Quand le ministère des Armées imagine Le Camp des saints : un scénario-catastrophe entre migrations environnementales et menace islamiste
On sait que le rôle des facteurs environnementaux dans les migrations intercontinentales est de plus en plus médiatisé : il est un moyen, pour certains universitaires, d’atténuer le caractère anxiogène du fait en imposant l’idée de l’inéluctable. Dans les trente années qui viennent, cependant, d’importants changements démographiques risquent d’accroître les tensions et les crises à travers le monde.
Cap au Sud. Connaissez-vous Tarifa ? Cette petite ville fortifiée de l’Andalousie, au nom d’un conquérant berbère du VIIIe siècle, est la « pointe de l’Europe ». Au-delà, le détroit et la vue sur les côtes marocaines, à 14 kilomètres. Et, par-delà les images de carte postale, et d’un site prisé des aficionados du surf et de la planche à voile d’avant confinement, une réalité tragique. Sur l’île des Palombes, le CIE, centre de rétention des étrangers clandestins appréhendés par les autorités militaires et maritimes espagnoles, a fermé ses portes en juillet dernier, suite aux pressions anciennes – vieilles de treize années – des forces politiques de gauche, d’ONG dénonçant un système carcéral ; mais surtout face aux contraintes sanitaires occasionnées par le Covid-19. Le centre avait au préalable été vidé de ses « migrants », en mars, en raison de l’état d’urgence. Qu’est-il advenu d'eux ? Perdus dans la nature ?
Toujours est-il que la mer d’Alboran, portion de Méditerranée entre le détroit de Gibraltar, la côte andalouse et le Maghreb, est devenue le couloir de pénétration vers l’Europe de près d’un migrant sur deux en 2018, faisant de l’Espagne le premier pays d’entrées illégales. Selon l’Association pour les droits humains d’Andalousie, cette même année, 1.064 personnes auraient perdu la vie en tentant la courte mais périlleuse traversée. Les ONG, qui prospèrent aussi de ces drames, savent jouer du tragique des situations. Et le 5 février dernier, Fabrice Leggeri, directeur de Frontex, a dû se justifier devant les accusations de plusieurs d’entre elles selon lesquelles l'Union européenne refoule illégalement des migrants à ses portes. « Nous sommes dans l'interception des trafics », s'est-il défendu, assurant qu'il ne s'agissait « pas d'empêcher des personnes de demander l'asile » si elles le souhaitent.
Crispations légitimes ou fantasme de l’invasion et du remplacement ? En tout cas, dans le but d’anticiper « l’adaptation des forces armées pour faire face à ces différentes situations », le ministère des Armées, comme le rapporte Thomas Gomart dans son essai Guerres invisibles, envisagerait divers scénarios cauchemardesques. Les auteurs d’un rapport prospectif de 2016, Alex Bastien et François Gemenne, ont imaginé la situation suivante à l'horizon 2030 : retrait de Barkhane en 2022 et poursuite de la désertification au Sahel, avec une démographie galopante et une absence de perspectives pour les populations de la zone. Puis : « Les djihadistes profitent d’une ultime sécheresse et de tensions sur la gestion de l’eau urbaine pour passer à l’acte et déstabiliser d’abord les gouvernements, puis prendre le contrôle de Niamey et Bamako », ce qui pousse les Maliens et les Nigériens vers l’Europe via le Maroc et l’Algérie. « Bientôt, l’Espagne se retrouve dans la situation de l’Italie post-crise libyenne de 2011 […] La France est obligée d’intervenir en déployant une opération sur le modèle de Mare Nostrum pour éviter l’hécatombe en Méditerranée occidentale. » Pression des ONG, opinion publique divisée ; les auteurs imaginent alors un réengagement militaire de Paris au Sahel, en liaison avec Rome et Madrid. Mais ajoutent que la périphérie de Tanger se transformerait en « Calais de la rive sud, au grand désarroi des autorités marocaines ».
Thomas Gomart note avec justesse que ce scénario, publié en 2016, a pour horizon l’année 2030, mais qu’en août 2020, un coup d’État militaire a déposé le président malien Ibrahim Boubacar Keïta ; signe de l’instabilité politique chronique au Sahel...
Jean Raspail a pu écrire : « Deux camps se font face. L’un croit aux miracles. L’autre n’y croit plus. Celui qui soulèvera les montagnes est celui qui a conservé la foi. Il vaincra. Chez l’autre, le doute mortel a détruit tout ressort. Il sera vaincu. » Apocalypse ?
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