Gilles Ardinat : « Les inégalités scolaires explosent pendant le confinement »

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Lors de son allocution télévisée, lundi soir, Emmanuel Macron a surpris tout le monde en annonçant une réouverture des crèches, écoles, collèges et lycées au 11 mai. Une décision à nuancer, selon Jean-Michel Blanquer, qui s'est montré très prudent.

Réaction de Gilles Ardinat au micro de Boulevard Voltaire. L'occasion d'évoquer avec lui le creusement des inégalités sociales entre élèves du fait de la scolarisation « à domicile » pendant le confinement, mais aussi la possible « démonétisation » du bac dans sa version 2020.

https://www.youtube.com/watch?v=8VW2ArNo7YU&feature=youtu.be

Hier soir, le président de la République s’est exprimé pendant une vingtaine de minutes. Cette intervention a été suivie par une majorité des Français. Parmi les annonces du chef de l’État, la réouverture progressive de l’école à partir du 11 mai est prévue. Cette date serait le début d’un déconfinement progressif. Est-ce faisable et souhaitable ?

En annonçant le déconfinement et la de réouverture des crèches, des écoles, des collèges et des lycées le 11 mai, Emmanuel Macron a créé la surprise. Ces derniers jours, la plupart des médias avaient laissé entendre qu’ on se dirigerait en France vers un scénario à la new-yorkaise. Le maire de New York a décidé de fermer toutes les écoles jusqu’au début du mois de septembre. Beaucoup attendaient cette décision-là. Néanmoins, cette réouverture serait relative.
Jean-Michel Blanquer a immédiatement édulcoré et précisé les conditions. Cette réouverture sera très aménagée et progressive et la reprise des cours sera facultative. Le ministre s’est montré extrêmement prudent.
Monsieur Macron et monsieur Blanquer sont complètement dépendants de deux facteurs. Premièrement l’évolution de l’épidémie. S’il n’y a pas une accalmie des hospitalisations et des décès, le déconfinement ne sera évidemment pas raisonnable.
Deuxièmement au sujet des conditions matérielles, quid de la logistique pour fournir des tests, des masques et la possibilité de prendre la température des élèves. S’il n’y a pas cette logistique, l’idée d'une reprise au mois de mai est complètement hypothétique.

Si Emmanuel Macron et le gouvernement veulent remettre les Français au travail se posera la question des enfants. Pour que les parents puissent aller travailler, il faut que les enfants retrouvent fatalement le chemin de l’école.

C’est l’un des critères de réflexion d’Emmanuel Macron. Relancer la machine économique sous-entend que les écoles vont devoir rouvrir. C’est une attention louable, mais il faut le faire dans des conditions sanitaires et scolaires satisfaisantes. Beaucoup de Français craignent qu’il n’y ait pas suffisamment d’éléments en matière de test et de distribution de masques pour organiser ce déconfinement.

Le chef de l’État a motivé cette réouverture progressive des écoles par un constat. Cette épidémie a révélé les inégalités qui existeraient en milieu scolaire. Certains enfants seraient plus avantagés que d’autres concernant le travail à la maison. Les parents sont plus ou moins compétents pour suivre le travail de leurs enfants. Cette inégalité scolaire est-elle réelle ?

Oui bien évidemment. Je peux vous en parler en tant que professeur. Le système de la continuité pédagogique a bien confirmé qu’il y avait des écarts énormes en fonction des élèves et des milieux sociaux. Les élèves en difficultés scolaires sont généralement ceux qui disparaissent des écrans radars, ils ne donnent plus de nouvelles. La reproduction des inégalités sociales est décuplée lorsque les élèves restent confinés chez eux, là où l’école a l’avantage de donner une certaine structure pour laisser une plus grande chance à tous les élèves. Derrière cette crise sanitaire et scolaire, il y a des enjeux sociaux considérables. Je vous rappelle qu’il y a 12 millions d’élèves en France. Toutes les familles sont donc concernées. Cette préoccupation sociale est réelle avec des risques de décrochages scolaires pour des centaines de milliers d’élèves.

Le BAC 2020 aura-t-il moins de valeur que ceux des années précédentes ?

La session 2020 du BAC risque fort d’être dévalorisée du fait des conditions très particulières. Le contrôle continu est un système qui a énormément d’inconvénients. Néanmoins, vu les incertitudes autour de cette épidémie, vu l’état psychologique de la situation et vu que le calendrier ne peut absolument être maîtrisé, l’annulation des épreuves de BAC était la seule décision raisonnable. C’est un moindre mal de donner le BAC sur la base des livrets scolaires. Sur la base du premier et du deuxième trimestre, les élèves obtiendront ou non leur Baccalauréat sans passer d’épreuve. Si suite au déconfinement des cours en lycée peuvent véritablement avoir lieu, on peut imaginer qu’un morceau du troisième trimestre vienne compléter les deux premiers. Dans les conditions actuelles sanitaires, cela paraît très difficile.

 

Gilles Ardinat
Gilles Ardinat
Conseiller municipal d'opposition à Frontignan (34) Professeur agrégé d’histoire-géographie, universitaire et militant souverainiste

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