Antilles : Macron ne s’est-il pas trompé de stratégie en imposant le passe à une métropole fortement vaccinée ?

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C'est entendu : la vaccination limite les formes graves, et donc les hospitalisations. La preuve par les chiffres : 85 % des patients hospitalisés ne sont pas vaccinés. La preuve a contrario par les Antilles : très faible taux de vaccination, hôpital débordé. Et l'on peut suivre Emmanuel Macron qui, depuis Brégançon, a parlé d'une « démonstration cruelle ». Mais ce tsunami qui a déferlé aux Antilles, et non en métropole, est aussi la démonstration cruelle de son erreur stratégique : car c'était certainement sur ces territoires faiblement vaccinés, et sur les populations à risques, qu'il aurait fallu « mettre le paquet » plutôt que d'imposer unilatéralement le passe à une métropole où la vaccination avançait par millions. Le Macron du 11 août n'est plus le prophète du progrès à marche forcée du 12 juillet mais le commentateur un peu dépassé de son erreur stratégique qui en est réduit à s'alarmer de la « situation dramatique ».

Mais en métropole, justement ? Gabriel Attal, il y a quinze jours, et encore Olivier Véran, le 5 août, ont parlé du « tsunami » pour cette 4e vague. Et c'est au nom de cette perspective, fondée sur l'augmentation du taux d'incidence, que fut imposé le passe sanitaire. Sans tenir compte, toutefois, de la « décorrélation » observée au Royaume-Uni entre la courbe des cas et celle des hospitalisations et des décès.

J'ai du mal à saisir qu'avec les dizaines de millions (50 millions, fin août) de vaccinés (notamment les personnes à risques), des taux s'élevant à 80 % en métropole et en partant d'un chiffre si bas en réanimation (850, début juillet), contrairement aux 2e et 3e vagues où l'on partait de plus haut, on puisse envisager un « tsunami » à l'hôpital. Dépassera-t-on les 3.000, les 4.000, alors qu'on n'a jamais dépassé les 5.000 patients en réanimation lors des 2e et 3e vagues ? Si vaccination et passe sont aussi efficaces qu'on nous le dit, la logique voudrait qu'on n'atteigne pas ces pics, non ?

Alors, je tourne et retourne ces chiffres dans ma tête. Et, comme personne parmi les sachants ne daigne m'expliquer, j'essaie de comprendre et j'émets mes petites hypothèses :
- le variant Delta est nettement plus contagieux d'où, même en réduisant le vivier (les non-vaccinés), la pression hospitalière demeure forte. Forte au point d'égaler ou de dépasser les pics des premières vagues alors que la vaccination avance fortement ? Ce serait tout de même étonnant ;
- il y a beaucoup moins de lits en réa cet été ;
- les vaccinés représentent tout de même 15 % des hospitalisés ;
- ou/et on hospitalise différemment que lors des premières vagues, à des stades plus précoces de la maladie. Je n'ai retrouvé mon interrogation et cette hypothèse que dans l'analyse de Michèle Legeas, professeur à l’École des hautes études en santé publique, interrogée par 20minutes : « L’augmentation à l’hôpital est un peu plus surprenante car la vaccination limite les formes graves, on l’a vu dans plusieurs pays, comme l’Angleterre ou Israël. [..] Peut-être que cette augmentation d’hospitalisation s’explique aussi par le fait que l’on prend mieux en charge et à des niveaux moindre de gravité que lors des vagues précédentes. »

Autrement dit, selon elle, on hospitaliserait pour des formes moins graves. Sans doute pour de bonnes raisons, pour une meilleure prise en charge, et c'est tant mieux. Mais, du point de vue des chiffres, des comparaisons, de l'analyse de l'épidémie, cela change la donne. Notamment dans la justification et la perception des mesures de restriction de liberté imposées en se fondant sur ces chiffres.

Déjà, lors de la 3e vague, Thomas Bertin avait relevé ici qu'Emmanuel Macron, dans son allocution solennelle du 28 octobre, avait justifié ses mesures d'alors par cette phrase : « Quoi que nous fassions, près de 9.000 patients seront en réanimation à la mi-novembre. » Or, le pic des 5.000 ne fut jamais atteint. Cette fois-ci, il s'est bien gardé d'avancer des chiffres, et le gouvernement s'est contenté de lancer la perspective dramatique, et tout aussi effrayante, du « tsunami » à l'hôpital.

C'est donc, paradoxalement, en se fondant sur une situation sanitaire moins dégradée qu'Emmanuel Macron a imposé de nouvelles restrictions historiques, via le passe.

Dès lors, le pic de cette 4e vague, attendu fin août, permettra de poser quelques questions à nos gouvernants :
- si ce pic ne dépasse pas les 3.000 ou 4.000 (nous sommes à 1.700) en réa, ce qui paraît possible, pourquoi avoir imposé ce passe en métropole en dramatisant la situation ?
- si ce pic atteint ou dépasse les 5.000 des vagues précédentes, et si la vague est bien le tsunami annoncé, quid de l'efficacité d'une vaccination massive ?

Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

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