Violences contre les femmes : la levée du secret médical est-elle vraiment une bonne idée ?

violences conjugales

On est trop habitué aux propositions incongrues de notre garde des Sceaux pour s’étonner de la dernière : remettre en cause le secret médical pour venir en aide aux victimes des violences conjugales. « Ça fait appel à l’éthique du médecin : s’il voit qu’une femme se fait massacrer, ça me choquerait qu’il ne le dise pas. »

Comme c’est simple, la politique : un petit air de flûte compassionnel et hop ! vous voici dans le camp du bien !

À l’instar de beaucoup de professionnels de santé, le docteur Martin Winckler a réagi négativement dans Le HuffPost à cette idée éminemment contre-productive, non sans mettre en avant (et en écriture inclusive…) les obsessions à la mode qui, depuis La Maladie de Sachs, lui font consacrer l’essentiel de son réel talent littéraire au service d’une cause haïssable : le dénigrement de la médecine française. Le titre de son ouvrage, Les Brutes en blanc, suffisant à résumer l’essentiel de sa pensée…

Considérant que les médecins soumettent les femmes à des « violences verbales ou physiques […] d’autant plus fréquentes que celles-ci sont pauvres, racisées, lesbiennes, transgenres, intersexuées, porteuses d’un handicap ou encore perçues comme étant “non conformes” à des critères arbitraires (de poids, en particulier) », Winckler conclut : « Pourquoi voudrait-on qu’elles lui confient les violences dont elles sont victimes ? » Évidemment, vu comme ça, le secret se protège tout seul…

Le principe français du secret professionnel est simple : le médecin ne peut attester 1°) que de constatations strictement médicales ; 2°) qu’il a faites personnellement. Et dans son cabinet, il n’est pas le témoin direct de l’agression que sa patiente lui relate.

Quand bien même ce récit serait véridique, quand bien même le médecin aurait, par ses visites à domicile, connaissance des violences habituelles du conjoint, l’autoriser (et demain, pourquoi pas, l’obliger) à les révéler serait éminemment dangereux.

D’abord, la victime, redoutant les conséquences de cette divulgation, pourrait hésiter à se faire soigner, laissant évoluer à bas bruit des lésions cérébrales ou abdominales graves.

Laissons, ensuite, la parole au Dr Winckler : « Si l’on y réfléchit dix secondes, contre qui les conjoints violents se retourneront-ils d’abord en apprenant qu’ils ont fait l’objet d’un signalement ? D’abord contre la femme ! Ensuite seulement contre le/la professionnel.le concerné.e, qui – outre le risque de représailles qu’iel [sic] encourrait à son tour – serait mis.e dans l’impossibilité de soigner de nouveau cette femme si elle en a besoin, et se verrait immédiatement disqualifié.e aux yeux de toutes les personnes (y compris des femmes soumises à des violences) qui attendent – à juste titre – qu’on taise leurs confidences. »

En réalité, beaucoup de femmes battues n’hésitent plus à signaler aux autorités les sévices dont elles sont victimes, et les médecins doivent certes les aider, les soutenir, les convaincre… mais pas se transformer en indicateurs de police.

Parce que ce qui manque vraiment à ces femmes, c’est que leurs plaintes ou signalements soient suivis de mesures concrètes ; et ça, c’est la responsabilité des pouvoirs publics. De Mme Belloubet, par exemple…

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Richard Hanlet
Médecin en retraite, expert honoraire près la Cour d'appel de Versailles

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