Vive la folie de l’écriture !
Il suffit de regarder les masques scotchés sur leurs écrans dans le métro pour en être convaincu. Près de cinquante pour cent des Français qui ont acheté, en librairie, un livre depuis le 17 mars souhaitent refaire cette expérience unique. Le livre, j’adore ! Ce qu’on ne savait pas, c’est que, selon un rapport de CNews, un Français sur dix s’était lancé, durant le confinement, dans « l’écriture ».
Une enquête récente de Harris Interactive révèle, en effet, que 1.166 personnes de 18 ans et plus ont envoyé leur prose au site de la « Journée du Manuscrit et Actualitté » (comprendre : « actu » plus « littérature »), témoignant de leur attachement indéfectible à Gutenberg. Excellente nouvelle pour Vincent Montagne, président du Syndicat national de l’édition. L’écran n’a pas détrôné l’écrit. Enfants des Lumières, les Français, tout confinés qu’ils sont, ont lu et écrit ! C’est fou mais vrai : l’imagination est au pouvoir. Déjà « des pépites en gestation » fleurissent sur Internet d’autant plus que, depuis 2013, les écrivains en herbe ont la possibilité de publier gratuitement leurs textes sur le site « La Journée du Manuscrit francophone », créée sur le modèle de la fête de la Musique. La moisson s’annonce riche. Outre le classique « Chloroquine, mon amour », façon Prévert tout en nuances, on attend « Journal d’un confinement », « Seul.e avec le confi ! » et « Bien confiné ! » Mais le must espéré, c’est la voix donnée aux agresseurs présumés : « Pangolin et Souris la Chauve ».
À quoi est dû cet engouement des Français pour l’écriture ? Ce frémissement des cœurs, des esprits et des plumes ?
À la solitude, l'ennui, la déscolarisation, le narcissisme ? Au besoin d’écrire, tout simplement ! Eh quoi ! Les fans de textos inclusifs et de hashtags, aventuriers de l’écriture ? Mais oui, les Scrognogneux ! Ne boudez pas votre plaisir pour les fictions futures (les vôtres, en premier), depuis le journal intime orné d’un cœur à l’uchronie. Libre aux Grincheux de voir dans cette scriptomania une addiction au grand incubateur qu’est l’ordinateur et, dans cette « Journée du manuscrit », la mise à mort de la littérature.
Certes, on est passé, en quelques années, de l’atelier d’écriture thérapeutique à l’écrit de consommation. Certes, à chaque automne, 458 romans de rentrée, empilés dans les supermarchés, finissent au pilon deux mois plus tard. Qu’importe ! Le made in France de notre langue s’affiche sans complexe avec les ventes physiques de livres, la filière livre est vendue en « drive » et en « click and collect ». Ainsi va l’actualitté. Ainsi va le bonheur d’écrire français !
Finie la littérature à vocation esthétique ! Voici venu le temps de la culture pour tous. À bas l’élitisme ! Tweeter à en mourir. RV tous sur balancetaprose#pango ! Le livre de la rentrée ? Le confinement m’a libéré/e. Une autofiction en inclusive. Purepeople.
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