« Je ne crois aux statistiques que lorsque je les ai moi-même falsifiées », affirmait, jadis, Winston Churchill. Sans comparer Nicolas Hulot, l’homme des shampooings Ushuaïa, à celui du Blitz, il est manifeste que l’ancien ministre de la Transition écologique et solidaire a bien retenu la leçon, même s’il vient de se faire choper, la main dans le pot de confiture au quinoa.

Entre « 2009 et 2917, l’utilisation des pesticides en France a augmenté de 25 % », à en croire sa Fondation pour la nature et l’homme, rapport illico relayé par nombre de médias. Sauf que Julien Denormandie, ministre de l’Agriculture, n’est pas tout à fait du même avis, tweetant sur ce portrait « faux » et « dégradant » de l’activité de nos paysans.

Ce que confirme le site Internet du Point qui révèle « les faux chiffres de la fondation Nicolas Hulot » : « En 2018, la quantité totale de substances actives vendues en France s'élève à 85.876 tonnes, souligne la fondation. Premier problème : la FNH a préféré ignorer les ventes de l'année 2019, alors qu'elles ont plongé à seulement 55.467 tonnes au total (soit une baisse de 36 %), les agriculteurs ayant anticipé, dans leurs achats de l'année précédente, la forte hausse d'une taxe frappant les pesticides au 1er janvier 2019. » Bref, résume notre confrère, « en moyenne triennale, la baisse atteint 12 % en 2018-2019 », ce qui n’est pas tout à fait la même chose.

Plus intéressant : de 2009 à 2018, l’achat de pesticides les plus toxiques (CMR 1, dont les effets nocifs sont scientifiquement avérés) sont en baisse de 15 %, tandis que les moins « dangereux » (CMR 2, dont les mêmes effets nocifs sont seulement suspectés de l’être) accusent, eux aussi, une chute de 9 %. Un rejet de ces produits chimiques qui est à l’évidence plus structurel que conjoncturel, l’usage des CMR 1 et des CMR 2 ayant, respectivement, diminué de 63 % et 43 % pour l’année 2019.

En bonne logique, Nicolas Hulot aurait dû se féliciter de ce retour à une agriculture plus traditionnelle, même si les pesticides à l’ancienne, tels le soufre ou le cuivre, qui reviennent en grâce (16 % des produits annuellement épandus), ne sont pas non plus sans conséquences sanitaires. En effet, ces derniers, même si produits « naturels », relèvent aussi de la chimie que l’on retrouve à l’état naturel dans la… nature. Comme quoi.

Il n’empêche qu’au final, et ce, en quelques années seulement, nos paysans ont baissé de 40 % leur consommation des pesticides les plus nuisibles. Ce, au prix d’un énorme surcroît d’huile de coude que Julien Denormandie salue justement en ces termes : « Le courage n’est pas dans l’incantation mais dans les 55 heures de travail hebdomadaires des agriculteurs. » En la circonstance, et sans forcément l’avoir voulu, le ministre de l’Agriculture vient de se trouver un allié en la personne de Patrick Moore, l’un des fondateurs historiques de Greenpeace et auteur d’un manifeste consacré à « une écologie scientifique et durable » : Confessions d’un repenti de Greenpeace.

Il y pose, notamment, cette question, lourde de sens : « Comment se fait-il que nous souhaitions généralement prendre des pesticides (médicaments) pour guérir des maladies, alors que beaucoup d’entre nous craignent le moindre résidu de pesticide dans nos aliments ? » Mieux : « Les produits chimiques que nous utilisons pour tuer les ravageurs des cultures et guérir le bétail sont-ils plus dangereux que les médicaments que nous prenons ? »

Dans cet essai passionnant, Patrick Moore rappelle encore que « 30 % des cancers humains sont causés par la consommation de tabac, plante parfaitement naturelle, et que 35 % des cancers sont causés par une mauvaise alimentation, principalement un excès de graisse et de cholestérol, substances tout ce qu’il y a de plus naturel ». Mais depuis qu’il nous a été dit que le même tabac, additionné d’alcool, ferait rempart contre le Covid-19, qui croire ? Pas Nicolas Hulot, a priori.

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15 février 2021 à 17:44

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