Jour après jour, l'image du régime se craquelle. Il devait bousculer le vieux monde et instaurer, avec la jeunesse de son "chef", une ère nouvelle. Il en est à réutiliser les plus vieilles ficelles : son parti fait de bric et de broc, assemblage de nombreux carriéristes socialistes recyclés, de quelques "républicains" arrivistes et d'une foule de novices hors-sol dont le mot d'ordre est de suivre le Président quoi qu'il fasse, voit arriver les élections européennes avec une angoisse grandissante. Moins d'un Français sur cinq, sur dix inscrits, qui iraient voter compte voter pour LREM.

Cette déroute électorale aurait trois effets : d'abord, elle délégitimerait davantage encore la politique présidentielle, devenue bien chaotique ; ensuite, elle rejouerait les élections présidentielles, puisque la formation de la candidate battue arriverait en tête, avec 24 % des voix, auxquelles on pourrait ajouter les 8 % de son allié, Nicolas Dupont-Aignan ; enfin, elle aurait une portée européenne calamiteuse pour Macron puisque le champion autoproclamé du "progressisme" contre le "nationalisme" serait sévèrement désavoué dans son propre pays.

Alors le parti LREM a commandé un sondage nullement désintéressé sur des élections européennes avec une liste "gilets jaunes", et le ciel macronien s'est éclairci : la liste du Président repasse en tête, puisque la liste jaune prendrait 14 % aux autres populistes. La couleur redeviendrait celle des travailleurs payés pour briser une grève. Il ne faudrait pas chercher bien loin pour savoir qui financerait ce sauvetage du mandat, les mêmes sans doute qui ont soutenu la campagne de leur mandataire. Deux autres sondages contradictoires sont tombés. L'un, pour LCI, indique une remontée de Macron de deux poins, à 31 %, mais il a été réalisé au lendemain de l'attentat de Strasbourg, avec l'effet habituel d'union nationale devant l'agression. L'autre, plus régulier, pour le JDD, pointe au contraire un recul de 2 %, à 23 % de satisfaction. Le vieux routard socialiste qui siège au perchoir, malgré ses comportements pour le moins douteux, a su faire preuve de son attachement aux petites manœuvres de son ancien parti : il a appelé les gilets jaunes à cesser leur mouvement et à présenter une liste aux élections européennes, jurant la main sur le cœur que son objectif n'était pas d'affaiblir le résultat du Rassemblement national.

Il y a deux mots pointés par le pouvoir et ses thuriféraires vers ses ennemis : populisme et complotisme, le second étant l'arme réputée idiote et odieuse du premier. Dans les deux cas, il faut faire appel à la sagesse populaire qui nous a appris que l'arbre ne devait pas cacher la forêt. Le populisme consiste alors à regrouper les électeurs qui se sentent dépossédés de leur souveraineté au profit d'une minorité qui a les moyens d'organiser le sondage, la manifestation, l'incident, et de maîtriser l'utilisation qui en sera faite par les médias.

Il existe un excellent moyen de redonner au peuple des raisons de croire en la démocratie et de se libérer du sentiment qu'elle n'est qu'une illusion par laquelle une oligarchie manipule la majorité de la population en permanence. C'est l'instauration du "référendum d'initiative populaire" ou, comme le disent certains, "citoyenne". Je suis très heureux que cette idée, que j'avais soutenue par une proposition de loi en 2011, soit en tête des revendications des gilets jaunes. Malgré les réticences de la haute administration et de beaucoup de caciques de la politique, il faut l'introduire dans notre Constitution en nous référant au modèle suisse, qui écarte tout aspect plébiscitaire pour le gouvernement en place, évite l'émotion du moment en laissant aux électeurs le temps de la réflexion, et le calme de la régularité, et en assurant une information sereine et équilibrée.

Le référendum d'initiative populaire ou citoyenne permet au populisme de s'exprimer normalement sans être stigmatisé par la caste qui usurpe le pouvoir : ce n'est rien d'autre que la vérité de la démocratie, c'est-à-dire du régime dont le souverain est le peuple, non un homme, ni un parti, ni une administration, ni des groupes de pression. Évidemment, ce serait une révolution intégrale par rapport au système actuel.

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17 décembre 2018 à 14:21

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