À défaut de s’attaquer véritablement à l’iniquité de leurs propres privilèges, c’est à ceux des fonctionnaires que les députés se sont intéressés lors des derniers débats à l’Assemblée nationale. En effet, sur la base du rapport d’information sur la déontologie des fonctionnaires rédigé par Olivier Marleix (LR) et Fabien Matras (LREM), les parlementaires du palais Bourbon ont renforcé l’arsenal prévu par le projet de loi de transformation de la fonction publique, en particulier en matière de transparence sur les plus hautes rémunérations. Seraient notamment concernés les régions, départements, collectivités territoriales et intercos à fiscalité propre de plus de 80.000 habitants, qui auraient désormais à rendre publique la somme des dix rémunérations les plus élevées.

Si l’on ne peut que se réjouir des progrès de la transparence dans ces domaines, ô combien sensibles, des rémunérations et des avantages liés aux fonctions publiques, comment ne pas s’étonner que de telles mesures ne soient pas généralisées à tous ceux qui, d’une façon ou d’une autre, perçoivent de l’argent public ?

À commencer par nos parlementaires qui, en général, se montrent assez discrets sur la nature de leurs émoluments et des avantages qui les concernent. Certes, un effort a été fait en ce sens, il y a quelques années. Mais pour l’essentiel, la fin des avantages n’a touché que les anciens élus, ceux en place continuant de profiter de ceux-ci. Ainsi, si la gratuité du train a bien été enlevée aux anciens députés et sénateurs, les frais d’obsèques des parlementaires (anciens et nouveaux), de leurs conjoints et de leurs enfants n’ont fait l’objet que d’un plafonnement à hauteur de 2.350 euros. Sans doute nos élus nationaux n’ont-ils pas les moyens de faire face, financièrement, à ce type de situation !

De la même façon, si frais de mandat et frais divers ont été revus, ils ont davantage fait l’objet d’un « reconditionnement » que d’une véritable réforme en profondeur, ce qui n’a changé en rien la nature de tels avantages.

Une fois encore, le projet de loi actuellement débattu sur les privilèges des hauts fonctionnaires par les députés n’aura d’autre portée que celle d’une communication de circonstance.

De la même manière que la plus grande opacité règne encore et toujours sur la façon dont fonctionnent nos assemblées, il sera impossible de vérifier la mise en œuvre par les collectivités des mesures annoncées dans le nouveau texte. Pour preuve, un an après leur mise en place, les dispositifs d’alertes contenus en la matière dans la loi Sapin 2 ne sont appliqués que par 5 % des communes.

La réforme attendue par les Français en matière d’égalité de traitement et de transparence dans la vie publique ne sera donc pas pour cette fois encore. Les bénéficiaires de l’argent public que sont nos élus, si prompts à contrôler les autres, continueront donc de profiter d’un système choquant et injuste.

Pour remédier à ces pratiques d’un autre temps, c’est un statut basé sur le modèle général applicable à l’ensemble des Français qu’il faut leur appliquer. À un moment où l’on parle de rapprochement des statuts du privé et du public, notamment en matière de retraite, le temps n’est-il pas venu de l’appliquer à ceux qui nous gouvernent et nous administrent ? Par ailleurs, c’est un contrôle direct qui doit pouvoir s’opérer sur ces pratiques occultes.

Dès lors, de la même manière qu’il est envisagé de recourir à un tirage au sort populaire pour traiter de certains phénomènes d’intérêt général (convention citoyenne pour le climat, par exemple), pourquoi ne pas faire de même lorsqu’il s’agit de veiller au bon fonctionnement et à la transparence de nos institutions ?

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22 mai 2019 à 9:49

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