Une fois n'est pas coutume, voici une histoire où l'habit fait le moine. Que l'on me pardonne d'être ici un peu superficiel.

On se souvient peut-être que le magazine masculin GQ avait, en 2016, désigné Bernard Cazeneuve comme l'homme le mieux habillé de France. Précisons immédiatement qu'il devançait un rappeur du nom de Nekfeu, mais ajoutons que cette nomination n'avait guère surpris les amateurs. Après un Manuel Valls inquiétant et vulgaire, passé de la chemisette mauve au trench noir, l'apparition de ce petit homme discret, en costume trois pièces, veste matelassée et feutre vert, avait quelque chose de rassurant. Ministre de l'Intérieur sous Hollande, puis Premier ministre de la fin de règne, Bernard Cazeneuve frappait tous ses interlocuteurs par sa courtoisie et son flegme, au diapason d'une mise toujours impeccable et adaptée aux circonstances.

Selon Hollande, qui pourtant n'y connaissait rien, Fabius, fils et petit-fils d'antiquaires, était le socialiste le mieux habillé de France. Très classique, sans faute de goût. Cazeneuve, lui, arrière-petit-fils de bottier, petit-fils de tailleur, avait quelque chose d'un peu plus « dandy », plus voyant : cols originaux, pochettes, costumes rayés, chapeaux, manteaux à col de velours, cravates de soie lourde et poignets mousquetaires... Dans un Parti socialiste qui était devenu petit comme une ville de province, il tenait plus du commissaire-priseur que du notaire. C'était la première fois depuis longtemps qu'un homme politique osait sortir de l'uniforme ridicule de sa caste : costume bleu marine trop étroit, chemise blanche au col trop petit, cravate noire ou bleu marine. Cazeneuve était un homme politique des Trente Glorieuses, chic sans être ramenard, courtois et malin. Il rappelait un peu Pompidou en vacances, en espadrilles, chaussettes jaunes assorties à son pull, lisant sur la terrasse, clope au bec, mais qui, à la ville, en soirée, portait impeccablement le smoking. Le genre de chef d'État qui citait Comprenne qui voudra d'Éluard, en 1969, pour ne pas avoir à répondre sur la triste affaire Russier. On avait oublié jusqu'au souvenir de ces comportements.

Le temps passa. Macron fut élu. Fidèle à sa conduite, Cazeneuve passa le témoin à Édouard Philippe avec une intangible courtoisie. Pour prendre congé du nouveau monde, il choisit, en guise de clin d'œil, de quitter Matignon en DS. La filiation pompidolienne devenait évidente. On ne le revit plus trop, par la suite. Pas le genre à faire des conférences pour gagner du pognon. Pas le genre, non plus, à distiller des petites phrases assassines pour se faire désirer par un peuple qui n'aimait plus la gauche. Cazeneuve devint avocat, une fin balzacienne pour un personnage qui avait en lui un peu de Balzac. On aurait pu s'arrêter là.

Or donc, voici qu'Anne Hidalgo a été désignée pour porter les couleurs du Parti socialiste. Elle plafonne à 3 % dans les sondages. Ses salles sont vides. Ses militants se moquent d'elle. Elle indiffère, elle indispose. Il lui fallait donc, pour prendre la tête de ses très rares soutiens, un homme dont l'élégance morale ne se démente pas. Quelqu'un qui soit suffisamment fidèle pour accepter une cause perdue. Devinez quoi ? C'est Bernard Cazeneuve qui s'y colle, sans se renier, puisque c'est en tweed qu'il est monté au pupitre. Il n'y a pas que du Pompidou, il y a du Cyrano, chez cet homme-là : il « n'abdique pas l'honneur d'être une cible ».

En fait, la seule question qui vaille, c'est : pourquoi Bernard Cazeneuve est-il de gauche ?

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06 février 2022 à 22:30

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49 commentaires

  1. Article touchant sur cet homme détonnant à gauche. Son livre montre un être peut être trop sensible, mais digne et droit.

  2. Pauvre petit BOBO, il soutient la pauvre Mme Hidalgo et alors ? Autant de soutien pour la racaille, la honte. Si la bêtise tuait, on aurait une hécatombe de bobos.

  3. Cazeneuve est de gauche parce que c’est un opportuniste ( et proche de Fabius pas vraiment un prolo non plus); par ailleurs il lui faudra beaucoup de costumes 3 pièces et de pochettes, pour faire oublier son bilan calamiteux de ministre de l’intérieur. En l’occurence l’habit fait le moine ou plutôt le faux curé…

  4. « En fait, la seule question qui vaille, c’est : pourquoi Bernard Cazeneuve est-il de gauche ? »
    Ce n’est pas la seule. Pourquoi Chirac était-il de droite? Pourquoi Mitterrand était-il de gauche? Tout simplement car les bonnes places étaient déjà prises.
    Pour Hollande, on sait : le socialisme est la seule formation capable de propulser une nullité au sommet.
    De là à croire que le socialisme ne peut propulser QUE des nullités…

    1. Ah non, je ne peux vous laissez dire une telle chose le Ps est incapable de propulser une nullité car il n’ est formé que de nullité Jospin, Hollande Ségolène, Lang, Hidalgo, Macron… la liste est longue, Vous voyez qu’ il peut en propulser d’ autres

  5. Bel article: en politique, l’élégance – du propos autant que de la tenue – ne nuit pas, enfin…pas toujours!

  6. La señora Hidalgo ne laissera de bons souvenirs qu’aux indécrottables bobo-gaucho-parigot-t…, et surtout aux Verts-de-gris !
    Pour tous les autres, parisiens, franciliens, français de pasage dans la capitale, et touristes, les souvenirs seront nettement plus mitigés, si non extrêmement négatifs.
    En ce qui concerne Cazeneuve je crains qu’il ne laisse aucun souvenir !
    Un jour, des journalistes poseront la question : « vous vous souvenez de Bernard Cazeneuve ? »
    Qui ?

  7. Elle finira a moins de 2% et Caseneuve n’y changera rien, chaque une de ses sorties lui vaut un demi-point en moins, cette femme est une catastrophe ambulante.

  8. …..bottier, tailleur…..et papa ? instituteur, à El Biar, je pense, que je dus côtoyer dans l’autobus qui nous descendait de CUBA ( Cité Universitaire de Ben Aknoun) pour la Fac ….ou les manifs (départ de Soustelle, arrivée de Guy Mollet…..sans doute dans la ligne de cette famille ? Nous gagnâmes Lacoste, grand socialiste et excellent gouverneur, d’après mol!
    Que nous raconterait-il Bernard de tout cela?

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