[VIVE LA FRANCE] Notre-Dame, la lumière retrouvée

@Atelier de la Boiserie
@Atelier de la Boiserie

Les images de la nef de Notre-Dame de Paris restaurée sont éblouissantes de luminosité. Comme le souligne le recteur Mgr Olivier Ribadeau-Dumas, « la lumière magnifie l’ensemble » et fait de la cathédrale un vaisseau de lumière.

 

La lumière qui rayonne de la pierre blanchie, centimètre carré par centimètre carré, par les deux mille ouvriers et compagnons qui ont brossé, aspiré, rejointé avec une minutie d’orfèvre les morsures des siècles, les salissures du temps, la gangue grasse de la fumée des cierges et la noirceur tragique de l’incendie. Cette blancheur chaude, teintée d’une pointe rosée, a retrouvé sa luminosité dans l’entièreté de l’intérieur de l’édifice sur ses 41.000 m2 de pierre. Elle nous est proposée comme personne avant nous n’a pu l’apprécier. Car même les fidèles du XIIIe siècle, compte tenu du temps long de la construction, ne pouvaient contempler que la pureté des dernières tranches. Celles construites deux ou trois décennies plus tôt étaient déjà ternies par la fumée des cierges, l’unique source d’éclairage.

« Un chantier unique dans une vie »

La lumière des treize lustres et des appliques dessinés par Viollet-le-Duc passés entre les mains talentueuses des taillandiers, bronziers d’art et ciseleurs de la lustrerie Mathieu de Cargas brille des feux de la patine retrouvée. La lumière traverse les milliers de mètres carrés de vitraux miraculeusement épargnés par l’incendie et la chute de la flèche, à l’exception d’un seul situé dans la nef. Ils ont fait l’objet, au cours des trois dernières années, d’une restauration exemplaire.

D’abord les trois roses médiévales (nord, sud, ouest) qui n’avaient jamais bénéficié de vrais soins depuis le XIIIe siècle, compte tenu de leur inaccessibilité. Tout particulièrement le bleuté lumineux de la rose ouest, au-dessus du grand orgue, dont les 8.000 tuyaux libérés de la fine poussière de plomb reflètent à nouveau l’éclat du soleil couchant. « Grâce aux échafaudages, il a été possible de nettoyer les roses sur place, car il n’était pas envisagé de les déposer », nous explique Jean Mône, maître verrier et patron de l’Atelier Vitrail Saint-Georges, près de Lyon. Cette entreprise familiale créée en 1852 et redynamisée depuis 1979 par Joël Mône, le père, est incontournable dans le monde du vitrail, notamment patrimonial. Il était donc logique que l’atelier soit sélectionné pour la restauration d’une partie des vitraux de Notre-Dame. « Sur les douze lots, nous en avons décroché deux. C’est une reconnaissance de notre savoir-faire », avoue avec fierté Jean, le fils. L’Atelier Saint-Georges a donc restauré 120 m2 de vitraux de la sacristie et 400 m2 provenant du chœur. « Un ouvrage émouvant, car nous avons conscience que c’est un chantier unique dans une vie. Nous avons participé à écrire l’Histoire de France, et mon équipe était très heureuse d’en être », poursuit ce passionné, qui rappelle : « Dans ce métier, l’exceptionnel fait partie du quotidien. » Le chantier de la cathédrale « avait ceci de particulier qu’il fallait être très disponibles et très réactifs, car nous étions tributaires de l’avancée d’autres travaux pour travailler sur place ».

Fierté du devoir accompli

Son équipe de seize verriers, dont Raphaël Billaut, Cécile Ayissi et Rémy Perrin, maître verrier, dut souvent adapter ses plans au dernier moment. Les verriers filaient à Paris pour chasser quelques « poussières de prière » au pinceau, voire au coton-tige, ou refaire une barlotière [fine armure en laiton qui tient les vitraux, NDLR]). Mais l’essentiel des travaux, telle la réfection de la grisaille qui permet de rehausser les personnages ou les ombres, a été réalisé en atelier. « Nous devions travailler selon un mémoire technique précis, et avec des actions réversibles pour laisser la possibilité aux générations futures de restaurer selon des nouvelles techniques plus performantes », nous précise le directeur.  Le résultat est… lumineux !

Et cette luminosité retrouvée transcende les boiseries et la ferronnerie décrassées qui ont fait l’objet des mêmes soins. « Nous n’avons pas remis le chêne à blanc, mais nettoyé et nourri d’encaustique incolore pour garder la patine », nous explique-t-on, chez Atelier de la Boiserie, chargé de la restauration de la sacristie et de chapelles qui, désormais, brillent d’un éclat retrouvé. De même, les centaines d’éléments de la serrurerie en acier et laiton ont été nettoyés par ces artisans pour retrouver leurs nuances jaunes éclatantes ou le brillant bleuté du noir acier. « À la fin de ces centaines d’heures, nous éprouvons l’étrange fierté d’avoir accompli un travail que personne ne remarque », conclut notre interlocuteur. Détrompez-vous ! Il n’échappera pas aux lecteurs de Boulevard Voltaire...

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/12/2024 à 19:42.

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Patricia Colmant
Journaliste indépendante

Vos commentaires

15 commentaires

  1. Merci, Patricia, pour cette synthèse de ce chantier «  »pharaonique » » !!
    Bravo d’avoir cité quelques uns des ARTISANS qui se sont consacrés à cette rénovation en se dévouant totalement, presque avec l’état d’esprit des Apôtres du Christ eux-mêmes, puisque, en nombre apparemment illimité, leurs efforts individuels se fondaient dans la tâche générale !!
    La lecture de ce « résumé » nous donne l’impression de nous sentir comme des visiteurs clandestins de ce travail de restauration quasi-divin !!

  2. Il est vrai que Notre-Dame de Paris a été reconstruite si l’on peu dire ça et je remerci les pompiers et tout les acteurs de la reconstruction pour leurs talents. J’ésperai que tous ces grands personnages du monde politique soit touché par la grace et qu’ils ce mettent a oeuvrer pour la paix dans le monde mais je crois être un doux rêveur.

  3. Je ne suis pas croyant et ne suis jamais entré dans cette cathédrale ; pourtant, en cette nuit du 15 au 16 avril 2019, j’ai pleuré, j’avais l’impression de perdre un être cher. Aujourd’hui, c’est une émotion débordante un peu semblable à celle qui me remplit de bonheur à la naissance de mes enfants qui m’envahit. Cela grâce au travail acharné de travailleurs manuels, d’artisans d’art, de maîtres d’œuvre, d’architectes rigoureux et passionnés, de chefs et de meneurs, en particulier le général Jean-Louis Georgelin qui, par leur transcendance, ont su œuvrer à la renaissance de Notre-Dame. Cette page d’histoire ordinaire prouve à nouveau que l’excellence dans l’adversité reste l’attribut d’un peuple. Alors, mesdames et messieurs nos représentants politiques, aurez-vous aussi le courage, et surtout la volonté, d’en être dignes ? et de faire autre chose que de vouloir annihiler la France et ses talents.

  4. J’ai cessé de regarder cette cérémonie qui se devait d’être exclusivement religieuse dès que j’ai compris que cela prenait l’allure d’une macronade de plus, agrémentée de spécimens de la classe politique qui y étaient autant à leur place que des limaces dans le désert. Enfin, apprenant que le millionnaire Zelinsky dans son accoutrement habituel avait été applaudi dans ce sanctuaire sacré, j’ai compris que je n’avais pas perdu grand-chose.

  5. Excellente analyse. La lumière retrouvée ! Aura t’il fallu cet incendie criminel pour nous donner l’occasion de contempler ND comme personne ne l’aura jamais contemplée ? Tel le Jongleur de Notre Dame, le président ne lui aura offert que ce dont il est capable, la satisfaction de lui-même. C’était au Pape que revenait le discours de l’inauguration. Sa non-venue est significative.

  6. Oui, nous ne percevons de ce chef-d’œuvre que les images que nos médias veulent bien nous soumettre mais ce qui est vu est remarquable, admirable. Énormes remerciements à tous ces compagnons qui ont œuvré en silence, dans des conditions de travail parfois très éprouvantes, en profondes concentrations sur le maniement de leurs outils afin d’obtenir des résultats dignes de leur cœur. Ils l’ont aimée leur cathédrale, bichonnée. Un bémol vu de ma fenêtre. Les vêtements liturgiques inspirent le glacis, la froideur, l’éloignement du clergé, son retrait par rapport aux patients (sic) fidèles. Les vêtements du passé exprimaient chaleur, accompagnement, attention, bienveillance, compréhension, ne serait-ce que par leur poids, leur masse. Alors que ceux d’aujourd’hui inspirent légèreté, indifférence, éloignement, retranchement. Pas étonnant lorsque l’on écoute un membre du clergé déclarer à haute et intelligible voix « l’église n’est pas un musée » à propos de la conservation ou non des confessionnaux. Un mobilier qui a écouté des millions de confessions intimes serait à placarder. Sa richesse intrinsèque serait à ignorer, pire à bannir. Heureusement, l’architecte en chef en a décidé autrement. Il les honore. Par ailleurs quelle lourdeur dans cette cérémonie, à endormir les mêmes patients (sic) fidèles. Et quel contraste entre ce vêtement qui se veut moderne et cette cérémonie si pesante. Comment retrouver, exprimer le dynamisme, la force de la foi dans cette exemplarité si écrasante ?

  7. En regardant hier soir la réouverture de Notre Dame , j’ai pensé à tous ces artisans de talent, dont le moindre petit coup de ciseau , le moindre petit trait de pinceau , a contribué à la renaissance de notre cathédrale . Je suis complètement émerveillée du travail accompli et je remercie chacun d’eux du fond du cœur . Pour moi , hier soir , au delà des grands de ce monde réunis pour la circonstance , c’étaient eux les héros de la soirée . Un grand MERCI

  8. Je suis un ancien Maître d’oeuvre et cette restauration ne m’étonne pas pour plusieurs raison. Un budget quasi illimité,des règles d’appel d’offre donnant la priorité au savoir faire qu’au moins disant, des règlements, normes, et entraves technocratiques très simplifiés, un donneur d’ordre unique et meneur d’hommes ( le général Georgelin.) toutes ces raisons ont grandement facilité le boulot.

    • Oui, cher collègue, la seule responsabilité que j’attribue au président, c’est d’avoir levé les obstacles technocratiques que lui et sa bande s’ingénient à essaimer partout en sachant que ces sangsues paralysent le pays

    • Vous avez parfaitement raison : en dehors de l’argent qui, exceptionnellement, pour cette renaissance de cathédrale ne manquait pas. Vous évoquez LA raison de nos paralysies et de nos déclassements dans tous nos domaines de compétences, qu’ils soient industriels, artisanaux, PME ou ETI, même pour chacun d’entre nous ayant eu à déposer une simple demande de permis de construire ou à devoir subir un seul des petits hommes gris de l’administration. Comme d’ailleurs le dénonce aujourd’hui avec conviction et désespoir le monde paysan.

  9. Une grande admiration et un grand merci pour le travail magnifique de tous ces artisans, un savoir-faire français reconnu et réputé dans le monde entier. Nous en sommes fiers. Bravo !

  10. Un grand bravo à tous ces artisans qui ont su mettre leur talent et leur passion au service de la restauration de ce joyaux de l’architecture Française.

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