Tour de vis pour les chômeurs

800px-Pole emploi chomage

Le mouvement des gilets jaunes est en fort recul, aussi le gouvernement montre-t-il à nouveau les dents et reprend-il le bâton après avoir dû distribuer des carottes. Pour éviter de trop provoquer, il s’attaque aux chômeurs car, paraît-il, 80 % des Français veulent qu’on serre la vis aux demandeurs d’emploi. Voilà, pour le pouvoir, un bon moyen de se montrer sévère tout en prenant une mesure populaire. Les sanctions seront bien plus dures que celles qui étaient annoncées il y a deux mois. Il faut, en effet, faire des économies, car M. Macron avait promis dans sa campagne électorale d’étendre le droit aux ASSEDIC aux salariés démissionnaires et aux libéraux. Pour finir, cette promesse a été rognée aux trois quarts et, au mieux, elle ne générera que 60.000 nouveaux allocataires. Il faut, néanmoins, la financer, d’autant plus que les ASSEDIC sont encore déficitaires et traînent une dette supérieure à 34 milliards d’euros. Pourtant, la réforme adoptée à la fin de 2017 a permis de redresser la barre.

Désormais, si un chômeur ne se rend pas à un rendez-vous à Pôle emploi, il pourra être sanctionné par un mois de suspension de ses allocations. C’est une peine moins sévère que dans l’ancien système (on risquait deux mois !).

Toutes les autres sanctions ont été alourdies. Si, entre deux rendez-vous, le chômeur n’a pas mis assez d’ardeur à chercher un emploi, le conseiller pourra supprimer pour un mois les allocations à la première infraction, deux mois à la seconde et quatre mois à la troisième. Autrefois, Pôle emploi ne pouvait que suspendre, seul le préfet avait le droit de réduire les allocations. Maintenant, les conseillers chargés d’encadrer les chômeurs seront tout-puissants. Pour prouver sa bonne foi, l’allocataire devra apporter des copies des lettres et des e-mails envoyés. Il ne devra pas avoir postulé pour des emplois qu’il savait d’avance hors de sa portée.

Si un chômeur refuse deux offres transmises par Pôle emploi, il sera radié. Jusque-là, les contraintes géographiques jouaient peu, mais la nature du contrat (CDD, CDI) et surtout le montant de la rémunération étaient pris en compte. Vous pouviez refuser d’être payé au SMIC si vous gagniez 6.000 €. Désormais, le chômeur devra accepter ce qu’on lui propose, même en CDI, même en CDD, voire en temps partiel, même payé avec un lance-pierre. Et aussi hors de son champ de compétence, sous prétexte que la formation professionnelle existe. Sans verser dans la caricature, si vous étiez cadre dirigeant d’une entreprise et si vous refusez un poste de plongeur dans un restaurant de 18 h à 2 h du matin, vous ne toucherez plus rien des ASSEDIC ! Comme l’a clamé M. Macron, il suffira désormais de traverser la rue pour trouver un emploi.

Les chômeurs qui vont se ressourcer sur les plages de la Dominique existent, mais ils sont marginaux. En revanche, nous connaissons tous quelqu’un qui passe par des boîtes d’intérim, reste chez lui le plus possible, travaille au noir et ne prend un CDD que lorsqu’il doit recharger ses droits. Ce comportement est nuisible et il faut l’éradiquer. Pôle emploi considère que 12 % des chômeurs sont dans cette configuration, les syndicats parlent de 0,4 %. Je crois que 12 % est plus proche de la réalité, mais dans ce chiffre, on trouve beaucoup de personnes déprimées et découragées. Le tour de vis va sans doute ramener des « fainéants » sur le marché de l’emploi, mais il fera aussi beaucoup de dégâts collatéraux.

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

Pour ne rien rater

Les plus lus du jour

L'intervention média

Les plus lus de la semaine

Les plus lus du mois