Au royaume des « astres morts » de la droite, qui sera roi ?

« L'astre mort... » On connaît l'image hugolienne, dans Ruy Blas, lancée à la face des ministres pour évoquer la grandeur évanouie de l'Espagne de Charles Quint. C'est aussi le beau titre d'un livre confession de Lucien Jerphagnon. Mais c'est devenu, ces temps-ci, un élément de langage politique. Et, à droite, dans l'atomisation post-présidentielle, l'expression fait florès. C'est M. Aubert, désormais ex-candidat à la présidence LR, qui, le premier, a dégainé la métaphore, et contre son propre parti : "LR est un astre mort." C'est dit.

Mais M. Philippot l'a vite suivi, dans un entretien à L'Opinion, lui contre son ex-parti :

Nous ne fixons pas nos objectifs par rapport au FN, qui de toute façon est un astre mort, qui ne peut pas gagner.

Sans faire injure aux mérites et aux talents personnels de MM. Aubert et Philippot, qui doivent être grands, on ne peut complètement écarter l'idée que les courants qu'ils veulent représenter, à vrai dire assez difficiles à cerner, soient, aussi, des astres morts, comme il y en a tant à droite. Hier, M. Aubert a reconnu qu'il ne pourrait pas se présenter à la présidence LR. Quant à M. Philippot, il n'a pas réussi à se faire élire député en juin.

Mais revenons à la grande question : le FN, un astre mort ? Il y a du pour et du contre. Faites vos deux colonnes: la famille Le Pen, les problèmes de ligne, une histoire repoussoir, un manque d'ouverture stratégique d'un côté ; mais, de l'autre, des tendances lourdes dans l'opinion donnant raison à l'analyse historique du FN sur l'immigration, l'insécurité, la nation, la famille, l'islam.

Ce qui est certain, c'est que, dans la galaxie des « astres morts » de la droite, le FN n'est pas seul, et peut-être pas le plus mort non plus.

LR ? Là, l'astre est mort depuis longtemps, depuis la trahison sarkozyste, en gros. Et le délitement qui continue, avec Les Constructifs, les UDI, les nouvelles rivalités qui s'héritent d'une génération l'autre, l'absence de ligne, une incessante comédie entre rivaux et un électorat vieillissant, lui-même astre mort, nous promettent une extinction à plus ou moins brève échéance.

Surtout avec la réussite de M. Macron, qui a su capter de la droite, parfois superficiellement certes, ce sur quoi elle aurait dû construire sa rénovation : un libéralisme économique intelligent et assumé, et un certain gaullisme vertical. Et gagner le pari démographique de réunir les jeunes générations avides de renouveau et les anciennes, inquiètes pour leur petit destin, et celui de la France.

Ces synthèses macroniennes sont peut-être fragiles, mais bien réelles. Et rien ne dit qu'elles ne dureront pas. D'une part, le spectacle donné par les personnalités de droite est affligeant. Un véritable repoussoir. D'autre part, cette synthèse macronienne a pour elle plusieurs atouts. D'abord, elle a réussi, elle a magistralement fonctionné. Ensuite, elle a une certaine souplesse, un véritable pragmatisme qui devrait lui permettre de recruter d'autres personnalités, d'autres idées de droite. On ne voit pas pourquoi M. Macron se gênerait pour aller se servir dans ce champ que les cultivateurs attitrés ont déserté. Enfin, elle a pour elle l'éclat de la nouveauté et de la jeunesse, le prestige inaliénable de celui qui a trouvé le premier la martingale.

Alors, qui sera roi, au royaume des astres morts de la droite ? Pour le moment, il n'y en a qu'un : il s'appelle Emmanuel Macron. Et je ne crois pas qu'il soit borgne. Et surtout pas de l'œil droit.

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