L’interview de Bruno Le Maire par Sonia Mabrouk sur Europe 1, le 18 octobre, a fait « le buzz », comme on dit dans le jargon des réseaux sociaux. Autrement dit, elle a suscité beaucoup de réactions. Lors de l’interview, elle demande au ministre s’il partage le diagnostic d’Éric Zemmour ou si « tout est faux dans ce qu’il dit ». Il lui répond qu’il est en opposition frontale avec lui. Elle, du tac au tac : « vous ne voyez pas la réalité, alors ? »

Tel est l’objet du délit. Maxime Darquier et Thomas Snégaroff, deux journalistes du service public (France Inter, France 5 TV, France Info) s’en offusquent grandement. « Hallucinant », tweete même l’un d’eux. Elle leur répond, toujours sur Twitter : « Je vous enjoins de balayer d’abord devant votre porte pour représenter toutes les opinions #MaRedevance » et leur poste son entretien avec Éric Zemmour avec qui elle ne fut d’aucune complaisance, concluant, un brin malicieuse : « Attention, ces images peuvent vous choquer. »

Que s’est-il passé pendant cette interview de Bruno Le Maire ? Pendant de longues minutes, le ministre de l’Économie, par un discours parfaitement rodé et une dialectique implacable, s’est accordé une série de satisfecit sur son action au gouvernement, l’état de l’économie de la France, le chômage, la volonté d’Emmanuel Macron de réindustrialiser la France. Tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, ce gouvernement est une équipe de champions. Et cela aurait pu tourner à une séquence de publi-information, comme c’est si souvent le cas, si Sonia Mabrouk n’avait voulu rompre le sortilège. Il est vrai que la journaliste est reconnue pour sa pugnacité et sa capacité à forcer ses invités à adopter, souvent malgré eux, un langage de vérité ou, au moins, de sincérité et, ainsi, capter l’attention de l’auditeur. Elle fréquente et invite les décideurs, politiques, économiques et ils se pressent chez elle sachant parfaitement qu’ils seront bousculés mais qu’ils sauront peut-être aussi séduire les auditeurs.

La fausse question que posent les internautes est celle de la partialité, ou non, de la journaliste. La vraie question à se poser est plutôt celle du pluralisme de la presse française dont la connivence, voire la collusion, avec le pouvoir politique est une réalité : régime de subventions à la presse écrite, audiovisuel public financé par la redevance. Depuis longtemps, et ce n’est un secret pour personne, la gauche « culturelle » a préempté la presse : les écoles de journalisme votent à gauche, les journalistes sont les prescripteurs de l’agenda culturel et sociétal de la société française. Ils en étaient les seuls maîtres jusqu’à l’irruption des réseaux sociaux et jusqu’à l’apparition et la mise en avant de journalistes différents, rétifs à la doxa dominante et qui trouvent à s’exprimer sur des chaînes et dans des radios privées. On retrouve, peu à peu, cette exception française qu’est la culture du débat et de la conversation civique.

Pour la gauche, le problème est là, et les récents dérapages du Monde, de Libé ou d’« intellectuels » comme BHL montrent qu’il y a un début de panique à bord. Serait-ce la fin du temps béni de l’entre-soi ?

Comme le dit l’excellent Mathieu Bock-Coté : « La gauche a été si longtemps dominante qu’il lui suffit de se voir contestée pour se croire assiégée, et la droite a été si longtemps dominée qu’il lui suffit d’être entendue pour se croire dominante. Double quiproquo. Ce qui fait que, lorsque la gauche voit apparaitre une figure, deux figures, trois figures qui la contestent, c’est la panique : comment peut-on véritablement entendre autre chose que l’écho de nos propres idées ? »

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19 octobre 2021 à 21:08

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