Zemmour-Mélenchon sur BFM TV : un débat de civilisation, frontal et cultivé

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C’est un beau débat entre deux adversaires de grande culture qui se respectent mais ne se font pas de cadeaux. À sept mois de l’échéance présidentielle, Éric Zemmour a fait face, plus de deux heures durant, sur BFM TV, jeudi soir 23 septembre, au leader de La France Insoumise Jean-Luc Mélenchon. Les deux hommes avaient donné le ton en rendant hommage à leur adversaire dès le début de la confrontation que Mélenchon veut laisser dans les cordes de la bienséance : « Ni match, ni guerre de coqs, ni perfidie mondaine », dit-il. Zemmour cite ceux qui ont refusé la confrontation : Barnier, Bertrand, Le Pen. « Mélenchon accepte et ce n’est pas un hasard, estime Zemmour. Lui comme moi aimons l’Histoire et la connaissons. » L’ancien journaliste de CNews insiste sur l’enjeu du débat, un « enjeu de civilisation, un point de bascule ». Le ton est donné. On entendra des citations de Bachelard à Rabelais et peu de mots d’oiseaux, tout juste un « petit bonhomme » décoché par Mélenchon qui s’attirera un « oui, Grand Timonier » rigolard de Zemmour.

Deux heures plus tard, Mélenchon conclura sur une envolée lyrique comme il les aime, brodant sur les dangers d’une apocalypse écologique liée au réchauffement climatique. Commentaire de Zemmour : « Mélenchon veut sauver la planète, moi je veux beaucoup plus modestement sauver la France. » Entre ces deux moments, les deux hommes se sont vivement affrontés, mettant parfois en avant leur proximité d’analyse, sur le hold-up que représenta le référendum sur le traité constitutionnel en 2005, par exemple, ou s’opposant frontalement.

Combatif, précis, Éric Zemmour rend coup pour coup. Quand Mélenchon lui lance « Vous êtes un danger pour notre pays », Zemmour réplique « Dans votre camp, on ne combat pas, on guillotine ». Il évoque les camps de travail et les asiles de l’archipel communiste. « Vous n’avez jamais dénoncé ces crimes », rappelle-t-il.

La France a-t-elle tout fait pour intégrer ? demandent les animateurs. Zemmour évacue sans ménagement : « Ce n’est pas le sujet », dit-il. Il dénonce « la folie criminelle qui laisse venir depuis quarante ans des millions d’immigrés musulmans hostiles à la civilisation chrétienne ». Et désigne les responsables face à Mélenchon : « Vous et les élites françaises. » Quand Zemmour évoque les ravages du regroupement familial, Mélenchon rétorque : « Ce sont des êtres humains qui ont des familles. » Justement, Zemmour a fait les comptes, il arrive 400.000 immigrés par an, soit deux millions sous le mandat de Macron, calcule-t-il, citant l’INSEE. Des chiffres contestés par Mélenchon qui se base, curieusement, sur l’augmentation de la population française totale. La cellule de fact-checking mise en place par BFM TV contestera aussi les chiffres.

Le candidat de La France Insoumise entame alors un long éloge de ce qu’il appelle « la créolisation », nouvelle formule pour désigner le métissage. « Les êtres humains se rassemblent et forment quelque chose de commun […], explique Mélenchon. […] Vous ne chasserez pas les musulmans », jure-t-il. À la créolisation, Zemmour oppose l’assimilation, soit « l’intégration sans douleur ». Sur ce terrain comme sur d’autres, Zemmour s’attache à démontrer à quel point son adversaire a changé d’avis et de position. « Mélenchon a trahi Mélenchon, lui dira-t-il, plus tard, dans le débat. Je cours après une certaine idée de la France qui a été la vôtre. » Mélenchon, lui, assume pleinement ses revirements et revendique les principes de la République et de la Révolution. Lorsqu’on aborde la burka, il se dit « contre la police de la tenue des femmes. J’ai vécu dans un monde où les femmes, même celles de ma famille, portaient un foulard ! » Les faits lui échappent. L’insécurité ? « Oui, il y a de l’insécurité, il y en a toujours plus car il y a plus de misère », assure Mélenchon. Il veut réformer la police, dissoudre la BAC… Zemmour lui oppose des chiffres. La France est passée, affirme le polémiste, de 15 crimes pour 1.000 habitants, dans les années 1960, à 60 crimes pour 1.000 habitants aujourd’hui et 1.000 agressions par jour, dont 130 au couteau. Les chiffres seront à nouveau ramenés par les « vérificateurs » de BFM TV à 700 agressions par jour. Zemmour défend les policiers, détestés des caïds de la drogue mais « en phase avec le reste de la population ». Il estime que « la France n’est pas raciste quand elle défend sa culture et sa civilisation ».

Les deux hommes s’opposent encore sur le diagnostic de l’état de la France. « Le pays est riche, les gens sont pauvres », dit Mélenchon, quand Zemmour voit plutôt « un pays en voie de déclin ». Et appuie son opinion chiffres en main, montrant l’impact d’une immigration incontrôlée qui ruine, dans la tête des Français, l’utilité même du vote. Mais on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif et il n’y a de pire aveugle que celui qui ne veut pas voir. En fin de débat, un sondage Mediavenir donne l’avantage à Mélenchon à 57 %, mais Zemmour affiche 43 % de convaincus.

Marc Baudriller
Marc Baudriller
Directeur adjoint de la rédaction de BV, éditorialiste

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