Nicolas Dhuicq : « Individu interné puis relâché : les médecins ne sont pas formés à collaborer avec les forces de sécurité »

Dhuicq

Interné en psychiatrie pour avoir menacé des passants avec un couteau aux cris de « Allah akbar » à Roanne, le 26 décembre, un individu a été relâché au bout de trois jours. Comment expliquer ce qui apparaît comme un dysfonctionnement grave et peut-être systématique de notre société ?

Réponses de Nicolas Dhuicq, médecin psychiatre de profession et ancien député, qui nous livre sa vision d'une médecine non concernée par les questions de sécurité publique. Par idéologisme.

À Roanne, un individu avait été interné après avoir proféré des menaces alors qu’il était armé d’un couteau. Il avait crié « Allah akbar, je vais tous vous égorger ». Il a été interné en psychiatrie et relâché au bout de trois jours.
Concrètement, comment se passent les internements dans ces cas-là?

Le premier niveau est l’hybridation que nous avons non seulement entre le banditisme et l’islamisme, mais aussi entre les troubles psychiatriques et l’islamisme. Une idéologie dominante circule sur les réseaux sociaux. Les individus fragiles d’esprit qui n’avaient jusqu’alors pas de passé de banditisme ont tendance à s’imprégner de cette idéologie et à entrer dans des passages délirants qui vont justifier leur passage à l’acte.
Le deuxième niveau est la question de la formation des psychiatres et leur capacité à se préoccuper un minimum des questions de sécurité et d’ordre public.


Les psychiatres sont-ils formés à ces nouveaux cas de figure ?

Très modestement, je pense que non, mais comme beaucoup de sujets de sécurité. Nous sommes très peu nombreux à avoir une formation de psychiatre et à nous intéresser à la chose publique.
J’ai été pendant dix ans, le seul psychiatre du parlement, Sénat et Assemblée nationale confondus. Étant donné l’organisation des groupes politiques, on ne m’a jamais demandé mon avis sur les lois qui concernaient la psychiatrie...
Il y a une différence de formation des confrères comme dans d’autres spécialités médicales entre les grands centres urbains, les banlieues et les provinces. Une idéologie dominante imprègne les jeunes psychiatres. Elle consiste à ne pas tenir compte des questions de sécurité et à ne pas comprendre que nous avons un rôle de sécurité par rapport à la population.
Le dernier élément est la diminution du nombre de lits et de personnel masculin parmi les infirmiers qui exercent en psychiatrie. C’est un très gros souci de sécurité. La diminution a été faite non seulement pour des raisons budgétaires, mais surtout pour des raisons idéologiques, principalement par mes aînés psychiatres, que j’appelle des posts soixante-huitards. Ils étaient dans une logique extrêmement libertaire. En règle générale, les médecins ne sont pas du tout formés à raisonner dans un travail de collaboration avec les forces de sécurité et la justice.

En résumé, ils sont très peu nombreux et très mal formés. La société se préoccupe-t-elle davantage de psychologie et de bien-être que de sécurité ?
Comment expliquer cette absence de psychiatres, alors que le nombre de psychologues ne fait qu’augmenter ?

En France, il n’y a pas un manque de psychiatres, mais comme pour d’autres spécialités médicales, ils ne sont pas répartis de manière équitable sur le territoire national. C’est davantage une question d’idéologie dans la formation que de formation pure. Par exemple, la majorité de nos patients sont des gens pacifiques. On oublie que 1 % de la population générale est atteinte d’une forme de schizophrénie. Le risque essentiel est le suicide. La diminution du nombre de lits pour des raisons idéologiques est d’imaginer et de faire croire aux politiques que nous sommes tellement formidables et tellement épatants que nous pourrons nous passer de lits et que nous allons soigner tous les gens à l’extérieur avec des traitements médicaux. Il y a donc un manque de lits pour les patients psychotiques. Ils sortent trop tôt de l’hôpital.
Si le patient en question était vraiment atteint d’un trouble psychiatrique, il a sans doute été sous-évalué au niveau de sa dangerosité éventuelle. On prend de moins en moins le temps de garder, de manière suffisamment longue, les patients pour les soigner correctement avant de les laisser sortir. Beaucoup de familles rencontrent ce problème au-delà de la question qui nous occupe aujourd’hui.

Si un patient refuse de se soigner, personne ne pourra lui forcer la main…

Si une personne est hospitalisée sous contrainte, elle est obligée de prendre des soins. Une fois que la mesure est levée, rien n’oblige une personne à prendre un traitement.
Dans les prisons, les détenus peuvent refuser des soins. Ils sont considérés comme vous et moi. Quand on est hospitalisé, nous pouvons refuser de signer notre pancarte et de sortir contre avis médical. Malheureusement, on ne peut pas obliger les détenus qui auraient besoin de recevoir des soins. La seule manière est de les hospitaliser sous cette forme de placement qui est l’ancienne hospitalisation d’office. Nous ne sommes absolument pas préparés parce que le législateur avait tendance à nier l’aliénation mentale. Notre société ne veut pas reconnaître la folie.

Nicolas Dhuicq
Nicolas Dhuicq
Médecin psychiatre

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