Peut-on imaginer une France sans vaches et sans éleveurs ?

Vache
Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 04/02/2023.

Au mois de février, on apprenait que le cheptel français fondait à vue d'œil à mesure qu'augmentaient les importations de viande étrangère. Nos vaches et nos éleveurs méritent mieux que cet abandon tragique.

Dans la litanie des fondations de la maison France qui craquent, quelque part entre la baguette, la culture classique, les églises et les vergers, il faudra peut-être ajouter nos vaches et nos éleveurs. Je suis encore loin de la retraite et j'ai pourtant connu les villages des Pyrénées et du Cantal traversés par nos amies les vaches. Aujourd'hui, vous pouvez traverser un département rural sans rencontrer un seul troupeau. Où sont les vaches ?

Mais depuis quelques jours, les médias consentent enfin à se pencher sur le sort de nos éleveurs et de leurs troupeaux qui fondent à vue d'œil. En dix ans, le cheptel français a été réduit de 11 % et, selon l'Institut de l'élevage, la France a perdu 837.000 bovins depuis 2016, dont 500.000 vaches allaitantes. Je me suis d'abord dit : tiens, la faute aux végétariens, moins de demande, donc nos éleveurs ont réduite la voilure. Que nenni : les importations de viande étrangère ont bondi de 6 % dans le même temps ! Toujours la même chanson : moins chère car soumise à moins de contraintes. Et donc de moindre qualité. Merci, l'Union européenne !

Mais alors, pourquoi nos éleveurs ne parviennent-ils pas à répondre à cette demande qui résiste ? En cause la faible rentabilité de l'élevage, s'il n'est pas couplé à d'autres formes d'agriculture. En cause, aussi, les lourds investissements nécessaires. Mais surtout la faible attractivité d'une profession qui est un véritable sacerdoce, qui ne connaît ni les 35 heures ni les vacances ni les week-ends. Les éleveurs qui partent à la retraite peinent à trouver des repreneurs, comme Jean-Luc Boujon qui a confié à Europe 1 : « J'avais un petit jeune qui sortait des écoles et qui était intéressé. Mais il a préféré ne pas s'engager. Il souhaite garder un statut de salarié parce que sinon, il a peur que ça le plombe pour débuter sa vie… » Tout est dit.

MêmeFrance Culture s'est émue de cette mauvaise pente et a demandé à l'ingénieur Patrick Veysset, agro-économiste à l’INRAE, quelle solution innovante et adaptée à la transition environnementale était possible : « Aujourd’hui, l’engraissement des cheptels se fait aux céréales et au soja. Mais la filière gagnerait à changer de méthode et à opérer une transition vers de l’engraissement à l’herbe. » Avec, à la clef, « une mise en valeur d’un territoire du Massif central exclusivement couvert d’herbes et de forêt ou aucune autre alternative agricole n’est possible, et une sécurité alimentaire grâce à l’autonomie en viande et grâce à la réduction d’utilisation de céréales indispensables à la nourriture humaine. »

Cet intérêt nouveau des médias pour l'élevage, qui est aussi l'un des piliers de notre souveraineté, loin des oukases et des excès des commandos vegan qui s'en prenaient aux boucheries, est bienvenu. Bienvenue, aussi, l'ouverture des agriculteurs aux questions soulevées par le changement climatique, comme le montre, entre autres initiatives, la conférence de Jean-Marc Jancovici organisée par les Jeunes Agriculteurs de l'Aveyron, en 2021. Ou l'arrivée, sur les réseaux sociaux, d'éleveurs populaires comme Cédric, du Cantal, avec qui vous pouvez suivre les vêlages, la construction d'une stabulation ou son activité selon les saisons.

De même qu'il faut sauver nos boulangers et nos arboriculteurs, il faut sauver nos éleveurs. L'enjeu est tout autant économique que patrimonial.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:20.
Frédéric Sirgant
Frédéric Sirgant
Chroniqueur à BV, professeur d'Histoire

Vos commentaires

58 commentaires

  1. Je rentre d’un mini-périple entre cluses, gorges, reculées et sources ( hélas : cascades à sec..) dans mon Doubs d’origine : Quelle merveille, dans les alpages, que le son des cloches, la compagnie de ces braves bêtes et l’odeur du foin frais coupé ! Quelle pureté dans l’air, au pied des sapins ! Quelle fraîcheur que ces conversations avec les travailleurs de la nature ! Là est la vraie vie , authentique et immuable ( je l’espère ! )

  2. Tous ces écolos et végans qui sont en guerre permanente contre nos éleveurs préfèrent enrichir lesBill Gates et autres Zeff Bezos qui ont investi des millions de dollars dans la viande synthétique. Comme dirait Audiard: » les c… ça osent tout… »

  3. Sans vaches, sans porcs, sans éleveurs? Non! Sans migrants? Oui! Allez les Français, au travail. Où est le temps où l’on avait honte d’être « chômeur »? Pendant qu’une partie des Français s’épuisent au travail, d’autres vivent mieux avec toutes les aides. Retour aux sources… »Labourage et pâturage sont les deux mamelles de la France »!

  4. Dans notre chère France il est plus simple de chercher ce qui n’est pas encore urgent a sauver pour ne pas perdre de temps. Que serait nos campagnes avec de grandes prairies bien propres tondus par de beaux animaux, de grands champs de céréales tant pour nous nourrir que les étables en hiver. Nos Agriculteurs et éleveurs sont un des plus grands maillons essentiel à notre pays qu’on appelaient il fut un temps le secteur or vert des citoyens qui ne connaissent ni les Weekends ni les jours fériés.

  5. Comment comprendre la position de cet ingénieur ?  » Aujourd’hui, l’engraissement des cheptels se fait aux céréales et au soja. Mais la filière gagnerait à changer de méthode et à opérer une transition vers de l’engraissement à l’herbe. » . Les éleveurs du midi réclament à corps et à cris du foin pour nourrir leurs bêtes en hiver. Dans notre région Nord Est des montagnes de fourrage s’affichent autour des fermes. Céréales et soja ne sont donc que des compléments alimentaires lorsque nécessaires. Une France sans vaches ? Les prairies se situent essentiellement dans des zones inexploitables par le machinisme agricole moderne. Parcelles trop exigües , trop pentues ou trop tourmentées. Les bovins , par leur présence, entretiennent naturellement ces surfaces. Sans vaches, ce ne sont pas nos écolos ronds de cuir qui les entretiendraient, ni les agriculteurs car le coût en serait rédhibitoire. Il faut donc des animaux pour entretenir si l’on ne veut pas retourner à la jungle. L’homme n’est que le complément nécessaire, le guide. Macron, comme dans tous les secteurs français, impuissant, ne fait que constater sans agir. Le défaut d’actes productifs ne peut que conduire au délitement. Dans ces actes productifs, la réduction des charges permettrait de redevenir concurrentiels par rapport aux importations. Mais le progressisme ne se conçoit qu’en charges, prolifération des normes, subventions et paresse.

  6. Chose curieuse les Vétérinaires dont l’existence était liée à l’élevage de façon traditionnelle connaissent le même dépérissement : les jeunes veulent rester salariés. Les vacances et WE avant tout . L’héroïsme a disparu, là comme ailleurs . Ce peuple veut mourir et y parvient fort bien.

  7. Avant de penser à les sauver il faudrait déjà demander des comptes à ceux qui « les font crever » avec ce leitmotiv :<>

  8. Que les agriculteurs se rappellent d’abord que les vaches sont des ruminants Herbivores, et en finissent avec le soja importé à grand frais, du temps de mon grand père, les vaches étaient au près tous les jours et avait un peu de supplément en maïs en hiver, et je peux vous assurer qu’elles donnaient une belle viande.

  9. Une France sans éleveurs et sans vaches , non , bien sûr , mais on aimerait aussi des abattoirs sans violences ni tortures ,comme tout pays civilisé (?) devrait avoir , ni scandaleux transports d ‘ animaux.

    • Ne faisons pas non plus d’un ou deux cas une généralité. J’habite en montagne à une quinzaine de km d’un grand abattoir porcin et je peux vous assurer que les chauffeurs qui transportent ces bêtes en prennent grand soin. Il m’arrive fréquemment de rouler derrière ces attelages et au cours des multiples virages qui constituent la route les bêtes ainsi véhiculées ne sont pas bousculées.

  10. pas grave, on « bouffera » les GRILLONS en poudre ceux qui ont chanté au plus chaud de l’été, maintenant, ils pourront danser dans notre « gamelle » à la sauce Ursula Von der Leyen.

  11. De grâce, de grâce , laissez nous vivre la France . Il est franchement nécessaire et profondément regrettable d’avoir à rappeler à tous ces ignares que notre Pays était il y a encore quelques années un exportateur net de produits agricoles et sauf erreur de ma part nos amis ,que des crétins appellent aujourd’hui « de la ruralité « , étaient les plus gros contributeurs à l’équilibre de notre balance commerciale qui s’effondre abyssalement depuis … Macron.
    Et ce qui ne peut que désoler toute personne cortiquée , c’est que le gouvernement d’incapables nommés par Macron ne s’en tient pas là. L’Energie ? Nous avions la moins chère qui profitait également aux autres puisque nous l’exportions . Désormais nous en importons à un prix de l’ordre de 10 à 15 fois plus cher . Merci les Ecolos et Macron. L’Industrie ? Qui voulez vous intéresser dans un pays qui compte 480 taxes et impôts . L’Education ? L’effondrement de notre classement PISA nous dispense de tout commentaire . Quant à a stratégie industrielle nous sommes au top dix des âneries avec par exemple ( il faut faire des choix dans un océan de bêtises) vente de Alstom , piratage de l’accord Renault Nissan , affaire de Ficantieri avec le chantier naval de Saint Nazaire , échec de la fusion Siemens Alstom , fermeture de Fessenheim et toujours rien de fait plus d’un an après .
    Bref , Malheur par qui le scandale arrive . La France meurt endettée à tel point que les français ne sauront pas rembourser une dette de 48 mille euros par habitants et que nos enfants porteront longtemps le poids de ces imbéciles hors sol qu’on reconnaît à leur hautaineté .

    • Très bonne analyse.
      Le plus grave dans tout ça, c’est que les Français revoteront pour lui ou son clone.
      Pauvre France !

    • Tout a fait d’accord avec vous. Aucune vision à long terme chez nos politiciens que du pilotage à vue à l’aveugle parfois.

  12. C’est dans l’air du temps. Bientôt, sur nos tables de manants que nous sommes, ce seront insectes, poulets non labellisés, boeufs venus d’ailleurs en containers réfrigérés, selon la volonté de la Commission européenne. Adieu veaux vaches, cochons, couvées. Réservés à nos élites. A l’instar des gros SUV hybrides consommant les dernières réserves d’or noir.

  13. incroyable, sixième puissance mondiale et entrain de s’appauvrir comme jamais . LAISSONS aux professionnels gérer comme ils l’entendent leur métier et arrêtons , que, les donneurs et donneuses d’ordres, qui n’y connaissent rien, travaillent au coeur de tous ces métiers et ne restent pas assis dans le confort de leur salon ou bureau, c’est trop facile .Avec ce genre de personnes l’âne et la charrette arrivent à grand pas

  14. Les gens s’en foutent tant qu’ils ont de la viande dans leur assiette ! Le fait de savoir qu’un paysan se suicide tous les 3 jours (depuis des années) « ne leur en a pas touché une sans faire bouger l’autre(Chirac) « …ils continueront à voter pour leur seul nombril :le consumérisme est devenu la nouvelle religion .Et comme il y a plus de citadins (53 millions)que de provinciaux, nos chers partis politiques sont prêts à tout pour en tirer parti ! Même le titre de cet article souligne cette réalité: l’existence de viande bovine passe avant l ‘existence des éleveurs !

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