Y aura-t-il encore, demain, de jeunes agriculteurs ? Tout comprendre à leur calvaire

agriculteur

Devenir propriétaire d’une exploitation agricole a un coût. Malgré les aides déployées pour les jeunes agriculteurs de quarante ans et moins, une vraie crise de vocation traverse le secteur agricole. L'an dernier, dans un rapport consacré à la transmission des exploitations agricoles, la Cour des comptes remarquait que « chaque année depuis 2015, en moyenne 20.000 chefs d’exploitation cessent leurs activités tandis que 14.000 s’installent ». Plusieurs facteurs entrent en jeu.

Rencontré au Salon de l’agriculture, Pierre, éleveur bovin de 27 ans, s’inquiète du moment où il devra reprendre l’affaire familiale. « Je suis le seul enfant intéressé et face au poids des charges, des faibles salaires et de l’enfer administratif, je suis parfois assez découragé », nous confie-t-il. Une inquiétude que partage Charlotte, 31 ans. Sans parents ni proche dans le monde agricole, se lancer à son compte est complexe : « Arrivée à plus de 30 ans, je pense de plus en plus à m’installer et avoir mon exploitation, raconte-t-elle. Mais quand on voit toutes les normes imposées et le mille-feuille de l’administration française, ça jette un sacré froid ! »

Le business des aides administratives

Administratif. Ce mot, les agriculteurs semblent en avoir une sainte horreur. Alors, face aux imbroglios de l’administration française, des solutions existent mais elles ont un prix. Ainsi, les chambres agricoles régionales proposent un accompagnement administratif aux agriculteurs souvent déjà bien trop occupés avec leurs exploitations. En épluchant les aides administratives que propose la chambre agricole des Ardennes (qui est la plus claire sur les tarifs proposés), on se rend vite compte que ce bâton d’appui administratif n’est pas donné : 100 € HT pour la vérification à l'éligibilité des droits à la PAC, 120 € HT pour la première heure d’examen du dossier et 35 € par demi-heure supplémentaire. Pour l’accompagnement dans un montage de dossier de subvention PCAE, il faut compter entre 70 € et 540 €.

Des tarifs aberrants pour de nombreux agriculteurs qui, n’ayant pas les moyens de payer, se retrouvent à consacrer tout leur temps libre aux règlements administratifs. « Je dois déjà trouver le moyen de payer ma comptable à la fin de chaque mois à hauteur de 150 €. Heureusement que j’ai une petite exploitation et que ma femme s’occupe du reste de l’administratif. Autrement, je ne m’en sortirais pas », affirme Victor, éleveur bovin picard de 47 ans.

En d’autres termes, tous ne sont pas logés à la même enseigne. Si les gros exploitants parviennent à se dégager des marges intéressantes – et, par conséquent, de bons revenus –, il reste les petits et moyens acteurs du monde agricole qui peuvent difficilement accéder à ses accompagnements. En effet, en 2019, l’INSEE rapportait qu’en 2017, « 19 % des non-salariés imposés au régime réel déclarent un revenu nul ou déficitaire » et relevait que la moyenne des revenus des agriculteurs s'élevait à environ 1.390 € par mois (loin du salaire médian des Français non salariés évalué à 1.735 € nets mensuels sur la même année). Parmi eux, les éleveurs ovins, caprins et d’équidés sont les plus lésés, avec un revenu mensuel moyen de 620 €.

Un nombre de terres en baisse mais dont les prix augmentent

Pour les jeunes agriculteurs, devenir propriétaire d’une exploitation est souvent synonyme de spirale infernale. Entre le prix en constante augmentation des terres agricoles et le refus de se voir accorder des prêts, le tout conjugué à une baisse significative de la rentabilité de leur activité, beaucoup jettent l’éponge. Dans son rapport, la Cour des comptes estime qu’« entre 1997 et 2021, le prix des terres labourables et des prairies naturelles libres de toute location en France métropolitaine (hors Corse) a augmenté de 42 % en euros constants [prix corrigé de l’inflation, NDLR] ». Parallèlement à cette augmentation, le nombre de terres disponibles est en constante décroissance. Toujours dans son rapport, la juridiction financière évalue le nombre de terres agricoles au nombre de « 389.779 en 2020 à 292.592 en 2035 et à 272.634 en 2040, soit un taux de décroissance annuel moyen de 1,89 % d’ici 2035 ».

Pour encourager les jeunes à se lancer, certains proposent des solutions concrètes, à l’image de la Coordination rurale. Interrogé, un représentant souhaitant rester anonyme déplore la crise des vocations. « Évidemment, il existe des aides pour les jeunes, mais c’est loin d’être suffisant. De nombreux jeunes agriculteurs sont en déficit malgré les subventions mises en place par l’État », déclare-t-il, avant d’ajouter : « La CR demande par exemple un abattement total des bénéfices agricoles soumis à l’impôt sur le revenu. Ce serait déjà un bon début ! »

Certains grands décideurs feraient bien de se souvenir de cette maxime de leur illustre prédécesseur le duc de Sully : « Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France. »

Julien Tellier
Julien Tellier
Journaliste stagiaire à BV

Vos commentaires

10 commentaires

  1. Des solutions existent pour les éleveurs bovins ou autres pour le lait ou la viande, mais ils faut plus compter sur les relais locaux que sur l’administration.
    Pour un jeune qui s’installe et ne connait pas trop l’endroit où il a choisi de vivre , ce qui est tout de mêmes assez rare, je pense qu’il faut, pour son intérêt , oublier le nombrilisme et l’individualisme . Ce ne sera pas: » moi tout seul contre le monde entier « .
    J’ai vu un jeune éleveur évoluer dans son métier et pouvoir se dégager un salaire même si les débuts ont été difficiles .
    Il est vrai qu’une épouse qui ramène un salaire aide aussi beaucoup .
    Par contre cela passe aussi à travers des coopératives genre « CUMA » pour acheter du matériel en commun et des « GDA  » pour adapter l’entraide aux besoins de chaque adhérent par exemple améliorer les techniques d’ensilages et de fourrage et assurer une autonomie de nourriture de bonne qualité pour les animaux. Et puis entretenir des rapports continuels à travers des fêtes , des pots des soirées ,en boite de nuit et même les messes le dimanche !
    Il faut pour un éleveur de vaches laitières et bêtes à viande être autonomes, c’est à dire essayer au maximum de diversifier par exemple en acquérants et exploitant des terres agricoles pour assurer la nourriture des animaux, plus facile à dire qu’à faire car tout le monde s,e retrouve en conccurence pour acheter les quelques terres agricoles disponibles car la surface fait le rendement , mais surtout, ne pas pas s’isoler !
    La solidarité est le maitre mot pour celui qui veut vivre au pays ,même si cela demande une bonne dose d’effort et d’investissement personnel !

  2. Trump et le président argentin ont eu le courage de supprimer, d’un trait de plume, une palanquée de normes et de contraintes administratives. Faisons de même. (surtout qu’elles ne servent qu’à occuper des armées de fonctionnaires)

  3. L’administratif c’est l’Europe telle qu’elle est , et Paris qui en rajoute. Il faut virer tout ça le 9 juin.

  4. On fiche le camp tout de suite de cette Union Européenne qui veut détruire notre économie (pour la livrer aux lobbies mondialistes, évidemment), on sauve ce qui reste de notre industrie, de notre agriculture, de notre santé, de notre sécurité, de notre culture, de notre liberté. Bref, on se réveille du cauchemar !

  5. Non l’agriculture en France c’est fini. Il n’y a pas de volonté. Aucun élu ne les soutient autrement qu’en paroles. Les listes fédéralistes auront 100 pour cent des élus aux européennes. Malgré le soi disant soutien de 91 pour cent des français aux agriculteurs. BV expliquera que voter Bellamy du PPE c’est bien alors que c’est le parti de Van der Leyen.

    L’Union européenne créera les règlements qu’il faut pour y mettre un point final.

  6. A noter que les agriculteurs ne sont pas les seuls à subir la mondialisation et les contraintes administratives excessives.
    Les petits commerçants et artisans ne comptent pas non- plus leurs heures et ne prennent pas 5 semaines de vacances auquel les ont droit les salariés.
    Quant aux agriculteurs, tout le monde est d’accord pour les soutenir, mais au moment de faire ses courses, chacun choisit le bon marché, pas souvent français, et c’est pareil pour les vêtements ou autres marchandises commandées chez Amazon.

  7. Le 9 juin on élimine définitivement tous les partis de droite et de gauche qui nous ont amenés à cette situation : LR, PS, Verts, Macroniens.

  8. Virer ces saboteurs du gouvernement , quitter l’UE et apporter de l’aide à ces jeunes qui souhaitent se lancer dans ce beau métier et surtout qu’ils puissent en vivre décemment .

  9. Si on laisse faire : plus d’agriculteurs et plus de calvaires non plus. Pas d’inquietude. Mondialisation et laïcité s’en chargent

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois