Séparatisme : après la Catalogne, la Nouvelle-Calédonie ?
Après la récente corrida catalane, là où on ne savait plus trop bien qui du taureau ou du torero chargeait l’autre, la question indépendantiste est plus que jamais d’actualité de ce côté des Pyrénées, pour la Nouvelle-Calédonie de l’autre côté du globe.
Autonomie renforcée ou indépendance pure et simple ? La question est d’autant plus délicate à poser que l’on ne sait pas trop bien en quels termes la poser. Ainsi, voilà près de quinze ans que cette autre question se pose : qui doit voter ? Les Kanaks, originaires de l’île ? Les Caldoches, Européens s’y étant établis sur le tard ? Et quid d’autres minorités ? D’où établissement de listes multiples tenant compte des origines ethniques de tels ou tels. Soit tout ce qui est interdit en métropole.
À l’heure où un référendum doit se tenir en novembre 2018, un autre devrait également avoir lieu en décembre prochain dans une autre île, la Corse. Là encore se posera encore cette même question : qui aura le droit de voter ? Les Corses vivant en Corse ? Les continentaux vivant en Corse ? Les Corses vivant sur le continent ? Et quid de ceux vivant à cheval sur ces deux terres censées ne former pour l’instant qu’une seule nation au sein d’une république une et indivisible ?
Pour ce qui est du destin de la Nouvelle-Calédonie, Annick Girardin, ministre de l’Outre-mer, assure : "Le rôle de l’État est de faire en sorte que les conditions du dialogue soient les meilleures possibles pour que l’on arrive à une organisation du référendum qui fasse consensus", ce qui ne mange pas de pain. Quant à l’Île de beauté, Jean-Guy Talamoni, figure du nationalisme local, précise : "Nous ne sommes pas dans un processus d’indépendance qui serait, pour le moment, voué à l’échec, car la Corse n’a pas atteint un niveau économique et institutionnel suffisant. Ce n’est donc pas le sujet." Nous voilà bien avancés.
Plus sérieusement, rappelons que c’est grâce à ces confettis de l’ancien Empire que la France possède le deuxième espace maritime au monde, façon de rappeler que nous sommes, toujours et malgré tout, une puissance d’envergure planétaire. Tout aussi sérieusement, nul besoin de rappeler que les relations entre la mère patrie et ses lointaines filiales n’ont jamais cessé d’être complexes du fait, à l’exception de la Corse, d’une histoire marquée du sceau de l’esclavage, de l’exportation forcée en ces contrées de populations parfois rugueuses, entre bagnards, prisonniers politiques et autres rebuts sociaux. À ces spécificités s’en ajoute une autre, dans le cas de la Nouvelle-Calédonie : les mines de nickel.
De même, à l’exception de la Corse, encore une fois, l’organisation sociale de ces îles obéit à une ancestrale logique oligarchique, la vie politique, économique et sociale y étant généralement régentée par quelques familles de colons européens. Il n’y a jamais véritablement eu partage, et quand partage il y eut, il fut le plus souvent inique.
Il y a là le fait d’une certaine hypocrisie républicaine voulant que tous les citoyens soient égaux, alors que là-bas, certains le sont plus que d’autres. Du temps de l’Ancien Régime, les choses étaient plus simples, chacun étant sujet du roi, lequel respectait les spécificités de chacun. En Nouvelle-Calédonie, les accords de Nouméa, signés en 1988 par Michel Rocard, Premier ministre de l’époque, pour décriés qu’ils aient pu être, n’étaient finalement pas un mauvais texte, garantissant à peu près les droits de toutes les communautés en présence. L’avenir dira bientôt s’ils en ont encore un.
Manuel Valls vient d’être chargé du dossier par Emmanuel Macron. Un os à ronger pour celui qui travailla jadis au cabinet du même Rocard, lors de la signature de ces mêmes accords ? Plus que probable. En espérant seulement qu’à Nouméa, il sache garder ses nerfs - pour une fois. Et à condition de ne pas non plus tomber dans ces deux positions antagonistes que sont l’anticolonialisme systématique et l’autre, tout aussi simpliste, voulant qu’il n’y ait pas de problème qu’un bon coup de pied au cul ne saurait régler. On peut même en ajouter une troisième, celle du comptable borné, consistant à estimer que tout cela coûte une fortune au contribuable. Comme si la grandeur de la France se mesurait à l’aune d’une table de multiplication.
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