Arrêtons de faire parler le « grand Charles » comme on fait tourner les tables !

Muselier charge sans pitié Villepin en invoquant la mémoire du général de Gaulle. Mais est-il le mieux placé pour cela ?
Capture d'écran
Capture d'écran

Ce 18 juin 2025, Dominique de Villepin est venu chasser sur les terres provençales de Renaud Muselier. Et il lui en a coûté cher ! En effet, le Premier ministre émérite de Jacques Chirac est venu assister à la cérémonie commémorative de l’appel du 18 juin aux côtés du maire socialiste Benoît Payan et, surtout, soutenir, dans une interview donnée à La Provence, l’initiative de ce dernier qui veut jumeler la cité phocéenne avec une ville palestinienne de Cisjordanie tout en conservant le jumelage avec la ville israélienne d’Haïfa.

C’est bien connu, les grands féodaux n’aiment pas le braconnage. C’était vrai au Moyen Âge, c’est toujours vrai dans cette République où conseil régional rime avec conseil féodal. Au passage, on pense à ce mot de Georges Pompidou, tellement d’actualité aujourd’hui, où les conseils régionaux vont mendier des subsides à l’Union européenne qui tient elle-même ses ressources financières des nations contributrices comme la France : « L'Europe des régions, ça s'appelait la féodalité »… Passons.

La charge de Muselier contre Villepin

Et donc, la réaction de Renaud Muselier a été « d’une rare violence », selon les mots de La Provence, à l’égard de celui dont il avait été le secrétaire d’État sous Chirac. En gros, dans une longue déclaration, le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur reproche à son ancien compagnon de meute chiraquienne une complaisance coupable à l’égard du Hamas et d’abandonner Israël, seule démocratie du Proche-Orient, face aux islamistes, aux terroristes, aux mollahs et ayatollahs de toutes obédiences. Effectivement, si certains peuvent juger que les déclarations de Dominique de Villepin, au sujet de cette guerre qui fait rage au Proche et Moyen-Orient, s’inscrivent dans le sillage de la diplomatie française depuis toujours (qu’on peut résumer à la « solution à deux États »), d’autres, comme Muselier, jugent qu’il a complètement dévissé en se soumettant à un fort tropisme pro-palestinien, pour ne pas dire pro-Hamas. Mais ce n’est pas le sujet de cet édito.

Gardien de la vraie croix de Lorraine ?

Le sujet de cet édito, c’est l’appel de Muselier au général de Gaulle. Un grand classique, désormais, dans notre pays – on se souvient de la fameuse phrase de François Fillon : « Imagine-t-on le général de Gaulle mis en examen ! » Certes, Renaud Muselier a une certaine légitimité familiale sur ce sujet : son grand-père, l’amiral Muselier, fut l’un des premiers à rallier de Gaulle à Londres et lui souffla l’idée de la croix de Lorraine pour symboliser la France libre. Mais cela fait-il pour autant de Muselier un gardien héréditaire et perpétuel de la vraie croix de Lorraine ? Son ralliement au très européiste Emmanuel Macron interroge, comme on dit. Et n’est-ce pas un peu y aller avec de gros sabots (de Lorraine) que de lancer à Villepin : « Ton comportement en ce jour sacré pour le gaullisme n'est pas acceptable : s'il te voit, le grand Charles se retourne certainement dans sa tombe. » Le « grand Charles », n’est-ce pas celui qui évoqua, en 1967, dans une conférence de presse mémorable (comme toutes ses conférences de presse !), ce « peuple d’élite, sûr de lui et dominateur » ? Ce qui valait compliment, pour l’homme du 18 juin.

Les mille occasions du « grand Charles » de se retourner dans sa tombe

Mais, entre nous, depuis que le général de Gaulle est mort, il y aura cinquante-cinq ans cette année, combien de fois n’a-t-il pas dû se retourner dans sa tombe ? Lorsque, par exemple, ses lointains héritiers présomptifs appelèrent à voter oui au référendum sur le traité constitutionnel de 2005, traité qui consistait à livrer la souveraineté de la France à Bruxelles. Il nous semble, d’ailleurs, qu’un certain Renaud Muselier, secrétaire d’État aux Affaires étrangères, avait signé une vibrante tribune en faveur de ce traité : « Demain, la Constitution va permettre à la France de peser plus lourd au Conseil de l'Union. » On sait ce qu’il advint. Un certain Nicolas Sarkozy, autre lointain héritier, paraît-il, du gaullisme, en 2008, contourna l’obstacle. On imagine que « le grand Charles » dut se retourner, une fois encore, dans sa tombe. On pourrait encore évoquer, en vrac, la réintégration dans le commandement de l’OTAN. Ou encore le passage au quinquennat qui inspira cette phrase à la regrettée Marie-France Garaud : « Mitterrand a détruit la Ve République par orgueil, Valéry Giscard d'Estaing par vanité et Jacques Chirac par inadvertance. »

Au XIXe siècle, la grande mode était de faire tourner les tables (« Esprit, es-tu là ? »). Au XXIe, semble-t-il, la nouvelle mode, outre celle de faire tourner les serviettes, consiste à faire parler les morts.

Picture of Georges Michel
Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

Vos commentaires

61 commentaires

  1. Pauvre général, que chacun cite à tout bout de champ pour tirer la couverture à soi. J’imagine que le cimetière de Colombey les Deux Églises en est complètement retourné…

  2. Effectivement cet homme était de grande taille et a aussi imaginé , réalisé , fait de bonnes choses mais on ne peut en faire un Dieu pour autant , il n’était aussi qu’un homme et inversement à l’ambiance actuelle des politiques , il a été capable de se faire discret , en quelque sorte on pourrait même dire qu’il a abdiqué ,ce qui participe à sa taille . De cet homme , gardons en les aspects clairs ,positifs . Au-delà même un Chirac n’a pas réussi de lui atteindre la cheville et quant à sieur de Villepin ,je ne vois aucune raison de le mettre à l’honneur ,pas plus pour avoir vendu les concessions autoroutières aux « privés » que dans ses positions plutôt négatives pour la France ,mais bref ,en conclusion il semble que de bonnes et honnêtes intentions en tout début de carrière , nos politiques hommes et femmes soient déviés ou absorbés par des intérêts personnels . La mode rétro s’affiche par quelques uns ou unes dont les éclats ou prouesses sont loin d’être vus
    Alain Proviste

    • Il en est aussi de tout-petits qu’on a crû aussi prendre pour des Dieux ; à commencer par Buonaparte..

  3. Le « grand charles » est loin d’être une référence dans la plupart des domaines……..

  4. Stop à cette ânerie, le grand Charles n’a rien compris à l’islamisme.
    L’instabilité chronique de la France en est son héritage.
    Nous avons en France deux fléaux le narco-trafic et l’islamisme , il faut les combattre. Ils sont liés

    • Mais bien sur que DE GAULLE avait pigé l’islamisme, puisqu’il a dit qu’il ne voulait pas que son village devienne Colombey les deux mosquées.

  5. Que de bla-bla! Et pendant que l’on discute et se dispute sur des futilités, des lois sont en préparation, comme…vaccination grippe-covid OBLIGATOIRE à partir de 65 ans…Une solution radicale pour le problème des retraites…

  6. Que ces politiques de bas niveaux arrêtent de transformer notre Grand Charles en derviche-tourneur.

  7. Se référer aux propos de petit-fils du Général ( C News ). Rigueur, pondération, propos mesuré et efficaces dans un français explicite ( sans « éléments »… ). Le gaullisme a été peu ou prou trahi dans le fond comme dans la forme. Navrant.

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

Augmenter le budget de la Défense oui, mais on n’affronte pas la menace intérieure
Gabrielle Cluzel sur CNews

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois