Une victoire russe à Bakhmout ?
Samedi dernier, vers midi, Evgueni Prigojine, le chef impitoyable de la société militaire privée russe Wagner, a annoncé que ses troupes occupaient dorénavant la totalité de la ville de Bakhmout. Cette ville, hier méconnue, symbolisait depuis plus de neuf mois à la fois la résistance héroïque de l’armée ukrainienne et la volonté inflexible des Russes de l’investir, même s'il n’y resterait plus aujourd’hui que moins de 4.000 habitants. L’armée russe et les mercenaires de la société Wagner auraient subi des pertes considérables dans cette bataille, avec plus de 20.000 tués et 80.000 blessés, d’après des déclarations de la Maison-Blanche du 1er mai dernier. Evgueni Prigojine avait pourtant, auparavant, souligné le manque de munitions et, surtout, la mauvaise coordination avec les forces russes conventionnelles. Il s’en était ainsi plaint publiquement sur ses réseaux sociaux.
Quelle est la situation actuelle ? Personne ne sait réellement si cette annonce sera ou pas confirmée par le commandement ukrainien. Volodymyr Zelensky semble, à demi-mot, ne pas l’exclure, même si le commandement ukrainien démentait, samedi après-midi, avoir évacué toute la ville. Par ailleurs, les succès offensifs locaux des Ukrainiens au sud et au nord de la ville pourraient, à terme, l’encercler et mettre les Russes dans une situation périlleuse. Que cette ville soit prise ou non ne change pas grand-chose sur le terrain. Psychologiquement dans la guerre de l’information que se mènent les deux camps, c’est autre chose. Au moment où le président Zelensky se déplace au sommet du G7 à Hiroshima pour y obtenir notamment des avions, cette nouvelle fait plutôt désordre. Alors que l’Occident attend fébrilement la contre-attaque ukrainienne vantée depuis des mois, il semblerait bien que les milliards de dollars investis ne fussent encore réellement engagés sur le terrain. La perte reconnue par le gouvernement ukrainien de Bakhmout l’obligerait à déclencher cette contre-offensive rapidement, pour ne pas décevoir ses mentors de l’OTAN. C’est ce qu’on appelle, aux échecs, un zugzwang, c’est-à-dire le moment où un joueur oblige l’autre à jouer selon sa propre volonté, tout de suite, au risque de perdre la partie. La guerre est bien un duel, comme l’écrivait Clausewitz, mais cette fois-ci, les Ukrainiens seraient bien en peine de déclencher une quelconque action offensive de grande échelle sans avoir, au préalable, assuré un rapport de force favorable sur le terrain, c’est-à-dire au moins localement 7 contre 1, et surtout un soutien aérien nécessaire mais non suffisant.
Depuis neuf mois, la situation tactique est figée parce qu’aucun camp ne bénéficie d’une suprématie aérienne, même si l’on a bien compris que les Russes posséderaient dix fois plus d’avions que leurs adversaires ukrainiens. Le nombre n’y fait rien, comme l’ont montré certaines guerres israélo-arabes au Moyen-Orient où Israël, avec une aviation plus réduite mais mieux entraînée et mieux coordonnée que ses adversaires, notamment égyptien et syrien, assurait une domination totale des airs avant de lancer ses forces terrestres à la conquête du Sinaï ou du Golan. Certes, l’Ukraine n’est pas le Moyen-Orient, mais les Russes comme les Ukrainiens savent bien que pour gagner la guerre au sol, il faut que les cieux soient libres d’aéronefs ennemis.
Les Ukrainiens ont reçu et sont en train de recevoir des missiles antiaériens, notamment les fameux Patriot, qui leur permettent actuellement de minimiser les pertes humaines et matérielles dans leurs villes toujours sous le feu des missiles russes. Toutefois, ces armements sont purement défensifs et ne permettent pas d’accompagner la progression de chars si on n’a pas, auparavant, éliminé la plupart des avions et drones ennemis. Attaquer au sol sans avoir lancé, auparavant, une campagne aérienne ne sert à rien. Les Russes, échaudés par les débuts de leur opération spéciale qui avaient vu la destruction de leurs hélicoptères, voire de leurs avions par des aéronefs, des missiles ou des drones ukrainiens, hésitent à lancer une telle campagne. La deuxième armée du monde, celle contre qui des générations d’officiers occidentaux avaient combattu fictivement durant leur scolarité dans les écoles de guerre, n’est pas capable de mener une « airland battle » où les forces aériennes interviennent massivement avant de laisser le champ de bataille libre à leurs frères d’armes terriens. Les campagnes d’Irak de 1991 et de 2003 menées par les Américains et certains de leurs alliés occidentaux ont très bien illustré cette réalité aujourd’hui un peu oubliée par nos commentateurs.
Le président Zelensky le sait bien, et c’est pour cela qu’il ne cesse de demander à ses alliés occidentaux des avions de 4e génération* qu’il n’a pas et que ces derniers rechignaient, jusqu’à samedi, à lui fournir. C’est pour cette raison que la livraison des avions promis par les Américains et leurs alliés marquera le début d’une grande offensive ukrainienne, mais pas avant, au risque de voir la guerre s’enliser et encore durer quelques mois, quelques années supplémentaires. De cela personne ne veut, sauf peut-être la Russie qui sait qu’un jour, les citoyens occidentaux pourraient désavouer leurs gouvernants s’ils les conduisaient dans une guerre dont ils ne veulent pas.
Alors, Bakhmout, dans tout cela ? Sans doute une bataille très meurtrière longtemps indécise mais dont la victoire de l’un ou l’autre camp sur le terrain ne marquera pas la fin de la guerre. De cela nous pouvons être sûrs.
* Des avions qui traitent leurs cibles à grande distance grâce, notamment, aux renseignements électromagnétiques dont ils disposent en continu.
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38 commentaires
Les agressés ne sont pas les Ukrainiens mais les Russes du Dombas que les Ukrainiens n’ont cessé de martyriser depuis les accords de Minsk non respectés volontairement sur ordre des US et…des autres signataires. Normal que l’ours se réveille pour protéger ses petits et si certains pays ne s’étaient pas mêlés du conflit, nous n’en serions pas là. Les accords de Minsk respectés, le conflit aurait été réglé. Mais il y a …les US, ennemis jurés des Russes. Maintenant chacun pense ce qu’il veut…
J’avoue très franchement que je ne sais pas, et que je n’ai jamais compris (ou même essayé de comprendre) quels étaient les enjeux, de part et d’autre, de cette longue et infiniment meurtrière bataille de Bakhmout. Mais les questions que je me pose aujourd’hui relèvent d’une arithmétique d’école primaire : d’une part, combien de morts, de blessés, de mutilés qui ne pourront plus jamais marcher, parler, manger normalement, voir, etc, peuvent être comptabilisés tant chez les agressés ukrainiens qu’au sein de la chair à canon poutinienne, rien que dans cette bataille. D’autre part, combien de millions de milliards de n’importe quelle monnaie forte cette guerre (appelons-la plutôt « invasion » causée par un fou criminel lugubre et d’une insensibilité toute mécanique) aura coûté au monde entier qui a fourni (vendu, prêté, donné ?) moyens, armes, munitions, logistique. Le chiffre me semble tellement irréel et monstrueux que je me demande si même nos plus compétents et talentueux économistes mondiaux pourraient seulement l’approcher.
Si les russes avaient employé les méthodes que les américains emploient depuis toujours c’est à dire le bombardement systématique de tous les objectifs civils et militaires, l’ Ukraine aurait capitulé depuis longtemps et Zelinsky aurait déjà été pendu pour crimes de guerre, mais l’ armée russe limite les destructions et c’est tout à son honneur ! Cela explique que cette guerre traine en longueur mais ne vous en faites pas la Grande Russie vaincra parce qu’elle est dans son droit quand elle défend des peuples opprimés par la barbarie ukrainienne depuis 2014 !!! Davaï !!!!
Malgré tout l’armement que l’UE et les US vont fournir à l’Ukraine les russes vont éliminer systématiquement ce matériel et causer des pertes de combattants. La Russie grand pays avec une puissance terrible n’utilise pour l’instant qu’une force minimale pour uniquement protéger le Donbass et le Sud de l’Ukraine, elle n’a pas l’intention d’envahir tout le territoire. Si les US et l’OTAN persistent à intensifier leurs attaques en utilisant le peuple ukrainien la guerre peut prendre une autre tournure. L’Europe pourrait en souffrir cruellement la première. Il faut aussi penser aux alliés puissants de la Russie en cas de conflit plus important.
Cet article très pro ukrainien et donc OTAN a oublié que la stratégie russe est de détruire l armée ukrainienne avec le minimum de perte. La défense aérienne a été détruite même les patriotes usa et les obus enrichi a l uranium fournis ont explosés la semaine dernière créant un nuage radioactif sur l Europe (bombe qu on avait vendus sans risque) . Faudrait alors expliquer pourquoi les ukrainiens se sont acharnés a tenir une ville ayant si peu d intérêt Faire un petit tour sur la presse alternative style stratpol serait utile pour éviter vos contradictions.
Cher Monsieur Hamilcar,
Je crains que vous soyez intoxiqué par la propagande américaine et ses chiffres. C’est normal quand on regarde un peu trop la télé…
Les plus gros dégâts à Bakhmout (à présent renommé Artemovsk, comme avant ) sont du côté de l’armée ukrainienne. Les malheureux appelés ukrainiens de 18 à 60 ans, kidnappés souvent avec brutalité par la milice ukrainienne, ont été envoyés au massacre (on dit meme hachoir en ukraine).
Avec eux, beaucoup d’occidentaux mais chut, on n’en parle pas puisque l’OTAN ne participe pas directement à la guerre.
Quant aux avions F16, je vous invite à apprendre à les piloter, comme vous avez l’air malin, en 4 mois. Ce que propose la publicité américaine.
Qui pensez vous qui sera vraiment aux commandes de ces avions américains ?
En tout cas, si vous vous intéressez à la guerre en Ukraine et si surtout vous avez du temps et du courage, allez faire un tour dans l’Est de l’Ukraine, en particulier dans le Donbass, cela vous donnera une idée de ce que vit la population qui subit les bombardements de son propre pays depuis plus de 8 ans. Avec des victimes TOUS les jours dont on ne parle pas curieusement en Occident.
Attiser la guerre quand on est assis dans son fauteuil, ce n’est pas très joli cher Monsieur. Mais encore une fois, c’est comme à la télé !
Face au sam russe je ne voudrais pas me coucher dans le cockpit d’un f16. Encore un pas dans le mensonge. Où on aide avec des f 24 où on envoie les rogatons genre f16 et autres mirages d’un autre temps
Bon article documenté. Si les USA sont des alliés mais concurrents, et parfois des rivaux dominateurs, aucun doute que la Russie poutinienne et les bandes armées de Wagner en Afrique sont des ennemis de la France.
C’est la France, poussée par les allemands et les US , qui est devenue ennemie de la Russie qui a toujours aimé notre pays. En Afrique les russes ne sont pas des belligérants mais comme toutes les nations elle commerce avec certains pays. La France se fait mal voir à présent par sa faute. Je connais bien l’Afrique.
Bravo à l’armée russe et au président Poutine ..par contre que Zelen voyage dans l’avion français et en compagnie du numéro un ..dérange énormément.
Une nouvelle page de pure propagande occidentaliste à l’heure où plus grand monde à Washington ne croit à la possibilité pour l’Ukraine de lancer une offensive d’envergure et où les néo-cons qui tiennent la main de Biden pressent les Ukrainiens d’en finir une bonne fois pour toutes. Les élections étatsuniennes se profilent à l’horizon et si désastre il doit y avoir, il faut qu’il ait lieu suffisamment rôt pour que l’équipe de Biden ait la possibilité de faire oublier un nouvel échec de la politique folle menée par ce pays malade, le pays du wokisme et de toutes les dérives intellectuelles les plus débiles. La défaite inéluctable de l’Ukraine sera une défaite de l’OTAN, de l’UE et du maître étatsunien, la première étape de la dégringolade d’un empire en déclin.
Ce sont des « victoires » en demi teintes, la réalité, c’est qu’en donnant des armes juste pour prolonger le conflit, mais pas pour faire gagner les Ukrainiens, on fait massacres des gens pour rien. Les seuls qui tirent les marrons du feu avec les doigts des européens ce sont les américains qui ont très bien joué à leur avantage, ce n’est pas une critique, c’est un constat: brouille définitive entre l’Europe de l’est et la Russie qui aurait pu devenir un concurrent des USA, rapprochement des Européens au USA via l’OTAN et risque d’entrainement dans un conflit entre les USA et la chine qui est le vrai problème pour le « leaders chip » économique et militaire des USA qu’ils veulent garder à tout prix.
Ce qui me surprend le plus depuis le début de cette guerre, c’est que les média, qui sont entre les mains d’un lobby très américanophile, ont réussi à force de matraquage de faire perdre de vue QUI a vraiment poussé les Russes à engager cette guerre. Tout est fait pour nous faire oublier que les populations russophones du Dombass ont été bombardées depuis 2014, faisant environ 14 000 morts et que peu de dirigeants, à part ceux des pays « esclaves », auraient résisté aussi longtemps que les Russes avant de porter secours aux leurs .
Mais ce qui reste le plus intéressant, c’est que nombre d’entre nous ne voient pas QUI a retiré le plus grand bénéfice de ce conflit: Une industrie Européenne exengue faute d’énergie abordable, ce qui contraint, entre autres, les constructeurs Allemands à produire aux USA…QUI nous inflige des amendes, QUI a bénéficié de la vente de nos plus beaux fleurons industriels, QUI a mis en place un président dont plus personne ne veut ?
N’est pas plus aveugle que celui qui ne veut pas voir. Ben voyons! Ah nos « amis » allemands, ils n’ont pas fini de nous faire payer les humiliations des deux guerres. Ils ont la rancune tenace…