6 février 1934 : la République vacille

Place_de_la_Concorde_ 6_février_1934

Il y a tout juste 85 ans, ce sont entre 30.000 et 50.000 manifestants qui se pressent et se rassemblent place de la Concorde, à l’appel des différentes ligues de la droite classique, de la droite musclée et à l’appel des associations d’anciens combattants. Ils sont tous adhérents ou sympathisants de l’Action française de Charles Maurras, des Jeunesses patriotes de Pierre Taittinger, des Croix-de-Feu du colonel François de La Rocque, de l’Union nationale des combattants. Les membres de l’Association républicaine des anciens combattants (communiste) sont aussi présents.

Tous manifestent leur mécontentement contre l’inanité des gouvernements du Cartel des gauches à endiguer les effets de la crise de 1929, contre les scandales qui éclaboussent le pays, en particulier l’affaire Stavisky. Ce dernier, escroc de haute volée, lié à des parlementaires, est retrouvé mort le 8 janvier 1934. Les policiers concluent à un suicide, mais personne n’y croit. Quand le député Jean Ybarnégaray (1883-1956) demande une commission d’enquête parlementaire, le président du Conseil Camille Chautemps (1885-1963) s’y oppose fermement, arguant qu’il faut laisser la Justice faire son travail. La mutation-promotion du préfet de police Jean Chiappe (1878-1940), proche de la droite et mal-aimé de la gauche, le 3 février, sert de détonateur.

Les cortèges convergent vers le palais Bourbon en début d’après-midi. "Il n’est pas encore trois heures quand l’énervement de la foule commence à se manifester un peu partout", témoigne le quotidien La Croix daté du 7 février. Tous sont mobilisés et crient : "À bas les voleurs !"

Selon L’Écho de Paris, les premières échauffourées commencent entre policiers et communistes sur le boulevard Sébastopol et la rue de Rivoli. Puis elles se propagent sur la place de la Concorde et ses abords. La manifestation dégénère en combat de rues : des autobus sont incendiés, des vitrines brisées. Le feu est mis au ministère de la Marine, rue Royale. L’incendie est vite maîtrisé. La cavalerie de la Garde mobile charge et les premiers coups de sabre sont donnés pour disperser la foule. Les Croix-de-Feu sont parties peu avant, le colonel de La Rocque ne cherchant pas à forcer les grilles du palais Bourbon. Puis les premiers coups de feu éclatent pendant que les députés votent la confiance au gouvernement de Gaston Doumergue par 360 voix contre 220.

À minuit, le sang coule toujours dans Paris. On relève 40 blessés qui sont "amenés au restaurant Weber" de la rue Royale. "Un régiment colonial occupe la place de la Concorde préalablement déblayée par les fusils mitrailleurs", indique Le Figaro du 7 février. Les hostilités cessent vers 3 h le matin. Paris retrouve son calme. On relève, en tout, quinze morts côté manifestants. Trois autres mourront de leurs blessures quelques heures ou jours plus tard. De nombreuses victimes sont blessées par balles, par coups de matraque, mais aussi des traces de sabot et de sabre. Du côté des forces de l’ordre, on compte un mort et des blessures, suite à des jets de projectiles.

Le lendemain, la presse n’est pas tendre avec le pouvoir en place : "Après les voleurs, les assassins", titre L’Action française. Le Figaro, plus sobre, se contente de "Une soirée d’émeute à Paris. Sanglantes bagarres place de la Concorde." Le quotidien communiste L’Humanité annonce que "Paris ouvrier a riposté".

Ce 6 février 1934, la République a vacillé et cet événement ne constitue en rien le mythe fondateur d’une quelconque droite en mal de repères, ni un coup d’État fasciste. S’il n’est pas possible de comparer les événements à distance, il reste tout de même deux points communs entre notre époque et la France des années 1930 : un malaise profond de la société et une réelle crise d’identité nationale.

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