Après J. K. Rowling, Salman Rushdie et John Cleese, Nick Cave dénonce l’inquisition progressiste

Nick Cave

Après le fast-food, le rap, l’OTAN, Judith Butler, George Floyd, un nouveau retour de monnaie nous revient des campus universitaires américains, corrompus probablement irréversiblement, à la French Theory exportée au cours de l’âge de pierre soixante-huitard par les commerciaux transatlantiques du progressisme, Beauvoir, Sartre, Foucault et Cie. Retour de monnaie, synonyme de boomerang supplémentaire dans nos gencives au sein de cette monocratie de la réflexion non binaire qu’est devenue la république Chiquita©.

La cancel culture – littéralement culture de l’annulation - est une réplique contemporaine du goulag de la pensée, une forme de boycott au cours duquel un individu aux idées considérées comme dissidentes par une catégorie de la population généralement issue de la caste idéologiquement majoritaire des minorités à l’offense facile, celle des chroniquement opprimés et des adeptes du politiquement correct subjectiviste et socialement judiciarisé. « Le politiquement correct est devenu la religion la plus malheureuse du monde. Sa tentative autrefois honorable de réinventer notre société d'une manière plus équitable incarne désormais tous les pires aspects qu’une religion peut offrir - et aucun de la beauté -, la certitude morale et l’autosuffisance dépouillées de la capacité de rédemption. C'est devenu littéralement une mauvaise religion devenue folle. »

C’est en ces termes que Nick Cave, membre fondateur de Nick Cave and the Bad Seeds, chanteur, auteur, compositeur, écrivain, poète et scénariste à ses heures perdues, décrit sur son blog The Red Hand Files cette culture de l'annulation qui fait référence à cette pratique « sociale » qui consiste à retirer le soutien à certaines personnalités publiques ou institutions, voire à les expulser des réseaux sociaux virtuels ou du monde dit réel, sur la base d’un avis jugé répréhensible. « Annulés », selon le lexique progressiste, « cassés » selon de Brice de Nice.

Après les idées devenues folles du christianisme dénoncées par Chesterton notamment sur la religion relativiste du droit-de-l’hommisme, voici venu le temps où les idées progressistes deviennent à leur tour démentes, victimes de leur hérésie immanente. Cave poursuit : « Le refus de la cancel culture de s'engager avec des idées inconfortables a un effet asphyxiant sur l'âme créative d'une société [...] Nous sommes une culture en transition, il se peut que nous nous dirigions vers une société plus égalitaire, mais quelles valeurs essentielles perdrons-nous dans le processus ? » Et de conclure, « sans pitié, la société devient inflexible, craintive, vindicative et sans humour ».

Cette réflexion fait suite à une lettre ouverte publiée et signée par plusieurs auteurs, notamment J.K. Rowling et Salman Rushdie, dénonçant « un nouvel ensemble d'attitudes morales et d'engagements politiques qui tendent à affaiblir nos normes de débat ouvert et de tolérance des différences en faveur de la conformité idéologique ». John Cleese, des Monty Python, n’est pas en reste : « Le problème du politiquement correct est que les comédiens doivent s’adapter en fonction de ce que nous disent les personnes les plus sensibles, les plus instables émotionnellement, les plus fragiles et les moins stoïques du pays. »

Cette inquisition progressiste, cette propagation de la censure, cette ostracisation imposée, qui résulte d’une intolérance aux opinions contradictoires et à l’offense puérile, nous porte à croire que finalement, le mur de Berlin n’est peut-être pas tombé et qu’il s’est juste déplacé à l’Ouest. Que nous faudra-t-il pour abattre définitivement cette cloison idéologique, et dans combien de temps avant qu’il ne soit trop tard ?

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