« Au nom du peuple français » : pour un référendum judiciaire

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L’air du temps veut que le politique se plaigne du manque de confiance dont il est l’objet. Il a raison. Les réactions corporatistes d’autodéfense face à la mise en examen d’Agnès Buzyn en témoignent. Mais le meilleur indicateur est sans doute la misérable participation électorale.

Cette défiance est fondée. Il est une trahison (parmi d’autres) qui ne s’oublie pas, et le problème est qu’elle reste impunie. Vous avez deviné, il s’agit de la signature, en 2007, du traité de Lisbonne, voulu par Nicolas Sarkozy et son gouvernement Fillon II, ainsi que la nécessaire modification de la Constitution votée par le Parlement en 2008, puis sa ratification par l’Assemblée nationale et le Sénat. Ou quand les représentants du peuple trahissent sa volonté clairement exprimée moins de trois ans auparavant. Certains objecteront que les intentions de Nicolas Sarkozy avant son élection en 2007 étaient connues. Sauf qu'« adopter un nouveau traité européen simplifié par voie parlementaire » sur une profession de foi, ça n’est pas très explicite.

La justice est rendue au nom du peuple français. Cependant, elle a été confisquée par des juges dont l’impartialité peut laisser à désirer. Pourquoi, pour des affaires vraiment exceptionnelles, ne pas considérer que tout le peuple français est le seul juge et jury, souverain, d’un procès référendaire qui statuerait sur la culpabilité et la peine de certains ?

Il est, en outre, un crime - l’indignité nationale - et une peine associée - la dégradation nationale - qui sont tombés en désuétude. Certes, ils présentaient, en 1944, l’immense inconvénient d’être rétroactifs. Ce n’est plus le cas. Outre les faits de collaboration active, est constitutive de cette indignité l’atteinte à l'unité de la nation ou à la liberté des Français ou à l'égalité entre ceux-ci.

Est-ce le cas pour le traité de Lisbonne ? Dès lors que des transferts de souveraineté ont eu lieu de son fait, le peuple français est moins libre de son destin. Et le représentant du peuple qui vote oui malgré le non exprimé par le peuple est sans doute plus égal que le peuple lui-même, pour paraphraser Orwell.

La sanction de dégradation nationale est une sorte de damnatio memoriae moderne, où le condamné est privé du droit de vote ; rendu inéligible ; exclu des fonctions publiques ou semi-publiques ; dégradé et interdit de porter ses décorations ; interdit de diriger des entreprises et des banques, y compris dans la presse et à la radio ; d’exercer toutes fonctions dans un syndicat ou une organisation professionnelle, ou dans une profession juridique, dans l’enseignement, le journalisme. Ses biens peuvent être confisqués et sa retraite suspendue. Il peut, en outre, être interdit de séjour sur le territoire : l’antique bannissement.

L’irresponsabilité des puissants qui s’imaginent au-dessus de la loi, ça suffit. Combien d’inculpés, parmi ceux qui ont permis à Alexandre Benalla d’exprimer son talent ? J’avoue, je n’ai pas très confiance en la très clémente Cour de justice de la République qui jugera, peut-être, des ministres comme Agnès Buzyn, après avoir sans doute édulcoré une partie de leurs responsabilités.

Je reste séduit par l’idée d’un référendum qui demanderait au peuple de France si Nicolas Sarkozy, les membres du gouvernement Fillon II et les parlementaires ayant voté oui à l’un au moins des scrutins incriminés sont coupables de cette indignité, et qui, en cas de culpabilité, les condamnerait à cette dégradation nationale. Oui, l’immunité présidentielle pourrait, de mon point de vue et à cette occasion, être balayée d’un revers, arguant de la rétroactivité pratiquée dans les circonstances de 1944. Mais je sais bien que je suis un doux rêveur.

En matière d’indignité nationale, il y aurait ensuite, peut-être, d’autres jugements à envisager, comme par exemple pour statuer sur celle des magistrats qui, malgré l’affaire du mur des cons devenue publique, ont osé renouveler leur adhésion à un syndicat qui se permettait d’insulter des victimes que la Justice est censée protéger. Vous aussi, en cherchant bien, vous trouverez des indignes dont vous pensez qu’ils sont impunis.

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