Annulation des dettes africaines : quand le remède peut se révéler pire que le mal
Qu’il est généreux et populaire de proclamer « l’annulation massive des dettes » des pays africains, comme l’a fait le Président Macron d’un coup de baguette de com’ magique lors d’un énième discours manipulateur à la nation, ce 13 avril. Or, cette mesure, officiellement destinée à les aider à lutter contre le Covid-19 - devenu le nouvel ennemi mondial -, peut se révéler être une grossière « fausse bonne idée », un nouveau mécanisme de fraude institutionnelle pyramidale ; finalement, un remède pire que le mal.
Il est vrai que, la veille, le pape François avait appelé à « l’annulation des dettes des pays les plus pauvres », sans les désigner ni en préciser les modalités. On n’attendait pas un discours moins charitable du pontife romain, mais l’expérience montre que l’enfer est aussi pavé des meilleures intentions. Or, toute la différence tient dans l’usage réel des aides accordées et dans le bénéfice final des déshérités. Comme le dit l’encyclique La Joie de l’Évangile : « La réalité est plus importante que l’idée. »
Il est facile et gratifiant de faire don d’un argent qu’on ne doit pas débourser mais dont les compensations économiques des dettes, contreparties légitimes, sont pourtant si nécessaires pour gérer les besoins urgents et prioritaires des Français. Soit, mais quand la noblesse de sentiment affichée devient de la libéralité dispendieuse, on attend au moins de cette générosité qu’elle s’appuie sur des ressources existantes et produise les effets vertueux escomptés. Or, aucune de ces conditions n’est réunie.
Le proverbe « Charité bien ordonnée commence par soi-même » le dit bien : comment prétendre s’occuper des autres quand on ne peut subvenir à ses propres besoins ? Les bonnes âmes, à la virulence souvent proportionnelle à leurs subsides publics, crieront à l’égoïsme, à une atteinte insupportable à quelque droit absolu de l’homme ; sans se soucier de savoir qui produit les ressources ainsi consommées à crédit, ou plutôt à débit.
Vue d’Afrique, cette idée, comprise par les Africains comme une promesse irréversible, était dans l’air du temps et en attente d’un contexte favorable pour la rendre acceptable. En réalité, elle est animée par des raisons fallacieuses de revanche et de repentance historiques, de rattrapage matérialiste forcené et injuste et de copinages politico-affairistes conflictuels.
Car cette mesure se heurte à une mauvaise gouvernance criante et généralisée en Afrique, dont on constate les effets sur le terrain, en dehors des bureaux climatisés et à l’écart des itinéraires balisés pour gogos étrangers de passage. L’argent public est généralement mal géré, quand il n’est pas détourné vers des poches privées. Aussi, déverser encore plus d’argent public dans le tonneau des Danaïdes de l’aide au développement, au travers d’un « plan Marshall » largement cité hors contexte pour briller en société, comme le préconisent de pseudo-humanistes et économistes étatistes, revient à remplir un peu plus les poches d’une infime minorité d’élites prédatrices de pays qui débordent de ressources naturelles mais sont riches avant tout… de pauvres. Ce qui existe ailleurs, exception sanctionnée par la loi, est ici la règle protégée par l’impunité.
Or, il y a une logique, idéologique, dans l’effacement et le repentir historiques. On avait pointé ici l’ambiguïté, très macronienne, du discours du 75e anniversaire du Débarquement, proclamant « une gratitude impérissable » sans en définir la nature : « Cette participation nous engage, nous honore et nous oblige à en réaliser les promesses et en mesurer la dette. » Nous y voilà ! Entre dette historique de reconnaissance et reconnaissance économique de dette, il s’agissait bien, comme on le craignait, de l’effacement idéologique des dettes africaines.
Car, quel est le problème de fond posé par cette mesure ? Elle tient en deux conditions jamais réellement exigées par les partenaires internationaux, obsédés par le décaissement, au nom du principe commode de non-ingérence dans les affaires intérieures des États : la conditionnalité, a priori, et le contrôle, a posteriori, de l’usage des aides et de leurs bénéficiaires. Autrement dit, la non-redevabilité des dirigeants.
D’une annulation massive de dette à une fraude massive, ne soyons donc pas dupes, sous peine d’être complices. Si cette crise sanitaire pouvait apporter un vrai grand changement salutaire, ce serait celui-là : n’acceptons plus que les dirigeants aux idées et aux pratiques corrompues fassent impunément n’importe quoi sur le dos de leurs populations !
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