En avril dernier, Ursula von der Leyen s’était rendue en Ukraine pour remettre à Volodymir Zelensky le volumineux dossier de candidature à l’adhésion à l’Union européenne. De nouveau à Kiev, le 11 juin dernier, elle a déclaré « Nous voulons soutenir l’Ukraine dans son parcours européen » et indiqué que les échanges qu’elle avait eus devaient permettre de « finaliser » l’évaluation de la Commission. Sans que l’on sache qui a mandaté la présidente de la Commission pour entreprendre ces démarches. La décision d’accepter ou non le statut de candidat à l’adhésion appartient au Conseil de l’Union européenne, qui doit statuer à l’unanimité des 27 États membres, nullement à la Commission qui doit être consultée mais ne devrait avoir qu’un rôle technique. Cette décision doit être approuvée par le Conseil européen qui rassemble les chefs d’État et de gouvernement et par le Parlement européen (art. 49 du traité sur l’Union européenne). Une fois encore, Mme von der Leyen prétend jouer le rôle de chef de gouvernement !

À sa suite, le jeudi 16, à Kiev, l’Allemagne, la France, l’Italie et la Roumanie se sont déclarées favorables à l’octroi du « statut immédiat de candidat ». Pour ne pas perdre la priorité ou la face, la Commission a recommandé, le jour suivant, d’accorder le statut de candidat non seulement à l’Ukraine mais encore à la Moldavie, sortant encore une fois du rôle accordé par les traités. Il demeure que cette suggestion faite par quatre États européens doit être acceptée par les vingt-trois autres. Or, le Danemark, l’Espagne, la Finlande, les Pays-Bas, le Portugal et la Suède n’y sont pas favorables. Notamment parce que l’Ukraine est sans doute le pays le plus corrompu d’Europe et que les souvenirs de l’adhésion rapide de la Bulgarie et de la Roumanie sans que cette question n'ait été totalement réglée a laissé de mauvais souvenirs.

La proposition est symbolique, car la procédure d’adhésion s’étend sur des années, voire des décennies. Derrière la volonté de se donner le beau rôle se cache donc un certain cynisme. Mais c’est une tentative de forcer la main aux États membres réticents, sur fond d’exploitation émotionnelle de l’opinion publique. Ce qui risque fort d’exaspérer les chancelleries desdits États.

En outre, cette proposition risque de susciter d’autres « vocations », par exemple de la Géorgie, et d’accroître l’impatience des cinq pays officiellement candidats : l’Albanie, la Macédoine du Nord, le Monténégro, la Serbie et la Turquie. Sans omettre la Bosnie-Herzégovine dont la candidature n’a pas été acceptée, voire le Kosovo, qui serait potentiellement candidat mais qui n’est pas reconnu par certains États membres (Chypre, Grèce, Espagne, Roumanie et Slovaquie) pas plus que par l’ONU.

En politique étrangère, il est sage d’éviter de tomber dans des postures symboliques et émotionnelles dont les conséquences concrètes peuvent être calamiteuses sur le plan diplomatique, voire militaire. Outre le fait que les Ukrainiens eux-mêmes risquent fort d’être déçus par l’inévitable longueur des négociations.

Vladimir Poutine, quant à lui, a déclaré le 17 juin, à propos de cette candidature à l’UE : « Nous n’avons rien contre, c’est leur décision d’adhérer à des unions économiques ou pas… c’est leur affaire, l’affaire du peuple ukrainien. » Déclaration un peu surréaliste et assez méprisante pour l’Union européenn rabaissée à une simple union économique parmi d’autres. En fait, cette éventuelle adhésion risque de pousser la Russie à obtenir les gains territoriaux les plus importants possibles, ce qui n’est pas vraiment l’intérêt de l’Ukraine. Mais la plupart des initiatives de l’Union européenne semblent imaginées pour retarder le règlement du conflit.

Comme toujours en matière d’adhésion à l’Union européenne se posent les questions auxquelles il n’est jamais donné de réponses : jusqu’où peut-elle s’étendre et quelle est son identité ? Quel est son principe d’unité ? L’article 49 du traité sur l’Union européenne dispose que tout État européen peut demander à devenir membre de l’Union, mais les limites géographiques de l’Europe n’ont jamais été définies, le cas de la Turquie étant emblématique à cet égard. Il ajoute la condition du respect des valeurs « de l’Union » (liberté, démocratie, droits de l’homme, libertés fondamentales, État de droit). Mais celles-ci sont tout aussi bien celles du Royaume-Uni, des États-Unis, du Chili ou de la Nouvelle-Zélande. Le Conseil européen de Copenhague de 1993, puis celui de Madrid de 1995, des critères techniques, tels l’acquis communautaire ou la faculté d’absorption des nouveaux venus par l’Union européen, mais rien qui donne une âme, un sens, une idée de civilisation propre.

Les titres des directives ou règlements les plus récents ne mentionnent même plus l’Union « européenne ». Il s’agit de « l’Union », un peu comme l’Union des républiques socialistes soviétiques avait évacué la Russie. Cette « Union » est devenue, avec le temps, une machine idéologique sans références historiques, civilisationnelles, géographiques. Détachée des réalités nationales, elle joue avec le feu dans un jeu géopolitique qu’elle ne peut maîtriser puisqu’elle n’a ni armée, ni diplomatie réelle, ni même profondeur historique. À force de vouloir sans cesse s’étendre, elle finira comme la grenouille de la fable qui voulait se faire grosse comme le bœuf. Mais faut-il le regretter ?

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19 juin 2022 à 9:45

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8 commentaires

  1. Zelensky (qui n’est pas de la dernière pluie) doit évidemment apprécier à sa valeur exacte le discours de cette pseudo ambassadrice de l’ U.E ….(?)

  2. En voilà une qui nous mène dans le mur , le plus tôt sera le mieux , elle s’attribue des pouvoirs et compétences qu’elle n’a pas puisque non élue mais nommée , tout cela dans l’indifférence générale des états qui composent cet assemblage bancale .

  3. SUITE:
    En plus, les Allemands n’ont pas été corrects en achetant des avions Américains, alors que nous les avons aidé à remettre leur industrie aéronautique avec AIRBUS et EUROFIGTHER

  4. Comme d’habitude, nos ennemis héréditaires « LES ANGLO-AMERICAINS » continuent à foutre la merde! et avec la complicité de DER LAYEN. Ainsi, ils ont fait rentrer la TURQUIE dans l’OTAN, puis ils ont proposé à l’UKRAINE d’y rentrer et de rejoindre l’EUROPE, ce qui a déclenché la colère du fou de MOSCOU. L’EUROPE ferait mieux de créer sa défense commune. On ferait bien aussi de reprendre les conseils du livre de V.G.E qui conseillait une EUROPE à plusieurs vitesses.

  5. Cette dame se prend pour une chef de gouvernement alors qu’elle n’a pas été élue ….

  6. Comment s’opposer aux délires de la Commission et de sa Présidente qui semble être en roue libre depuis plusieurs années ?

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