Ah, ce délicieux parfum des messes clandestines… et de la délation !

KLU KLUX KLAN

« Messes clandestines » ! N’ayons pas peur des mots : elles sont au culte catholique, dans l’imaginaire journalistique, ce que sont les bars clandestins. Comme un parfum, non pas d’encens, mais d’interdit. D’alcool frelaté et de filles d’importation, ou le contraire, voire les deux à la fois. Bref, de vice.

« Les fidèles, masqués, arrivent au compte-gouttes depuis une demi-heure » (Le Parisien du 21 novembre). Masqués ? Comme pour aller au bal, au bal masqué, ohé, ohé ? Ou avec des loups noirs, comme dans les films de cape et d’épée ? Plus prosaïquement, il s'agit, on le devine, des masques que l’on sait. Des cagoules, genre Ku Klux Klan, eussent été l’idéal, faut reconnaître. Dommage... En tout cas, on en frissonne d’avance et on s’attend à voir apparaître une sorte de bossu hideux en guise de bedeau, filtrant les entrées devant la lourde porte de l’édifice - car la porte est forcément lourde. Mais non. « Lorsque le prêtre fait son apparition dans l’allée, ils sont désormais 75 à se retrouver dans l’église. » Le prêtre n’entre pas dans l’église, il « fait son apparition » : nuance. Deus ex machina. « Les portes ont été fermées à clé, l’assistance se lève. Bienvenue au cœur d’une messe clandestine dans une paroisse “ordinaire” d’Île-de-France. » Même pas chez les tradis ou autres intégristes ! C'est à désespérer. En tout cas, on sent que le reporter (on va dire comme ça) a pris de gros risques. Ceux pris par Hubert Bonnisseur de La Bath, dans OSS 117, Le Caire, nid d’espions, lorsqu’il se retrouve au milieu d’une réunion clandestine de fanatiques mahométans. Manque plus que la descente, nuitamment (forcément), dans des catacombes humides éclairées par des torches fumantes et le tableau sera complet.

Pour un peu, dans cette « messe clandestine », on doit y faire des trucs un peu louches, genre ceux que la Voisin aurait organisés pour la Montespan afin qu’elle retrouve les faveurs du roi, vous voyez. Mais non. Le reste de l’article décrit une messe dans tout son ordinaire, j’allais dire sa banalité. On est déçu. À la fin, « les troupes catholiques se dispersent discrètement, par petits groupes, via les deux sorties dont une seulement connue des initiés ». Là, on hésite, effectivement, entre les Chouans (« troupes catholiques ») et les adeptes du Temple solaire (les « initiés »). Franchement, dans ce pays, y s’passe des trucs…

Et la police, elle fait rien, la police ? Si, bien sûr. Si on l’appelle. Du temps de la Montespan, la France se dota d’un réseau de mouchards que le monde entier nous envie. Et la tradition s’est perpétuée. Et vous avez des gens qui disent que tout fout le camp ! Fini, les lettres anonymes ; un coup de fil, c'est plus facile. C’est ce qui s’est passé à Toulouse, samedi. L’abbé Simon d’Artigue, curé de la paroisse cathédrale Saint-Étienne, en a fait les frais. Célébrant sa messe privée en présence (désormais, on dit « en présentiel ») de trois personnes habitant le presbytère, il a été dénoncé à la police par un « zélé délateur », selon sa propre expression. « Nous vivons une époque formidable », a-t-il commenté sur sa page Facebook. La police a donc débarqué sur les lieux. Comme dans un clandé au petit matin blême. Pour constater qu’il n’y avait rien d’illégal, les participants vivant sous le même toit que l’abbé. On a de la peine pour le délateur. D'autant qu'il faisait ça, sans doute par pur civisme, vu que, pour l'instant, on n'offre pas de récompense.

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Georges Michel
Editorialiste à BV, colonel (ER)

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