Donald Trump est un populiste. Tout comme Jair Bolsonaro, son homologue brésilien. Ce mardi 19 mars 2019, les deux font front commun à Washington, un peu sous la houlette des églises évangélistes et de Steve Bannon, autre populiste, même si de confession catholique et ancien de la banque Goldman Sachs. Vers une Internationale populiste ? Pas forcément, le populisme étant plus un style, souvent braillard et maniant les réseaux sociaux comme personne, qu’un substrat politique.

La preuve en est que cette rencontre au sommet n’annonce pas un changement de la politique étrangère américaine, tout au contraire. En la matière, Donald Trump ne fait que perpétuer le même tropisme impérialiste. À ce détail près qu’il aurait plutôt tendance à être plus franc que ses prédécesseurs. Le populisme, question de style avant tout, disions-nous.

À ce titre, la visite de Jair Bolsonaro ferme une parenthèse. Les dernières décennies, les pays d’Amérique latine ont voulu desserrer l’étau états-unien. Sous le vocable générique de « bolivarisme », on a ainsi vu des nations telles que le Venezuela, l’Équateur, la Bolivie, l’Argentine, le Nicaragua et, bien sûr, le Brésil tenter d’affirmer l’indépendance de l’Amérique du Sud vis-à-vis de son puissant voisin du nord qui, fort de sa fameuse doctrine Monroe, tenait cette dernière pour chasse gardée et terrain de jeu depuis 1823.

Histoire de flatter son nouveau sponsor, Jair Bolsonaro ne ménage pas ses efforts. Lui : "J’ai toujours admiré les États-Unis et cette admiration est devenue encore plus forte après votre prise de fonction." L’autre : "Je partage son idéologie qui repose sur la foi, la famille et la patrie."

C’est beau. C’est Donald Trump qui parle de « foi » et de « famille »… Promoteur immobilier reconverti dans la télé-réalité – belle émission que "The Apprentice", consistant à faire s’humilier des pauvres contre la vague promesse d’un équivalent local du CDI –, il multiplie, de plus, les relations extra-conjugales, avec des actrices porno, parfois. Personne n’a rien contre Rocco Siffredi tant qu’il ne se prend pas pour le Padre Pio.

Mais revenons-en plutôt au président brésilien qui, à force de ramper devant le Yankee, finira bientôt par passer sous les tapis de la Maison-Blanche. Grande première en matière diplomatique, Jair Bolsonaro se rend donc à Langley, siège de la CIA. Son fils, le député Eduardo Bolsonaro, croit même opportun de tweeter ceci : "L’une des agences de renseignement les plus respectées dans le monde." Sauvant l’honneur du Brésil, Celso Amorim, ancien ministre des Affaires étrangères brésilien, condamne "l’un des gestes de soumission les plus explicites qui soient".

Combien, pour le prix de ce qu’il faut bien nommer une sorte de trahison ? Les USA pourraient aider le Brésil à accéder à l’OCDE, temple du mondialisme, et au statut d’allié hors OTAN, lequel, révèle Le Figaro, lui permettrait d’accéder à "un accès préférentiel aux achats d’armement et transferts de technologie américaine". C’est-à-dire à se livrer plus encore pieds et poings liés à la puissance tutélaire du continent, sachant que les Brésiliens auraient droit, en retour de cette aumône, à l’accès gratuit aux "surplus de l’armée américaine". L’Oncle Sam est décidément trop bon.

Il est heureux que, devant un Steve Bannon récemment venu tenter de fédérer les populismes européens, un Matteo Salvini et une Marine Le Pen aient eu la bonne idée de, sèchement, le renvoyer vers sa petite maison dans la prairie.

PS : on notera que Donald Trump, président au bord de la destitution, n’en finit plus de menacer Nicolás Maduro, son homologue vénézuélien, d’une autre destitution, possiblement susceptible de passer par une intervention militaire : "Toutes les options sont sur la table", affirme-t-il encore, pour reprendre l’expression consacrée, et ce, malgré les pudiques dénégations du chef d’état-major de l’armée brésilienne. On est en terrain conquis ou on ne l’est pas.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 16:56.

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20 mars 2019 à 18:18

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