8 mars : Journée internationale du droit des femmes. Une nécessité, tant il apparaît que la marche arrière peut très vite s’enclencher.

Anecdote : nous fêtons, cette année, le centenaire de la première formation musicale que j’ai intégrée dans la ville de mon enfance, un orchestre qui comptait bien 80 musiciens. J’ai été la première fille à y entrer. C’était en 1968 ou 1969.

Occasion de rappeler que tout le temps où il fut à la tête du prestigieux Philharmonique de Berlin, le très adulé Karajan refusa qu’une femme s’asseye sous sa baguette. Tout juste les acceptait-il comme solistes…

Tout cela n’est pas si loin de nous. Quarante et quelques années en arrière, Giscard au pouvoir, le vote de la loi Veil en 1975. Le droit pour les femmes mariées d’exercer une profession et d’ouvrir un compte bancaire sans qu’on réclame l’autorisation du mari ne date que de 1965, la vente des contraceptifs de 1967, la mixité à Polytechnique de 1972 (ah oui, j’oubliais : musiciennes pour salon, nous n’avions pas non plus l’esprit "scientifique"). De cette année 1972 date également le principe « à travail égal, salaire égal ». Nous n’y sommes toujours pas.

Je me souviens d’un rédacteur en chef de nos belles publications de la droite familiale, bon chrétien revendiqué, qui m’expliquait doctement, au détour des années 2000, combien il était normal qu’une femme, à travail égal, gagne 20 % de moins que les mâles de la rédaction. « À cause des congés maternité », disait-il, défendant néanmoins une politique nataliste…

En 1983, pourtant, histoire d’ancrer la chose dans les mœurs, la loi Roudy sur l’égalité professionnelle hommes/femmes était votée.

Yvette Roudy fêtera bientôt ses 90 printemps et signe, aujourd’hui, la préface d’une réédition du livre de Betty Friedan – ouvrage qu’elle avait traduit – qui la fit "entrer en féminisme" en 1964 : La Femme mystifiée, chez Belfond. Soit une plongée dans l’univers ripoliné des Desperate Housewives américaines.

Yvette Roudy fut députée européenne, ministre des Droits de la femme sous Mitterrand, à l’origine du remboursement de l’IVG. Elle vient de signer un appel qui, sous un nom pompeux, désigne une réalité inquiétante : c’est l’appel pour un "8 mars féministe universaliste" contre les "impostures décoloniales, indigénistes, racialistes"...

Comme Élisabeth Badinter et d’autres "féministes historiques", elle s’inquiète de voir les dérives d’une gauche qui soutient des menées communautaristes, quand elles ne sont pas carrément confessionnelles. "Le relativisme culturel est passé par là, disent les signataires, nous divisant en autant de groupes antagonistes et fabriquant des clivages imaginaires." Comment accepter, demandent-elles, "que des luttes “racialistes” supplantent les préoccupations sociales", "que des rencontres se qualifiant de féministes puissent exclure des femmes en fonction de leur couleur de peau et de leurs origines" ou encore "que le voilement des fillettes, qui les conditionne à une vision hiérarchisée des sexes, se répande en France et dans le monde" ?

Yvette Roudy est contre le port du voile : "Ces femmes n'ont pas le droit de se promener en hijab à Paris, c'est un symbole de soumission. Ça nous fait régresser, nous les femmes qui croyions être libérées", dit-elle. Et de dénoncer le dangereux engouement des médias et de la gauche pour ces "nouveaux féminismes" qui, en réalité, "renvoient les femmes à des assignations identitaires, culturelles et religieuses (ainsi en est-il du voile, du burkini…)". Alors que "essentialistes et différentialistes, ils compromettent l’émancipation des femmes, renforcent les inégalités entre elles et retardent l’égalité femmes-hommes".

Quarante ans, qu’est-ce, à l’échelle du temps ? Rien. Ou tout. En 1974, les femmes se promenaient en mini-jupe et cheveux au vent, dans les rues de Téhéran et de Kaboul. Preuve que rien n’est jamais acquis…

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08 mars 2019 à 21:52

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