La démocratie devient-elle la pire forme de gouvernement ?

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En 1947, Winston Churchill déclarait dans un discours qu’"on a pu dire que [la démocratie] était la pire forme de gouvernement à l'exception de toutes celles qui ont été essayées au fil du temps". Au vu de l’actualité récente, son propos paraît bien optimiste : la démocratie risque de devenir, dans l’absolu, « la pire forme de gouvernement ».

Admettons que l’élection d’Emmanuel Macron soit légitime : après tout, les électeurs n’étaient pas obligés de voter pour lui contre Marine Le Pen ni de s’abstenir. C’est un candidat élu par défaut – comme François Hollande contre Nicolas Sarkozy – mais, formellement, il l’a été selon les règles.

En revanche, les circonstances de son élection devraient le conduire à faire preuve d’un peu d’humilité et à prendre spontanément l’initiative du dialogue avec l’opposition, pour essayer de rassembler. Loin de là, il se prévaut du vote des Français pour prétendre imposer tout son programme : c’est le comble de l’imposture, quand on sait pertinemment qu’on n’a été élu que par une minorité.

Il se targue, avec son Premier ministre, de disposer à l’Assemblée d’une large majorité : mais quelle en est la véritable représentativité ? Non pas qu’elle ne compte aucune personnalité compétente, mais la plupart des députés LREM ont prêté allégeance à leur maître, s’engageant à soutenir ses orientations. Ils se sont intellectuellement châtrés. Pourtant, le moins qu’on puisse attendre d’un député, est-ce d’être un clone obéissant ou de réfléchir par lui-même et de voter en conscience ?

Autre forme d’imposture : se faire élire sous une étiquette pour, une fois élu, en prendre une autre. C’est la méthode suivie par des députés LR. Certes, quelques-uns, comme Thierry Solère, Pierre-Yves Bournazel ou Franck Riester, avaient annoncé la couleur. Mais combien d’autres ont profité de l’appareil LR pour se faire élire, tout en faisant les yeux doux aux macronistes, avant de former un nouveau groupe : « Les Républicains constructifs, UDI et indépendants » ?

On peut comprendre qu’il y ait débat entre les partisans d’un soutien au gouvernement d’Édouard Philippe, les attentistes qui veulent juger au coup par coup et les adeptes d’une franche opposition. Mais de là à faire scission ! Surtout qu’il est probable que la droite eût fait un score bien meilleur aux législatives si elle n’avait pas, dans sa grande majorité, appelé, sans une once d’hésitation, à voter Macron au second tour.

Des élus LR s’offusquent de cette trahison : les "Constructifs" seraient "des traîtres génétiques", disent-ils, ce qui, pour être hyperbolique, n’en est pas moins pertinent. Mais il faudrait ajouter que ce sont aussi des pipeurs invétérés : non contents d’abuser leur parti, ils se moquent de leurs électeurs.

Troisième forme d’imposture : les accommodements avec la vérité. Si la plupart des partis tombent dans ce travers, le MoDem en est le plus récent exemple. Selon France Info, un ancien assistant parlementaire européen affirme avoir été le témoin d'un système d'emplois fictifs au sein de ce parti. François Bayrou reconnaît, dans Sud-Ouest, que le MoDem a placé certains de ses employés auprès de parlementaires européens, lors d’une « période de mauvaise passe ». Ces ambiguïtés ne font honneur ni à la vérité ni à la démocratie.

Tous ces dysfonctionnements, même s’ils ne sont pas nouveaux, sapent les fondements de la démocratie. Nous sommes loin du "gouvernement du peuple, par le peuple, pour le peuple" que Churchill rappelait dans le même discours. La pire des impostures, n’est-ce pas d’appeler « démocratie » un régime qui dérive vers l’oligarchie, voire le totalitarisme, fût-il à visage humain ?

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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