Le boycott du pavillon russe du Salon du livre de Paris par Macron est un signe à la fois de servilité et de petitesse.

Servilité, d’autres diront alignement, sur la vague d’hystérie antirusse dont le prétexte a été l’assassinat d’un ancien espion russe à Londres, attribué sans preuves sérieuses à son ancien service et, donc, à Poutine. La raison en est sans doute l’amertume de Washington et de Londres devant le fiasco de leurs entreprises en Syrie.

Il est clair que Macron a voulu, dans cette affaire, se montrer l’élève modèle de l’OTAN, comme il veut être l’élève modèle de l’Europe de Bruxelles et qu’il avait été, un peu plus tôt, l’élève modèle de Sciences Po et de l’ENA.

La légèreté du point de départ (quelque tristesse que puisse inspirer la mort de deux personnes) lui donnait pourtant l’occasion de se démarquer, comme la France l’a fait dans des affaires autrement importantes : il ne l’a pas saisie, au contraire. Cela ne nous laisse rien augurer de bon si la tension venait à s’aggraver encore en Europe : il nous mettrait sans hésiter dans la nasse. D’autant que certains se demandent si, derrière cet alignement, ne se cache pas le réflexe mimétique d’un tempérament immature.

Mais il a fait aussi preuve de petitesse. Qu’est cette émotion passagère à côté de l’ancienneté des liens entre la France et la Russie ? Il avait pourtant tenu, à son entrée en fonctions, à fêter le 300e anniversaire de la visite du tsar Pierre le Grand à Versailles en y invitant le président russe, donnant l’illusion d’une indépendance d’esprit que rien n’est venu ensuite confirmer. Qu’est cette crise à côté des combats communs qui ont été menés en 1914-1917, en 1941-1945 et des millions de morts russes qui ont permis d’abattre les ennemis de la France ? Qu’est-elle à côté des innombrables convergences historiques de nos deux cultures ? Macron prétend connaître la philosophie, mais connait-il l’Histoire ?

C’est pour des raisons tout aussi conjoncturelles et mesquines que Hollande avait refusé de participer à l’inauguration du monument aux morts qui commémore, sur les quais de la Seine, le sacrifice des 200.000 soldats russes qui nous a permis, en 1914, de gagner la bataille de la Marne, ou l’inauguration du Centre culturel orthodoxe du quai Branly.

Tolstoï nous montre que, lors de l’invasion de la Russie par Napoléon, l’élite russe continuait d’admirer la culture française : elle n’était pas si ridicule que le sont ceux qui, aujourd’hui, nous gouvernent.

Au pavillon russe se trouvait la veuve d’Alexandre Soljenitsyne, lequel est, qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, un des géants du XXe siècle. La boycotter elle aussi était de la dernière petitesse. Elle a marqué sa déception et son étonnement : "Nous pensions qu’il était plus indépendant que ses prédécesseurs." Elle a été déçue. Mais pas nous, car ce qu’elle a découvert, nous le savions déjà.

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24 mars 2018 à 22:26

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