[Tribune] « L’Ukraine manque terriblement à la puissance russe » (II)

Map_of_Ukraine_political_enwiki

Une seconde observation nous ramène à Valéry. L’histoire couvre le problème ukrainien de ses sédiments contradictoires. Pour les Français peu informés, mais imprégnés de juridisme et soumis à la réduction historique simpliste, l’Ukraine est un État souverain dont l’intégrité est menacée par sa voisine russe, qui l’a déjà violée en Crimée. Vladimir Poutine, ancien officier du KGB, est un dictateur qui utilise la force et cherche à annexer à la Russie des territoires extérieurs peuplés de Russes. Cela ressemble à du déjà-vu : bien sûr, nous sommes en 1938, et Hitler veut réunir les Sudètes à l’Allemagne. C’est Munich ! Poutine ne passera pas !

Seulement, si on se donne la peine de se mettre du côté de la Russie, on se rend vite compte que la lecture de l’Histoire est très différente et pèse sur le présent avec plus de force encore. En 1991, d’août à décembre, les ex-républiques soviétiques proclament leur indépendance. Le 25 décembre, l’URSS cesse d’exister et laisse place à une Communauté d’États indépendants. Certains ne rejoignent pas celle-ci, comme les États baltes qui vont au contraire adhérer à l’Union européenne et à l’OTAN. L’Ukraine reste d’abord proche de la Russie, puis s’en éloigne, une première fois avec l’élection de Viktor Iouchtchenko à la suite de la révolution orange, puis une seconde fois, lorsque le mouvement Euromaïdan renverse le président pro-russe Viktor Ianoukovytch.

Pour la première fois depuis le XVIIe siècle, la Russie se voit privée d’une partie de l’empire conquis par les tsars et consolidé, voire agrandi, par le régime soviétique. Le président Bush (père) avait assuré Gorbatchev que l’OTAN ne s’étendrait pas jusqu’à la frontière russe. Cette promesse verbale n’a pas été tenue et est même niée. Empêtrée dans une transition difficile et mal gérée par Eltsine, la Russie s’est soumise.

Poutine arrive au pouvoir au début du nouveau millénaire et, avec lui, les perspectives changent. C’est un patriote qui n’accepte pas que la Russie ait perdu la « grandeur », comme aurait dit de Gaulle. Et, comme ce dernier, il regarde son pays à travers son Histoire. Trois faits déterminent sa vision du présent : d’abord, la Russie a joué un rôle considérable et chèrement payé en vies humaines dans la victoire sur le nazisme, et on lui arrache non seulement les acquis de cette victoire, mais même ce que les nazis lui avaient déjà volé en 1941-1944. La présence dans les pays baltes comme en Ukraine de collaborateurs zélés du nazisme à l’époque, et la nostalgie qui apparaît chez certains extrémistes ukrainiens aujourd’hui, renforcent ce sentiment d’injustice. En second lieu, si les Baltes ont une identité propre qui s’est maintenue pendant la domination russe, les Ukrainiens sont de proches parents des Russes, leurs ancêtres avec la Rus’ de Kiev, leurs frères par la culture et la religion. Enfin, l’Ukraine est un pays vaste et peuplé qui manque terriblement à la puissance russe et qu’il est insupportable de voir passer à l’« ennemi ». Pour les nationalistes ukrainiens, très puissants en Galicie, qui n’a été russe que tardivement après la Seconde Guerre mondiale, après avoir été polonaise puis austro-hongroise, où l’église catholique est bien implantée, l’histoire est celle des occupations et des répressions russes, celle de l’Holodomor, ce génocide par la famine commis par Staline sur les paysans du « grenier à blé » de la Russie. C’est aussi Tchernobyl, ce désastre en Ukraine dû à l’incurie soviétique.

Il appartenait à la France et aux Européens de dissiper ces nuages de l’Histoire afin de trouver un compromis : une Ukraine indépendante, fédérale, neutre et servant de lien entre la Russie et l’Europe aux intérêts complémentaires avec l’énergie à l’Est et le besoin d’énergie à l’Ouest. Mais un intrus, depuis trente ans, a systématiquement soufflé sur les braises cachant son impérialisme sous les couleurs de la démocratie et des droits de l’homme. Il s’agit des États-Unis, devenus les fauteurs de guerre de la planète.

Christian Vanneste
Christian Vanneste
Homme politique - Ancien député UMP, Président du Rassemblement pour la France, Président de La Droite Libre

Vos commentaires

45 commentaires

  1. monsieur Vanneste , j’ai relu votre billet et je l’avais mal compris ; je suis d’accord sur l’essentiel ; excusez moi .

  2. monsieur Vanneste , que diriez vous si les Russes installaient des bases aériennes avec missiles à la frontière Suisse ?

  3. Absurdité de Monsieur Macron et de ses amis mondialistes.
    Aprés avoir dit que l’OTAN était en coma dépassé, il se soumet aux décisions Américaines qui passent par L’OTAN. Après la gifle des sous marins Australiens, L’équipe Macron en redemande. Et c’est encore nous qui allons payer la casse des sanctions stupides décidées dont les Russes rigolent.
    Une fois de plus, on se tire une balle dans le pied!
    Un désastre!
    A.Lerte

  4. monsieur Vanneste , pitié ….ce sont les US qui sont responsables de la situation avec l’extention de l’OTAN toujours plus à l’est , l’otan qui est présenté comme un système de défense …( rire ) et qui a attaqué la Lybie et la Serbie ….les yankees en tête bien sûr….qu’un homme politique comme vous soit victime de la propagande amerlock relayée par les toutous politico-médiatique européen est pitoyable , ces amerlocks qui dictent la politique étrangère à tout le continent européen …

  5. Rien à rajouter. Tout est dit. Les US à l’origine de l’indépendance de l’Ukraine avec les accords de Minsk qui ne seraient jamais respectés et donneraient aux US le droit d’intervenir en cas de contestation de la Russie. Depuis longtemps, tous les pions sont positionnés sur le grand échiquier international, mais au jeu d’échec, c’est Poutine le plus fort, et nous, les dindons de la farce!

  6. « Le président Bush (père) avait assuré Gorbatchev que l’OTAN ne s’étendrait pas jusqu’à la frontière russe. Cette promesse verbale n’a pas été tenue et est même niée. »

    Faux, le magazine allemand confirme, en effet, les accusations de la Russie concernant l’élargissement de l’OTAN vers l’est en violation d’un accord datant d’après la chute du mur de Berlin. Un document écrit, de 1991, prouvant un accord sur le non-élargissement de l’OTAN vers l’est, a été trouvé dans les archives britanniques.

  7. C’est bien la guerre de la Loge extrême mondialiste expansionniste guidée par les USA de Biden contre les Orthodoxes Russes qui ne veulent pas disparaître, happée, dissoute, par cette grande machine qui agit subrepticement, sournoisement, afin d’un grand remplacement, assurant leur hégémonie la plus étendue sur la Planète…

Commentaires fermés.

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois