L’avantage, avec les éléphants lâchés dans les magasins de porcelaine, c’est que l’on ne sait jamais à l’avance ce qu’ils vont renverser. Là, ce sont quelques antiques vieilleries que Donald Trump est en train de faire de voler en éclats, celles du libre-échangisme, principalement. Ainsi le pétulant président vient-il de décider de taxer les importations américaines d’acier de 25 % et celles d’aluminium de 10 %. Ce, de manière unilatérale, sans en référer à ses partenaires commerciaux et même pas à son proche entourage.

Certes, il assure vouloir aussi "faire preuve d’une grande flexibilité", mais seulement "avec ceux qui sont de vrais amis et qui traitent les États-Unis de manière équitable, à la fois dans le commerce et la défense". Les premiers visés ? Les Chinois avant tout, qu’il accuse de mener une guerre commerciale larvée aux États-Unis. Les seconds ? Les pays européens en général, et l’Allemagne en particulier, nations auxquelles il reproche de faire payer leur défense par le contribuable américain tout en pratiquant une politique économique déloyale. Une décision immédiatement dénoncée, sans surprise, par Mario Draghi, président de la Banque centrale européenne, qui propose désormais de taxer en retour nombre de produits américains.

Plus étonnante, en revanche, demeure la démission, le 5 mars dernier, de Gary Cohn, conseiller économique personnel du président américain, qui n’avait manifestement pas compris que le protectionnisme de Donald Trump ne datait pas d’hier : dès 1987, il s’inquiétait déjà d’une Amérique submergée par les produits japonais et les berlines… allemandes.

À croire que sa propre administration, voire son premier cercle, pensait pouvoir le manipuler, que ce soit en matière de politique intérieure ou extérieure. Car cette démission est concomitante de la mise à l’écart de son gendre, le fameux Jared Kushner, époux de sa flamboyante fille Ivanka. Le point commun entre Kushner et Cohn ? L’appartenance plus ou moins officieuse au clan néoconservateur, une vision ultralibérale en matière de mœurs et de commerce mondial, une même conception de la politique de la canonnière et un sionisme tel qu’il ferait presque passer Benyamin Netanyahou pour la réincarnation du défunt Yasser Arafat.

Y a-t-il encore un rapport entre la disgrâce de Jared Kushner et les énièmes déboires judiciaires du Premier ministre israélien, avec lequel il entretient des rapports plus serrés ? Admettons que les hasards du calendrier aient pu aider à la manœuvre. Toujours dans le même registre, le président américain a un autre personnage de premier plan dans le collimateur : le général Kelly, son chef d’état-major particulier, lui aussi représentant éminent de cet « État profond » ayant déclaré une guerre, tantôt ouverte, tantôt souterraine, à Donald Trump dès sa prise de fonction.

C’est aussi à cette lumière qu’il convient d’analyser le retournement trumpien vis-à-vis de la Corée du Nord, assurant désormais vouloir parler avec l’homme de Pyongyang, ce qu’il avait d’ailleurs promis de faire durant sa campagne électorale, avant de faire machine arrière, le temps d’une parenthèse de rodomontades guerrières. Pareillement, il souhaiterait renouer avec la Russie de Vladimir Poutine, tel que prévu naguère dans ses engagements électoraux. On comprend, effectivement, que cela puisse tousser dans « l’État profond » plus haut évoqué…

Car, malgré ses tocades, ses emportements et son comportement plus qu’imprévisible, il est une chose qu’on ne saurait retirer à Donald Trump : un indéniable attachement aux intérêts de son peuple, fut-il parfois brouillon, plutôt qu’à celui des trusts et des multinationales. Nos dirigeants pourraient peut-être s’en inspirer, surtout en cette période où - protectionnisme américain oblige - il serait sûrement temps de penser à celui des Français et des Européens.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 09/01/2020 à 17:42.

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09 mars 2018 à 22:00

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