Sans arme, ni haine, ni violence

Gilets jaunes bretons

Les vœux du Président Macron n’ont pas convaincu. Le sondage de l’institut OpinionWay est sans appel : seuls 40 % des sondés se sont laissés bercer par la mise en scène factice du jeune locataire de l’Élysée. La méthode Coué a fait peine à voir. Avec la peur que son ancien homme de main (Alexandre Benalla) ne fasse publier ses derniers échanges avec lui sur Telegram et l’angoisse que la crise des gilets jaunes ne devienne totalement incontrôlable, Jupiter est acculé au point même de devoir dissimuler ses lieux de villégiature durant la trêve des confiseurs (Saint-Tropez, Brégançon…). Le Président ne peut que mettre à l’index "les porte-voix d’une foule haineuse". Cependant, un nombre significatif d’« irréductibles Gaulois » ont tenu à rester sur les ronds-points, et ce, malgré les morts accidentelles survenues depuis le début de la contestation sociale. Les gilets jaunes seraient-ils tous des "quenelleurs" patentés, et Emmanuel le Grand le seul agent du bien contre les soldats du mal ?

Au vu des arrestations d’Éric Drouet (un des porte-parole du mouvement, mis en garde à vue le 22 décembre et le 2 janvier derniers), ne sont appréhendés que ceux des leaders sur qui pèsent des soupçons d’appartenance à la nébuleuse d’Alain Soral, ce polémiste national-bolchévique dont le projet consiste à faire des musulmans une armée de réserve contre le système capitaliste (même si Éric Drouet a dit ne pas connaître ce personnage). Ce qui constitue le meilleur moyen de la sublimer. Tout cela est bien malsain. À vrai dire, les politiques comme les citoyens sentent bien que tout leur échappe. Comment décider de quoi que ce soit dans un pays où la dette publique est détenue par des fonds d’investissement étrangers ?

Face à cette impasse, le pouvoir continue à entretenir une stratégie du chaos. Il confond ainsi, pêle-mêle, contestation sociale et organisation politique. Pourtant, résister ne saurait signifier tout casser. À l’évidence, ce n’est pas la violence qui a forcé Macron à revoir sa copie, mais le soutien indéfectible de l’opinion, et ce, en dépit de l’entrée en scène des factieux. Dans une démocratie représentative, seule l’opinion est à même de changer la donne. Macron a, dans un esprit de revanche, fait le choix de se rendre respectable à défaut de se rendre autoritaire : fier face aux faibles, soumis face aux forts (la troïka européenne, la Silicon Valley et les pétromonarchies). Face à ce constat, le citoyen désabusé doit se dire, comme Nietzsche : "Je déteste suivre autant que conduire. Obéir ? Non ! Et gouverner, jamais !"

La violence la plus efficace est celle qui ne se voit pas. Et il convient de différencier l’image de la violence et sa réalité. Car cette dernière revient toujours comme un boomerang : le soir du 31 décembre, l’image du public des Champs-Élysées contrastait tant avec celle des gilets jaunes campant sur les routes. Voilà une réalité qui brise l’image de l’intérieur. Deux populations pour deux modes de vie : une éminemment cosmopolite et fallacieusement festive, l’autre bravement nationale et ouvertement sociale. En la matière, Macron n’est pas inclusif. Il sait à qui plaire et de qui se faire détester : se faire aimer de la Cité par mépris pour les nouveaux « barbares ». Ces derniers, sans cesse caricaturés, font de leur mieux pour ne plus être marginalisés. Pour le moment, sans arme, ni haine, ni violence…

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Henri Feng
Docteur en histoire de la philosophie

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