Peut-il y avoir un rassemblement national et pour quoi faire ?

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Le 1er juin, le Front national est devenu le Rassemblement national, tout en gardant la flamme de son logo, placée dans un cercle non fermé pour symboliser l’ouverture. Personne, au sein des dirigeants de ce parti, ne soutient que ce changement de nom suffira à rendre effectives les alliances que souhaite Marine Le Pen, notamment pour les européennes, mais tous espèrent qu’il les facilitera.

Bien sûr, les médias, borgnes par nature ou par conviction, soulignent tout ce qui peut s’y opposer : la concurrence supposée de Marion Maréchal, le manque d’alliés potentiels – puisque Nicolas Dupont-Aignan, pour le moment, semble refuser la main tendue, et que Florian Philippot, parti avec armes et bagages, y compris son mandat de député européen, n’est pas près de revenir au bercail.

Auparavant, la presse avait rappelé que ce nom n’était pas original : c’était celui du groupe parlementaire de Jean-Marie Le Pen en 1986 (quand François Mitterrand avait instauré la proportionnelle par opportunisme) et un obscur plaignant prétend devant les tribunaux qu’on lui a volé cette appellation. Faute de culture historique, sans doute, personne n’a fait référence au Rassemblement national populaire de Marcel Déat, actif sous l’Occupation : il est vrai qu’il aurait fallu reconnaître que les collaborationnistes les plus zélés venaient de la gauche.

Les médias détournent l’attention de la question essentielle : à quelles conditions peut-il y avoir un rassemblement et pour quoi faire ? Il est évident que Nicolas Dupont-Aignan, Florian Philippot, Marine Le Pen et quelques autres ne peuvent espérer l’emporter, chacun de son côté, aux élections européennes. Encore faut-il que chacun s’abstienne des querelles d’ego et accepte de ne pas confondre ses intérêts personnels avec ceux de la France : vouloir faire le rassemblement derrière soi n’est pas rassembler.

Il faut aussi définir la nature de ce rassemblement : doit-il se limiter à l’union des droites – mais, pour le moment le parti de Laurent Wauquiez n’y est pas prêt – ou s’élargir à tous les souverainistes, de droite ou de gauche ? On entend citer l’exemple de l’Italie, avec l’alliance entre le Mouvement 5 étoiles et la Ligue. Mais il y a plus de convergences entre Luigi di Maio et Matteo Salvini qu’entre Jean-Luc Mélenchon, empêtré dans ses contradictions, et Marine Le Pen.

L’important est moins de déterminer qui pourrait diriger cette alliance que de définir un programme commun, ce qui suppose, de part et d’autre, la volonté de se rencontrer et la recherche d’un compromis. Il ne serait pas anormal que le Rassemblement national, qui compte le plus de troupes, y joue un rôle moteur, s’il ne prétend pas imposer toutes ses vues et sait composer. Être plus ou moins libéral en économie, plus ou moins eurosceptique n’est pas sans importance, mais reste finalement secondaire, d’autant plus que, dans ces domaines, l’action politique peut s’adapter aux circonstances.

Il faut réunir les Français autour de valeurs comme la souveraineté de la France, le respect de l’identité française, la reconnaissance de ses racines et de son patrimoine, sans oublier le champ sociétal, dont dépendent, pour une grande part, les politiques intérieures, économiques, sociales et diplomatiques. Rien ne sert, pour Les Républicains, par exemple, mais aussi pour toutes les personnalités et mouvements susceptibles de participer à un tel rassemblement, de lancer des anathèmes contre ceux qui ne partagent pas toutes leurs convictions. S’ils en partagent quelques-unes, c’est déjà beaucoup !

Le vrai rassemblement consiste à renoncer aux chapelles politiciennes pour défendre les intérêts de la France et des Français.

Philippe Kerlouan
Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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