Anne Hidalgo refuse une sépulture à Michel Déon

Michel Déon, mort en Irlande à l’âge de 97 ans, n’aura pas de sépulture à Paris. Telle est la décision de la mairie de Paris. Et ce, malgré la demande de ses proches, notamment de sa fille, domiciliée à Paris, et de l’Académie française. L’adjointe chargée des affaires funéraires a rappelé que la mairie n’avait "juridiquement pas le droit de transiger avec les règles fixées par le Code général des collectivités territoriales", au risque d’une "rupture d’égalité". Et Anne Hidalgo de saluer "une réponse très claire".

Pourtant, si l’article L2223-3 du Code général des collectivités territoriales énumère les personnes auxquelles la sépulture dans le cimetière d'une commune est due, il ne s’agit en rien d’une liste restrictive. Ainsi, répondant, en 2013, à la question écrite d’un sénateur, le ministre de l’Intérieur avait souligné que, "lorsqu’une personne ne dispose pas du droit d’être inhumée, la commune est libre, au moment du décès, d’accepter ou non l’inhumation de cette personne dans son cimetière" (réponse publiée dans le JO Sénat du 10 octobre 2013).

Rien n’empêchant, donc, Anne Hidalgo de faire une exception pour cet écrivain, il faut chercher ailleurs que dans le respect strict des règles le motif de ce refus. Lui reprocherait-on d’avoir été secrétaire de rédaction à L’Action française de Charles Maurras ? Ce Charles Maurras récemment retiré du Livre des commémorations nationales de l’année 2018 ? Françoise Nyssen, le ministre de la Culture, aurait cédé aux pressions : pour "lever l'ambiguïté" sur "des malentendus qui sont de nature à diviser la société française", soulignait-elle.

Autrefois, on brûlait des livres. De nos jours, on voue leurs auteurs à l’oubli. Une version nouvelle, mais non moins efficace, de Fahrenheit 451, ce roman de science-fiction de Ray Bradury.

Anne Hidalgo n’a aucun scrupule à rendre hommage, dans une exposition à l’Hôtel de Ville, à Che Guevara, qu’elle qualifie d’"icône militante et romantique" : elle refuse, en revanche, une sépulture parisienne à un écrivain reconnu, qui a pour seul tort d’être libre comme Les Poneys sauvages, de ne pas se soumettre à la bien-pensance, d’être de droite et royaliste. D’appartenir, comme les regrettés Roger Nimier, Jacques Laurent ou Antoine Blondin, à cette génération de hussards, à la fois désenchantés et révoltés.

Michel Déon n’a jamais renié son passé. C’est tout à son honneur. De Maurras, il disait encore, dans Le Point du 28 février 2011, qu’« [il] détestait le fascisme. Il pensait que la monarchie, c’est le pouvoir modéré, qui ne tient pas sa force des élections, mais des traditions." Il l’avait connu et, contrairement à ses détracteurs, connaissait ses œuvres, qui ne se limitent pas à ses écrits politiques.

Michel Déon, sauf rebondissement improbable, vous n’aurez sans doute pas de sépulture dans un cimetière parisien. Mais vous aurez bien mieux : vous aurez une sépulture dans le cœur de tous vos lecteurs. "Ce n'est pas assez de vivre, ni même de revivre. Il faut vivre trois fois. Moi j'ai déjà vécu deux fois. Je vais vivre une troisième fois !", disait un de vos personnages d’Un taxi mauve. Vous, vous vivrez éternellement !

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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