[Tribune] 49.3, naufrage de la Macronie ou de la République ?

naufrage

Le mercredi 15 mars, Olivier Véran avait indiqué que « l’hypothèse du 49.3 n’a[vait] pas été évoquée en Conseil des ministres ». Nous avons vu ce qu’il en était. À la vérité, le personnage nous avait habitués, durant la crise sanitaire, à annoncer systématiquement le contraire de ce que le gouvernement allait décider quelques jours plus tard.

Devant le risque de rejet du projet de loi, le Président a décidé de recourir à l’article 49.3 de la Constitution. Ce choix de faiblesse nous a valu un invraisemblable spectacle dans l’Hémicycle. Les députés de la NUPES, nostalgiques de la Révolution française, semblaient vouloir rejouer l’hystérie des assemblées de 1793. Cris, panneaux brandis, « Marseillaise » entonnée avec le poing levé comme pour nous faire souvenir des origines révolutionnaires de cet hymne. Mme Borne, le regard sombre, était contrainte de hurler pour tenter de couvrir le vacarme. Triste symbole d’une République malade. À la vérité, seule Marine Le Pen a tenu des propos sensés et cohérents. Un projet de loi avait été discuté, une mouture était sortie de la commission mixte paritaire, il appartenait à la représentation nationale, qui, faut-il le rappeler, représente le peuple souverain, de se prononcer. Par un vote favorable ou défavorable. En lui déniant le droit de se prononcer directement sur le texte, le Président a décidé d’escamoter le rôle essentiel des députés. Quoi qu’on puisse dire sur la légalité constitutionnelle du procédé, il ne s’agit pas moins d’une forme de déni de démocratie.

Deux motions de censure ont été déposées. Là encore, leur issue dépendra d’élus LR empêtrés dans leurs contradictions. Tandis que les syndicats ne relâchent pas la pression et que l’extrême gauche sème le désordre et le chaos à Paris et dans les grandes villes françaises. Plus inquiétant encore, la colère et l’exaspération des Français sont comme palpables. Il se répand une véritable haine, gênante à dire vrai, contre la personne d’Emmanuel Macron qui, et c’est un euphémisme, n’a pas fait grand-chose pour se faire aimer. Et pourtant, les Français viennent de le réélire avec 58,55 % des suffrages ! Alors même que la réforme des retraites figurait dans son programme.

Tout cela est le signe inquiétant du malaise démocratique dans lequel s’enfonce notre pays. Depuis des décennies, l’oligarchie administrative, politique et entrepreneuriale qui dirige non seulement la France mais encore l’Union européenne et le monde occidental, non seulement s’est éloignée des peuples, mais encore s’en méfie. Elle a même inventé le mot « populisme » pour stigmatiser les formations politiques qui s’en soucient encore.

Après le rejet par référendum du projet de Constitution pour l’Europe en 2005, l’adoption du traité de Lisbonne, très similaire dans ses dispositions, par voie parlementaire trois ans plus tard (février 2008) ancra dans les esprits que même lorsque le peuple rejetait un texte par voie référendaire, l’oligarchie mondialisée n’en avait cure. Le Conseil européen, lorsqu’il avait adopté le projet de traité à Lisbonne en décembre 2007, avait recommandé une ratification parlementaire du traité. On ne saurait trop se méfier ! Peu à peu s’est donc diffusé le sentiment que la volonté populaire ne comptait pour rien. Ce qui a encouragé une montée régulière de l’abstention lors des scrutins, comme si les citoyens désertaient l’expression traditionnelle de la vie démocratique qu’est le vote, puisqu'en fin de compte, il était sans effet.

Ce sentiment a été renforcé par les abandons de souveraineté consentis par la France au profit de l’Union européenne. Pour ce qui concerne le cas précis des régimes de retraite, la Commission européenne, en mai 2018, avait explicitement demandé à la France de réformer son système de retraite afin, notamment, de contribuer à « atténuer les risques qui pèsent sur la soutenabilité des finances publiques à moyen terme ». Dans ses recommandations de 2022, le Conseil de l’Union européenne avait, lui aussi, préconisé une réforme de notre système de retraite caractérisé par un « un âge effectif de la retraite relativement précoce (environ 62 ans) et un nombre élevé de bénéficiaires de pensions par rapport à la population totale ». M. Macron, qui se veut le bon élève de la classe européenne, a troussé un projet en dépit du bon sens et les Français ont bien perçu qu’ils n’étaient plus maîtres chez eux. Ce que les eurocrates nomment « souveraineté partagée » n’est qu’abandon de souveraineté, c’est-à-dire de liberté.

La démocratie française est malade parce que les citoyens n’y croient plus. Les manœuvres de la nomenklatura qui nous dirige, son éloignement des préoccupations réelles des gens, ont rompu le lien de confiance entre les Français et leurs représentants, prisonniers de systèmes absurdes qu’ils ont eux-mêmes mis en place. Ce n’est pas d’une révolution, que nous avons besoin, mais d’une réaction profonde contre un système de pensée et de gouvernement qui nous conduit au naufrage.

Stéphane Buffetaut
Stéphane Buffetaut
Chroniqueur à BV, élu de Vendée, ancien député européen

Vos commentaires

32 commentaires

  1. « Le Radeau de la Méduse ». Vous connaissez le tableau et l’histoire? au titre de votre article, je répondrais : « Les deux mon général!.

  2. Ce n’est même plus le naufrage du Titanic, c’est le naufrage du radeau de la méduse auquel nous assistons…médusés !

  3. Bonne analyse, cependant une profonde réaction ne peut se faire être proportionnelle à la profondeur du mépris des élites face aux gens qui ne sont rien…

  4. Et « en même temps » ce dont les Médias n’ont pas parlé en boucle, pourtant très important au delà d’un 49.3 utilisé plus de cent fois, le F.M.I. a fermé la « Planche à Billets » pour la France de la Macronie……Le « quoi qu’il en coûte » en principe c’est fini. La France de Macron commence à être sous contrôle, comme la Grèce il y a 20 ans….Magnifique pour celles et ceux qui se disent les « Progressistes » ! ! ! ! Black Rock U.S. doit être content. La France à genoux sur la carpette….et l’on entend sur les Médias que l’on va devoir faire des économies d’énergie ! ! ! C’est un confinement permanent qui s’annonce…

  5. 49.3, naufrage de la Macronie ou de la République ?
    Je parlerais plutôt du naufrage de nos institutions, du naufrage de la démocratie.
    Le gouvernement peut voter avec le 49.3, les français peuvent voter en cas de référendum que le Conseil Constitutionnel (présidé par Fabius ce qui en dit long) pourrait en faire fi et balayer d’un battement de cil les résultats ainsi obtenus.
    Français, nous pourrions être, même à une forte majorité, déboutés.

  6. Sortir de cette europe néfaste serait une première étape au rétablissement de la confiance perdue en 2008 on nous a voler notre parole avec le traité de Lisbonne alors que le peuple par voie référendaires avait dit non au traité de Maastricht qui est en fait un copier collé .

  7. Le naufrage total simplifierait les choses ,et le pays serait assaini …c,est une grande nécessité.

  8. Il est surtout temps de penser un autre type de société qui aurait pour première mission de reconnaître la dimension humaine, sans pour autant oublier de récompenser le mérite. Chasser les tricheurs où qu’ils soient. Penser à une sixième république…

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