de dévalorisation du baccalauréat l’année même où s’amorce sa grande revalorisation. » Dans les intentions, peut-être, mais dans la pratique, avec le poids important du contrôle continu, il va perdre à la fois son crédit et son caractère national. La refonte des programmes vers plus d'exigence est vaine, quand trop d'élèves n'ont pas acquis précédemment les bases nécessaires à leur assimilation.

Le fameux « grand oral », malgré son titre prétentieux, ne rehausse pas magiquement le niveau des élèves, qui n'ont pu y être sérieusement préparés. Pour pallier les défauts inhérents au contrôle continu – qu'il reconnaît implicitement –, le ministre entend « travailler sur des leviers pour objectiver la notation mais aussi améliorer le niveau de chaque lycée ». L'expérience prouve que ce genre d'initiative conduit plus souvent à encadrer la notation de manière autoritaire, pour arriver, coûte que coûte, au pourcentage de succès établi par avance, qu'à faire de cet examen une opération vérité.

Au-delà du baccalauréat, le ministre s'interroge sur la possibilité d'étendre les « règles de mixité sociale et scolaire […] mises en place dans les lycées [parisiens] ». Comme si la mixité était la panacée pour relever le niveau de l'enseignement. La discrimination positive ? Il assure qu'« au sein du gouvernement, nous avons toujours récusé le mot et la chose », mais il ne s'offusque pas que des grandes écoles, pour être dans le vent, la pratiquent sans vergogne. Le chef de l'État lui-même, tout en prétendant le contraire, l'introduit dans le concours qui remplacera celui de l'ENA. Il ne suffit pas de se gaver du mot de méritocratie pour la rétablir.

Il faut savoir gré à Jean-Michel Blanquer de condamner fermement les woke et la cancel culture : « Je considère que ces mouvements sont une profonde vague déstabilisatrice pour la civilisation », déclare-t-il. « Ils remettent en cause l’humanisme, issu lui-même de longs siècles de maturation de notre société. » Mais force est de constater que, sur ce sujet comme sur d'autres, le Président qu'il a choisi de soutenir a des positions plus qu'ambiguës et ne donne pas le bon exemple. Les belles paroles ne suppléent pas l'absence d'actes.

Vous l'aurez compris : notre ministre est pavé de bonnes intentions, mais son allégeance à Macron le conduit en enfer.

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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