Ceux qui rêveraient de supprimer l’élevage

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Cet article vous avait peut-être échappé. Nous vous proposons de le lire ou de le relire.
Cet article a été publié le 08/11/2022.

Les racines de la France sont profondément paysannes. Quel Français « de souche » n'a pas des paysans (laboureurs ou gens de labeur, comme on disait avant la Révolution, cultivateurs par la suite, puis agriculteurs) dans ses ancêtres ? Mais aujourd'hui, au nom du sauvetage de la planète, il faudrait réduire, voire supprimer, tout un pan de notre agriculture française : l'élevage bovin. On ne pensait pas l'éleveur français si nuisible à l'humanité. Eh si, à écouter certains ! 

Plus lourdement coupable que le péquenot « fumeur de clope qui roule en diesel », le paysan français est la nouvelle cible des activistes écologistes. Selon l'association CITEPA [Centre interprofessionnel technique d'études de la pollution atmosphérique, NDLR], qui évalue l'impact des activités humaines sur le climat, l'agriculture française serait en effet responsable d'environ 19 % des émissions de gaz à effet de serre. « Principales accusées : les productions de viande bovine et de lait », qui libèrent des gaz bien plus puissants que le monoxyde de carbone du fait « des pets et des rots des ruminants, la décomposition de leurs excréments et l'usage d'engrais » (Futura). Un péché mortel qui, pour certains, justifie toutes les dégradations, les intrusions et les « agribashing ».

D'où cette idée qui a germé dans le cerveau d'un certain Valéry Schollaert, sans doute sous le coup de l'annonce angoissante du patron de l'ONU à la COP27 évoquant « ce grand suicide collectif » en cas d'inaction climatique : « Si on supprime l'élevage, on récupère assez d'espace pour laisser la nature reprendre ses droits et ainsi résorber le réchauffement climatique. »

On ne pensait pas le paysan français si nuisible à l'humanité. Pas toujours honni, faut-il le souligner, encensé même à l'époque du confinement par une population tenaillée par l'angoisse de manquer de nourriture. Mais appartenant à une espèce en voie de disparition puisqu'en trente ans, cette France-là a perdu plus de la moitié de ses exploitations agricoles, que 200 fermes sont rayées de la ruralité chaque semaine et qu'un agriculteur sur deux ignore s'il aura un successeur. Mais désormais martyr des temps modernes désigné souffre-douleur des écolos anxieux.

Qui utilisent la même rhétorique pour convaincre ces 39 % des jeunes de 16 à 25 ans hésitant à procréer au nom de la sauvegarde de leur planète (enquête publiée en 2021 par The Lancet). « Nous sommes officiellement 8 milliards d’humains sur Terre et la population va continuer à augmenter », titre le magazine Futura ; cette croissance de la population est bien « un des moteurs majeurs de la hausse des émissions de gaz à effet de serre », prévient le GIEC. Des annonces apocalyptiques pour un futur en friche, une biodiversité en déséquilibre, un monde de vieillards et une civilisation prête à disparaître. Si bien décrit par Jean-Paul Pelras, journaliste et agriculteur (L'Agri, 8 novembre 2022) : « Imaginons une France sans paysans car, désabusés, ils auraient décidé de rendre une bonne fois pour toute la clé des champs [...]. Nous verrions alors de quoi sont capables ceux qui pour l'instant se posent en donneurs de leçons quand ils devront nourrir les populations, juguler les incendies et les inondations, contenir les prédateurs, les espèces invasives, surveiller les friches où le gibier va proliférer, où les trafics en tout genre er les décharges sauvages vont de développer. »

Plus grave : derrière ces postures idéologiques et faussement généreuses, c'est encore une fois la France qui se fracture ; « ce fossé énorme entre nous et les citadins », selon les mots de Cédric Viallemonteil, agriculteur « communiquant » dont la vidéo est devenue virale sur Twitter après le suicide de l'un des siens, et qui s'exprimait au micro de Sud Radio. « Ils ne se rendent pas compte de tous nos sacrifices pour les nourrir, toutes ces critiques de gens qui ne sont rien, on ne les supporte plus, la politique me dégoûte. » Inquiétant et désespéré coup de gueule de ceux qui ne comptent pas pour les militants écolos, révélateur d'une désormais totale déconnexion entre ces deux morceaux de pays qui ne se connaissent plus.

À cause d'une idéologie dont on commence à entrevoir la force. Mais qu'on peut mesurer à l'aune de l'Histoire. Il y a 90 ans, en Ukraine, une autre idéologie était à l'œuvre. Décidée à supprimer en l'affamant une paysannerie devenue inapte à servir un régime communiste. C'était l'Holodomor, nous étions en 1933, la terreur stalinienne battait son plein.

Cet article a été mis à jour pour la dernière fois le 28/08/2023 à 11:17.
Sabine de Villeroché
Sabine de Villeroché
Journaliste à BV, ancienne avocate au barreau de Paris

Vos commentaires

51 commentaires

  1. Plutôt que d’envisager de supprimer les ELEVAGES, on devrait commencer par supprimer les ECOLOS puisque inutiles et coûteux pour un pays aussi ENDETTE que le notre.

  2. Où pourrait-on déporter ces talibans écologistes. En Afghanistan ! Le climat y est rude et la nourriture s’y mérite par un travail physique. Je propose: un Afghan reçu en France contre deux écologistes envoyés chez les vrais talibans pour rééducation agronomique et plus si affinité

  3. Et les hommes sont sûrement aussi polluants sinon plus que nos honorables mammifères si l’on continue sur la base de cette argumentation absurde ! Surtout si l’on calcule le nombre d’humains sur Terre…Quelle c……..ie ! Qu’ils laissent les paysans tranquilles : on a besoin d’eux , ce n’est pas la viande synthétique (quelle horreur) qui va nous nourrir correctement !

  4. L’écologie est aussi, objectivement dans certaines de ses formes, du terrorisme, quoique du terrorisme soft puisque projeté dans le temps. C’est une idée fallacieuse et spécieuse que de prétendre qu’en supprimant l’élevage la nature reprendrait ses droits, comme si on pouvait refaire le chemin à l’envers !
    Il n’en reste pas moins qu’une certaine éthique appliquée à l’élevage ne me parait pas une hérésie, le minimum qu’on puisse demander c’est que des animaux qui auront le « privilège » de finir dans nos assiettes soient bien traités durant leur courte vie.

  5. La majorité des troupes écologistes est composé de militants, dont beaucoup sont hyperactifs, mais qui n’ont pour toute base de réflexion personnelle élargie et cohérente que la répétition et l’exécution des mots d’ordre lancés par la doxa mondialiste !
    Cela se nomme « psittacisme » et cela fonctionne merveilleusement bien en dépit du nombre et de la qualité des diplômes de toutes natures accumulés par certains écologistes et non des moindres
    Or, paradoxalement, la doxa mondialiste qui pilote de loin les mouvements écologistes pilote dans le même temps le gros des troupes du capitalisme financiarisé ; c’est-à-dire ceux-là mêmes qui ne se soucient de la pollution que dans la stricte mesure de sa rentabilité et qui en encaissent les profits !

  6. C’est curieux de ne plus vouloir faire d’enfants, et en même temps de ne surtout pas vouloir empêcher la population africaine de proliférer.

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