Von der Leyen s’offre un commissaire lituanien à la Défense

© European Union, 2024
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L’Union européenne n’est pourtant pas un État souverain, mais cette institution sui generis à vocation fédérale agit comme tel. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, reconduite le 18 juillet dernier dans ses fonctions, a présenté, ce mardi 17 septembre, depuis le Parlement de Strasbourg, sa nouvelle équipe de commissaires qui l’entourera pour ces cinq prochaines années.

Une prise de parole qui intervient peu après que la présidente allemande s'est séparée de son ancien commissaire européen au Marché intérieur, le Français Thierry Breton, trop critique à son encontre et suspicieux sur ses capacités de bonne gouvernance. Pas sûr, en effet, qu’avec Stéphane Séjourné propulsé sous les auspices présidentiels français au poste de vice-président exécutif pour la Prospérité et la Stratégie industrielle, la composition de la nouvelle Commission européenne gagne en crédibilité…

Visages baltes à l’honneur : un message clair de l'UE adressé à Vladimir Poutine

Annonce inédite, la création d’un nouveau poste : celui de commissaire à la Défense, attribution régalienne par excellence. Une décision personnelle d’Ursula von der Leyen, qui entend faire du renforcement de la défense européenne l’un de ses chevaux de bataille. Mais c’est aussi et surtout, dans le contexte de la guerre en Ukraine, un message de fermeté, adressé à l’égard de Vladimir Poutine. Car si l’ancien Premier ministre estonien Kaja Kallas (successeur de Josep Borrell, qui plaidait, aux côtés de Thierry Breton, pour une politique de défense industrielle européenne moins dépendante des États-Unis) a été reconduit au poste de haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité, la Commission accueille un nouveau commissaire, consacré à la Défense et à l’Espace de l’Union européenne. Et c’est l’ancien Premier ministre lituanien, Andrius Kubilius, qui a décroché le poste, ô combien symbolique. Car il n’a ni armée ni légitimité démocratique, si ce n’est infiniment parcellaire.

Mais l’ancien député européen lituanien, membre du Parti populaire européen (PPE, conservateur) et âgé de 67 ans, jouit d’une expérience reconnue s’agissant des relations, laborieuses, entre l’UE et la Russie. Selon les mots de la présidente de la Commission, il « travaillera [ainsi] au développement de l’Union européenne de la défense et à la stimulation de nos investissements dans la capacité industrielle [européenne] ». Construire l’Europe de la Défense, en somme. Un sempiternel vœu pieux dont Emmanuel Macron, sautant comme un cabri, voulait s’en faire le chantre. Mais entre autonomie stratégique européenne et Alliance atlantique, il faut choisir. Un choix que Donald Trump, s’il venait à être réélu à la Maison-Blanche, précipiterait de force.

Farouchement hostile au Kremlin et partisan fervent du soutien apporté à Kiev, sa nomination surgit alors que la guerre en Ukraine met à nu les carences des armées européennes en termes de munitions et d’équipements. La tâche d’Andrius Kubilius apparaît donc comme colossale, puisqu’il s’agit principalement de conduire le renforcement des capacités de défense d’une armée fantoche, qui ne dépend que du bon vouloir des États membres de l’Union à consentir à l'effort communautaire en matière de défense et de sécurité. Car si les peuples européens sont (encore ?) prêts à défendre les intérêts vitaux de la nation à laquelle ils appartiennent, le sentiment d’appartenance à l’Union européenne, lui, demeure toujours encore trop éthéré, en dépit des politiques successives établies par l’UE (celle de la Politique de sécurité et de défense commune (PSDC), de la Boussole stratégique et, plus récemment, du Programme européen d’investissement dans les domaine de la défense (EDIP), ou fonds européens dédiés à la défense depuis la fin des années 1990. Le constat demeure le même : difficile de mettre en place une défense proprement européenne face à tant de cultures stratégiques et militaires différentes, de géographies dissemblables et, a fortiori, d’intérêts sécuritaires divergents. D’autant plus que depuis la Seconde Guerre mondiale, la plupart des pays d’Europe ont jeté leur dévolu sur la tutelle stratégique et militaire américaine.

Nouveau poste : pour quels changements ?

Qui plus est, les compétences et l’étendue des responsabilités du nouveau commissaire européen restent encore à définir. L’objectif : « ne pas empiéter sur [celles] des autres commissaires », notamment celles de la chef de la diplomatie européenne, Kaja Kallas, qu’il est censé seconder mais qui, conformément aux traités européens, est à la fois chef de la politique étrangère et chef de la défense de l’Union. C’est dire le manque de clarté et de cohérence de la puissante et prétorienne Commission européenne. Outre la défense, le nouveau commissaire couvrira ainsi plus largement quatre autres domaines : « l’industrie, les investissements, les aspects sociétaux et structurels », expose l'European Policy Center, afin d’accompagner la mise en place d’une base industrielle et technologique de défense européenne (BITDE). L’enjeu principal, donc ? Mutualiser le potentiel militaire industriel et technologique du Vieux Continent, en dépit des conceptions plurielles des États membres, qui polarisent les tensions, freinant ainsi la synergie dans les domaines de la sécurité et de la défense. Pour l’heure, Kubilius a été chargé par von der Leyen de la rédaction d’un Livre blanc européen sur l’avenir de la défense européenne. La question des modalités de financement du budget de la défense communautaire (estimée à 500 milliards) pour la décennie à venir sera également sur la table des négociations.

Une nomination symbolique, donc, plus que révolutionnaire. Les États membres considérant, à juste titre, que « le monopole de la contrainte physique légitime » (Max Weber) relève, par essence, du domaine réservé de l’État.

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Anna Morel
Journaliste stagiaire. Master en relations internationales.

Vos commentaires

36 commentaires

  1. Je lis: « Mais entre autonomie stratégique européenne et Alliance atlantique, il faut choisir. Un choix que Donald Trump, s’il venait à être réélu à la Maison-Blanche, précipiterait de force. » Non, il n’y a pas de choix. Il faut l’un, maintenant, tant que l’autre n’est pas construit. Avant de quitter l’alliance atlantique il faut, d’abord, avoir une autonomie stratégique européenne. Sinon, pendant toute sa construction nous serons aussi nu que le bernard-l’hermite quittant sa carapace à la recherche d’une autre. Peut-être, si M. Trump est élu, faudra t-il se précipiter. Notons que l’Europe a eu 30 ans pour bâtir une défense. Elle l’a pas fait. Et maintenant on se plaint de la tutelle américaine! Hypocrisie.

  2. La question est surtout de savoir combien de temps allons nous supporter cette femme qui se prend pour la maitresse de l’ue pour décider qui fait quoi

  3. Voilà un individu , Mr Séjourné, qui n’a aucune expérience dans l’industrie, qui se retrouve bombarder vice-président exécutif pour la Prospérité et la Stratégie industrielle. Il a peut-être lu des rapports sur le sujet et je ne doute pas qu’il ait parlé avec des patrons de l’industrie. Mais ça ne construit pas une expérience solide sur ces sujets. Il serait grand temps que l’on empêche toute cette classe politique de sévir.

  4. « Annonce inédite, la création d’un nouveau poste : celui de commissaire à la Défense ». A l’évidence, les marchands d’armes américains sont en surproduction. La commission se chargera d’écouler les stocks, contre finances bien évidemment.

  5. De toute façon, notre armée européen ne ne se réduitqu’ a rien, et notre défense est suspendue au bon vouloir de l’Otan et des américains. Ce ministre qu’il soit d’ici ou de là, compte, comme on dit dans la cour de recréation,que pour « du beurre ». Quand au bouclier nucléaire qu’offrirait la France, je viens d’apprendre que c’est un peu comme pour la nouvelle ligne Maginot, nos sous-marins nucléaires seraient inopérants en hiver, le long hiver boreal, leurs ogives ne pouvant pas percer la glace des mers du nord. Entre les USA et la Russie, l’Europe n’offre que du prêchi-prêcha, et ne servira que de terrain de jeu pour les équipes de nos puissants voisins. C’est pourquoi une option plus diplomatique et indépendante (et intelligente) aurait été préférable pour assurer notre sécurité, et rester en paix

  6. l’impératrice se fait une commission à sa botte , des gens incompétents de préférence , dehors les commissaires qui lui tiennent tête , comme Breton par exemple.

  7. Le Portugal est dramatiquement en flamme. On cherche, sans rien trouver de sérieux, en quoi et comment l’U.E serait utile pour vraiment venir en aide à ce pays. L’on nous dit que Bruxelles a activé le « centre de coordination de la réaction d’urgence (ERCC) de la Commission »…Ce n’est que du pipeau. Certains Pays ont mis à disposition un certain nombre de »canadairs » et d’autres moyens. C’est bien ansi. Mais que vient faire l’U.E dans l’affaire ? Il y a même un commissaire chargé de la « gestion des crises ». Le slovène Janez Lenarcic est sans doute quelqu’un de très bien….Mais il se trouve que le Portugal reste seul à tenter de gérer au mieux son drame. Toutes les aides extérieures sont les bienvenues…d’ailleurs le Maroc y participe…rien à voir avec Bruxelles. Dans ces conditions, que peut-on penser de la création d’un commissariat à « la défense » ? Du pipeau ? Du violon ? De l’accordéon ? Il nous tarde d’en savoir et d’en voir plus.

  8. Mais pour qui elle se prend cette dame non élu. Il ne faut pas oublié que cette dame à été ministre de la défense d’Allemagne et remerciée cela veut tout dire.

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