100 ans de la révolution d’Octobre : l’étrange coup d’État du 7 novembre
Non, le 7 novembre 1917, soit le 25 octobre dans le calendrier julien en vigueur en Russie, les troupes bolcheviques n’ont pas débarqué dans les rues de Pétrograd. Le récit du peuple en armes qui prend d’assaut le palais d’Hiver n’est qu’un faux historique, un mythe. La réalité est beaucoup plus simple.
Revenu de Finlande où il s’était un temps réfugié, Vladimir Ilitch Oulianov (Влади́мир Ильи́ч Улья́нов), dit Lénine, prend le tramway quasiment vide qui circule encore vers minuit dans les rues de l’ancienne Saint-Pétersbourg, rebaptisée au début de la Première Guerre mondiale parce que le nom faisait trop germanique… Ils ne sont que deux passagers : Lénine et son garde du corps. Lénine abreuve la conductrice de ses opinions révolutionnaires. Il est minuit passé, le 7 novembre, quand les deux hommes descendent près de l’Institut Smolny, qui est un établissement pour jeunes filles de bonne famille, à l’image des Demoiselles de Saint-Cyr. Au cours de l’été 1917, l’institut a été fermé et les élèves ont été transférées dans d’autres écoles. Les partis révolutionnaires en ont fait leur quartier général. À proximité de l’institut, Lénine et son garde du corps finlandais sont abordés par une patrouille de la police gouvernementale. Celle-ci les prend pour des ivrognes et les laisse repartir. Quelle aurait été la suite de l’histoire s’ils avaient été arrêtés ? La police est sur le qui-vive.
Le 6 novembre, Trotski (Троцкий) a fait prendre des milliers de fusils dans les arsenaux "pour défendre le soviet contre les menées de la contre-révolution qui a relevé sa tête criminelle", ainsi que l’indiquent des affiches placardées dans Pétrograd. Ce même 6 novembre, Félix Dzerjinski (Феликс Дзержинский, 1877-1926) s’empare du central téléphonique et télégraphique du gouvernement et de la poste centrale. Les bolcheviques interceptent ainsi les ordres d’Alexandre Kerenski (Александр Керенский), président du gouvernement provisoire, qui souhaite arrêter… les bolcheviques. Ceux-ci avaient prévu que l’attaque du palais d’Hiver serait signalée par un fanal rouge hissé au mât de la forteresse Pierre-et-Paul. Il n’est finalement allumé que le 6 novembre à 22 h 40. C’est aussi le signal qui permet à des mutins du croiseur Aurore, qui mouille à proximité, de tirer à blanc et donner le coup d’envoi de la révolution d’Octobre.
Lénine parvient à se faufiler à l’Institut Smolny à la faveur d’une bousculade. Il n’a pas de laissez-passer. Il voit les centaines de délégués mencheviks, sociaux-révolutionnaires et bolcheviques s’entasser dans cet ancien pensionnat où les odeurs de tabac le disputent aux odeurs d’urine. Les discours succèdent aux invectives et aux péroraisons. Mencheviks et sociaux-révolutionnaires quittent l’Institut pour protester contre ce qu’ils estiment être "un coup de force, une aventure criminelle". Quelques mois plus tard, ils paieront cher ce que les bolcheviques considèrent déjà comme de la "traîtrise". Trotski, déjà, marque sa différence avec ces mêmes bolcheviques en déclarant : "Vous êtes de pauvres types, des faillis. Votre rôle est terminé. Allez là où est votre place, dans les poubelles de l'Histoire."
Quand il termine sa péroraison, Trotski ne se doute pas que le palais d’Hiver est déjà tombé. Les insurgés découvrent les caves du palais et s’enivrent de grands crus français (dont du château Yquem) et de vodka. La révolution commence dans une gigantesque beuverie avant de basculer dans le sang et la terreur.
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