Samedi soir, France 3, dans son "19/20", a diffusé un reportage sur la manifestation des gilets jaunes à Paris. Une pancarte brandie par un manifestant sur laquelle était écrit "MACRON DEGAGE" a été retouchée pour ne laisser apparaître à l'antenne que "MACRON". France 3 plaide l'"erreur humaine".

Me Frédéric Pichon a réagi par un tweet en expliquant qu'il y avait matière à porter plainte. Il s'en explique au micro de Boulevard Voltaire.

Lors de son JT du samedi 15 décembre, France 3 a volontairement censuré une pancarte ‘’Macron démission’’ tirée d’une photo de l’AFP. Le mot ‘’démission’’ a disparu lors de sa diffusion à l’antenne. S’agit-il d’une première ?

Je ne sais pas si c’est une première. La désinformation existe et a toujours existé. Lors de la première guerre du Golfe, on se souvient des fausses images de l’Amoco Cadiz. Elles avaient été mises en avant par les journalistes pour accuser Saddam Hussein de créer une catastrophe humanitaire. Ce n’est pas la première fois dans l’Histoire que des journalistes se livrent à une manipulation.

Cette fois-ci la manipulation a été découverte en temps réel grâce aux réseaux sociaux.
France 3 peut-il s’exposer à des poursuites ou des remontrances ?

Malheureusement, je n’y crois pas trop. J’ai interpellé dans un tweet le procureur de la République sur le fondement de l’article 40. Cet article permet à tout citoyen témoin d’une infraction de faire un signalement. Dans ce cas précis, je note deux infractions, même si je me fais peu d’illusions sur le fait que le Ministère public engagera des poursuites.
La première est la diffusion de fausses nouvelles, selon l’article 27 de la loi de 81 sur la presse. Cet article réprime ‘’la publication, la diffusion ou la reproduction, par quelque moyen que ce soit, de nouvelles fausses, de pièces fabriquées, falsifiées ou mensongèrement attribuées à des tiers’’. Il faut par ailleurs, pour que cet article s’applique, que, en l’occurrence ici ‘’la pièce fabriquée’’ ait pour effet de porter atteinte à la paix publique. En effet, l’article poursuite ainsi : ‘’lorsque, faite de mauvaise foi, elle aura troublé la paix publique, ou aura été susceptible de la troubler’’. C’est aux juges de décider si cette condition est remplie. Mais, avec la falsification, on a au moins déjà un premier élément. Cette infraction est punie d’une amende de 45 000 euros.
Le deuxième angle d’attaque, sur le plan pénal cette fois, est l’article 226-8 du Code pénal. Il est assez méconnu et ne fait pas partie de la loi sur la presse. Cet article réprime le fait de publier, par quelque voie que ce soit, le montage réalisé avec les paroles et les images d’une personne sans consentement s’il n’apparaît pas évident qu’il s’agit d’un montage ou s’il n’en a pas expressément fait mention. Ici, il y a bien un montage. On publie une image d’une personne sans son consentement avec une modification.
Ce sont deux infractions qui pourraient être utilisées pour poursuivre le montage réalisé par France Télévision.

La personne ayant confectionné la pancarte pourrait-elle porter plainte ?

Oui, elle pourrait porter plainte. Sur le fondement de l’article 226-8 du Code Pénal, elle aurait un intérêt à agir, puisqu’elle est directement visée. Il faut qu’elle soit identifiable. Je pense que c’est le cas, puisque j’ai vu un journaliste indiquer sur Twitter qu’il l’avait interviewée dans le passé. Elle est donc tout à fait identifiable et pourrait porter plainte contre France Télévision.

Que révèle ce genre de petites manipulations ?

Selon un avis politique et non juridique, je dirais que les journalistes, dans le traitement de l’information sur les gilets jaunes, sont particulièrement partisans.
Je ne parle pas de tous les journalistes. Certains journalistes reporters courageux sont allés sur le terrain, ont reçu des tirs de flash-ball et ont été mal traités pas la police.
En revanche, le traitement de l’information sur les gilets jaunes dans les médias officiels conduisait plutôt à essayer de les discréditer, de les faire passer pour des gens assez incultes et arriérés, et d’occulter les violences qu’ils ont subies.
On constate bien une manipulation générale de l’information dans ce mouvement social sans précédent.

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17 décembre 2018 à 14:23

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