Vers un scandale Pegasus ? Le nouveau logiciel israélien qui espionne la planète…
La technologie est décidément chose étrange, qui à la fois nous libère et nous lie. Les téléphones portables, donc, qui permettent à tous les petits Terriens de communiquer en notre village globalisé, effaçant ainsi distances en même temps qu’intimité. On s’y dévoile, on s’y lâche, on s’y déballe. Mais comment s’étonner, aussi, que nous y soyons de plus en plus écoutés ?
Au début du nouveau millénaire, il y eut Echelon, réseau américain censé permettre d’écouter des milliards de conversations téléphoniques. La prouesse technologique est au rendez-vous ; l’efficacité des services secrets un peu moins : en effet, comment traiter cette masse d’informations, à moins de mettre un maton derrière chaque être humain ?
Avec le système Pegasus, les choses sont déjà nettement plus simples. De quoi s’agit-il ? D’un logiciel développé par la société israélienne NSO Group, qui se serait bien passée de la publicité que lui font, aujourd’hui, des journaux tels que The Guardian, Le Monde et The Washington Post.
Ainsi, le dimanche 18 juillet dernier, apprenions-nous que le système en question, autrement mieux ciblé, avait permis à divers États d’espionner quelque cinquante mille personnalités, médiatiques comme politiques, Pegasus étant programmé pour discrètement s’immiscer dans votre téléphone et y happer communications, messages et autres photos.
Autant dire que pour cette start-up, les affaires sont florissantes : le Maroc s’en servirait pour espionner ses opposants, l’Arabie saoudite pour fliquer les siens ; l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi à Istanbul aurait même été rendu possible par ce même logiciel. Finalement, rien de bien neuf sous le Soleil : les espions espionnent – ils sont d’ailleurs payés pour ça – et seuls changent les outils.
Ce qui ne change pas non plus, c’est la froide raison des États, tel que noté par Le Monde : « NSO respecte à la lettre les consignes ; son logiciel ne peut pas, par exemple, cibler les numéros d’un certain nombre de pays jugés trop sensibles. "Les Israéliens ont dit qu’il y avait trois juridictions avec lesquelles il ne fallait pas déconner : les États-Unis, Israël et les Russes", raconte, sous couvert d’anonymat, une source proche de NSO Group. »
Et le quotidien vespéral de préciser : « Pegasus est perçu comme un outil tellement précieux par certains de ses clients qu’il est devenu un élément de "soft power" pour l’État hébreu. Le logiciel espion a parfois été vendu à des pays juste avant le rétablissement de relations diplomatiques avec Israël. Les intérêts géostratégiques d’Israël priment ; dans ces conditions, les considérations liées aux droits de l'homme passent au second plan, comme le prouve la fourniture de Pegasus à des pays au lourd passif en matière de violations de ces droits, dont le Maroc, le Kazakhstan ou l’Azerbaïdjan. » De fait, on peut légitimement estimer que sans l’aide israélienne, en matière d’informatique et d’armement, jamais l’Arménie n’aurait été si facilement défaite par l’Azerbaïdjan, lors de la guerre éclair de ce début d’année.
Officiellement, Pegasus sert à lutter contre le terrorisme islamiste ; la bonne blague. Officieusement, Washington ne commente pas et Tel Aviv non plus. Logique. Et en France ? Gabriel Attal, porte-parole du gouvernement, annonce : « Ce sont des faits extrêmement choquants et, s’ils sont avérés, qui sont extrêmement graves. […] Il va y avoir évidemment des enquêtes, des éclaircissements qui vont être demandés. » Quand et à qui ? Il ne le dit pas.
Il ne le dit pas, sachant fort bien que dans ce rapport de force à échelle planétaire, la France est devenue un pays avec lequel on peut justement « déconner ». Nous le savions depuis longtemps et nos « alliés occidentaux » n’ont de cesse de nous le rappeler. On serait d’humeur maussade à moins…
PS : Notons que les journalistes Edwy Plenel (Mediapart) ainsi que ses homologues du Canard enchaîné viennent de porter plainte. On attend la réaction d’Éric Zemmour (CNews) qui aurait, lui aussi, vu son téléphone piraté. Il y en a décidément pour tout le monde…
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