Affaire CNews : petit retour historique sur l’affaire des fiches

général andré

La récente décision du Conseil d’État vis-à-vis de l’Arcom concernant le contrôle de l’audiovisuel en France n’est pas un acte anodin, comme vous vous en doutez. Désormais, chaque « chroniqueur, animateur et invité » des plateaux de télévision sera rattaché à un courant idéologique ou politique. Si cette décision peut amener à une censure, elle n’en est pas néanmoins nouvelle. La France, il y a un siècle, avait déjà connu une affaire comparable où l’opinion d’une personne était devenue un quasi-délit et avait été considérée comme une menace par certaines autorités. Nous voulons parler de la honteuse affaire des fiches, évoquée par Richard Hanlet.

Remontons, il y a plus d’un siècle, en 1904, dans une France déchirée. En effet, un profond sentiment anticlérical monte dans la sphère politique. Dieu doit disparaître de l'espace public mais aussi de l’esprit des hommes et l’État ne doit souffrir d’aucune menace dans ce domaine : seule la République doit gouverner. Ainsi, certains républicains radicaux rêvent de voir une armée entièrement soumise à la République et expurgée de tous les amis des curetons et autres nostalgiques de la monarchie. Pour ce faire, il n’y a rien de plus simple : favorisons les bien-pensants et écartons les autres, séparons le bon grain de l’ivraie, aidons les républicains et les francs-maçons au détriment des catholiques et des aristocrates. Ainsi, le général André, ministre de la Guerre depuis 1900, décide, à l’aide d’un puissant réseau, de ficher tous les officiers de l’armée afin de les identifier et de connaître leurs opinions politiques et religieuses.

C’est ainsi que pas moins de 18.818 fiches, selon l’historien Serge Berstein, furent enregistrées en 1903. On y trouve des mentions de ce type : « Clérical actif », « très militant », « nuisible » ou encore « cléricafard », « cléricanaille ». Avoir des ascendances nobles n’est pas non plus une bonne chose : « Quand on porte un nom pareil, on ne peut pas être républicain. » Des enquêtes sont aussi menées sur les familles, leurs relations avec les prêtres, si les enfants sont scolarisés dans des écoles catholiques ou laïques. On va même interroger certains gradés afin de connaître ceux qui vont à la messe. À cette question, celui qui n’était alors que le colonel Philippe Pétain, qui n'était pourtant pas spécialement un « calotin », aurait répondu : « Je ne saurais vous le dire car je suis au premier rang et je n'ai pas coutume de me retourner pour regarder derrière moi pendant l'office. » A contrario, on n'est pas avare de compliments pour le bon grain : « intelligent, ne se montre pas dans les églises », « excellent républicain, personne ne l’a jamais vu aller à l’église », « libre-penseur convaincu, à recommander au ministre ». La majeure partie de ces gentils ont ainsi droit à de brillantes promotions, au détriment des méchants qui voient leur carrière ralentir.

Une enquête de cette ampleur finit, heureusement au nom de la liberté d’opinion, par être connue des Français. En 1904, les journaux révèlent l’affaire ainsi que la responsabilité du ministre de la Guerre. Le scandale est tel qu’en 1905, le gouvernement d’Émile Combes tombe et est remplacé par un nouveau cabinet qui, condamnant les agissements des précédents ministres, n’entreprend aucune sanction envers les responsables et va même continuer la honteuse entreprise du général André. Il faut alors attendre 1913 pour que le nouveau ministre de la Guerre, Alexandre Millerand, mette définitivement fin à cette odieuse situation, non sans conséquence malheureuse pour nos forces armées. Ainsi, en août 1914, dès le début de la guerre, plus de 150 généraux incompétents, autrefois promus au seul nom de leurs opinions et non de leurs qualifications, seront destitués pour être remplacés par de meilleurs officiers.

Si l'Histoire n'est pas un éternel recommencement, elle est, en revanche, une source inépuisable d'enseignements, à condition de bien le vouloir...

Illustration : le général Louis André (1838-1913)

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Eric de Mascureau
Chroniqueur à BV, licence d'histoire-patrimoine, master d'histoire de l'art

Vos commentaires

31 commentaires

  1. Mon grand-père maternel, né en 1878, venait d’une famille, conservatrice, catholique et revancharde après la Guerre de 1870. A l’entrée au collège il avait choisi l’Allemand comme langue étrangère, pour pouvoir interroger les prisonniers et comprendre les documents secrets de l’ennemi ! Au moment de l’Affaire-Dreyfuss, toute la famille considérait que, les protagonistes du Scandale-de-Panama, Arton, Herz et de Reinach, auraient du être fusillés ! Il a fait Polytechnique, puis est sorti major de l’Ecole-d’Artillerie de Fontainebleau, se destinant a une carrière militaire.. Jeune et brillant officier, il a contribué aux méthodes de formation des Artilleurs et a la mise au point du fameux canon de 75. Mais en 1905, il découvert sur son Livret-Militaire la mention : « Va à la Messe ! » Catholique pratiquant, il allait tous les dimanches et fêtes …. en civil ! Ecoeuré il a démissionné de l’Armée pour aller faire carrière dans l’industrie automobile naissante. Mais en 1914, on a été très heureux de récupérer cet Artilleur d’élite ‘pointeur-expert et spécialiste du tir de contre-batterie. Pour aller exercer ses talent sur la Marne, l’Yser, la Somme, à Verdun, au Hartmannwillerkopf, et jusqu’au Monte-Tomba en Italie. pour arrêter les Austro-Allemands après Caporetto. Parti capitaine il est revenu colonel et bardé de décorations Françaises, Britanniques, Belges et Italiennes.

  2. Mon grand-père maternel, né en 1878, venait d’une famille, conservatrice, catholique et revancharde après la Guerre de 1870. A l’entrée au collège il avait choisi l’Allemand comme langue étrangère, pour pouvoir interroger les prisonniers et comprendre les documents secrets de l’ennemi ! Au moment de l’Affaire-Dreyfuss, toute la famille considérait que, les protagonistes du Scandale-de-Panama, Arton, Herz et de Reinach, auraient du être fusillés ! Il a fait Polytechnique, puis est sorti major de l’Ecole-d’Artillerie de Fontainebleau, se destinant a une carrière militaire.. Jeune et brillant officier, il a contribué aux méthodes de formation des Artilleurs et a la mise au point du fameux canon de 75. Mais en 1905, il découvert sur son Livret-Militaire la mention : « Va à la Messe ! » Catholique pratiquant, il allait tous les dimanches et fêtes …. en civil ! Ecoeuré il a démissionné de l’Armée pour aller faire carrière dans l’industrie automobile naissante

  3. Ma grand mère née en 1894 m’avait raconté que lors du baptême d’une cousine à Montpellier la famille s’étai rendu à l’église en trois groupes par trois itinéraires différents, son oncle le père de la petite baptisée était commandant de gendarmerie.

  4. Les journalistes du centre et de droite, chroniqueurs du centre et de droite, les invites du centre et de droite vont se retrouver avec un numéro tatoue sur le bras et une étoile sur leurs vêtements. La vie est un éternel recommencement.

  5. Vous oubliez de signaler que cette affaire de déstabilisation de l’armée française fut l’oeuvre des milieux de gauche et des francs-maçons (et de ceux qui les formèrent) et que le détonateur de cette campagne contre notre armée fut l’affaire Dreyfus qui fut instrumentée par la Gauche pour consolider leur emprise sur la France en contribuant a l’affaiblir. D’ailleurs nos défaites, dans les deux premières années de la guerre de 1914, furent souvent le fait de militaires venant de milieux républicains, non formes, la tète farcie d’idéologie, mais sans aucune connaissance de la stratégie militaire que possédaient ceux pour qui cette profession était une vocation ancestrale qui furent mis a l’écart, mais soudainement rappelés, en 1916, quand la patrie fut réellement en danger, et que nos gens de gauche eurent vraiment le feu aux fesses. Un des principaux acteurs de la victoire de Verdun, le Général de Castelnau, et un des principaux héros de la guerre de 1914-1918 ne fut jamais fait maréchal, parce qu’il était catholique. Cette gauche est, fut et sera toujours a vomir.

  6. « En effet, un profond sentiment anticlérical monte dans la sphère politique. » En effet, un profond sentiment anticlérical règne dans la sphère franc-maçonne qui a occupé le pouvoir depuis 1871.

    • Non, depuis 1789, rappelez-vous le sort des prêtres réfractaires ! La république franc-maçonne a toujours été anticléricale, même s’il y a eu des périodes plus dures que d’autres.

  7. Quand des cinéastes pourront faire des films sur ce genre d’affaire inconnue du grand public, ainsi que sur des personnages comme Boudarel, sur les sabotages du matériel militaire dans les usines par les militants d’un certain parti causant la mort de soldats Français en Indochine, les porters de valises pour le compte des terroristes du FNL algérien tuant des civils à Alger durant la guerre d’indépendance…..on pourra alors dire que la France est désinfectée…..Quoiqu’il en soit la bêtise suprême de la gauche consiste à glorifier une Révolution qui a – remplaçant le pouvoir du glaive par celui de l’argent- mais tout en exigeant la bravoure ce ceux capables de mourrir au combat pour une France alors qu’ils en ont fait une vaseuse « la République »….

  8. Je ne suis pas certain qu’on puisse comparer l’armée française à l’audiovisuel national. Ils n’ont ni le même rôle, ni le même objectif, ni le même risque pour leur vie. Cependant, cette affaire d’époque est intéressante et l’on ferait bien d’en parler un peu plus. Si Stéphane Bern pouvait consacrer un numéro de Secret d’histoire sur le sujet mais je doute que France 3 soit d’accord… En soutenant CNEWS, ce n’est pas un acte de Résistance qu’on fait, mais plutôt on exprime notre volonté à libérer notre parole qu’on s’est trop longtemps efforcés à accepter de laisser prisonniers nos pensées profondes. Quand j’écoute Gabrielle Cluzel sur le plateau de Julien Pasquet, je ressens le mérite apaisement que si j’écoutais un psy parler, c’est à dire que ça nous fait du bien d’entendre enfin ce qu’on ne voulait jamais nous dire. Censurer CNEWS revient donc à expurger une thérapie de penser libre, ce serait un acte tortionnaire, un peu comme si vous interdisiez quelqu’un d’aller voir son psy…

    • A l’époque, l’audiovisuel et son impact sur l’opinion du public n’était même pas à l’état embryonnaire. Ce qui est important de démontrer c’est la forme chasse aux « mal pensants » à laquelle se sont livrés les « bien pendants » de l’époque et que reprennent à leur compte aujourd’hui les « bien pensants » modernes. C’est symptomatique d’une état et d’une tournure de l’esprit.

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