Revenu universel et « inconditionnel » : l’irresponsabilité de certains de nos hommes politiques

La France aura, en 2021, un déficit de 137 milliards d'euros pour à peine 300 milliards de recettes. Sa dette est montée, en 2020, à 114 % du PIB, avant, peut-être, d’atteindre 140 %, en 2025, si on en croit les prévisions les plus pessimistes. Pourtant, des hommes politiques viennent d’exiger la mise en place d’un (très coûteux) revenu universel. D’une part, 110 députés proposent de réfléchir à la création d’un « filet de sécurité inconditionnel et universel ». D’autre part, 19 présidents de départements (socialistes) ont signé un texte dans Le Monde demandant l’instauration d’un « revenu universel, inconditionnel, automatique, ouvert aux jeunes à partir de 18 ans et dégressif suivant les ressources ».

Les raisons que donnent les partisans d’un revenu universel sont légitimes : la misère s’étend, le RSA est insuffisant pour les personnes dépourvues de revenus. Seulement, le revenu universel est absolument impossible à financer. Son montant devrait être plus élevé que le RSA, qui a le mérite d’exister et qui revient à 11 milliards d’euros pour 2 millions de bénéficiaires. Si on monte le minimum social à 750 euros mensuels, nous devrons rajouter au pot 6 milliards d’euros. La note grimpe si on étend le RSA aux étudiants : 30 milliards de plus, si on se contente de donner 500 euros par mois aux jeunes, 50 milliards si on va jusqu’à 750 euros. Le texte des présidents de départements socialistes évoque le chiffre de 8 millions de personnes touchées par la pauvreté (ce qui est sans doute vrai) ; il faudrait également donner aux smicards un complément conséquent à leur salaire. La facture atteindra donc vite 100 milliards (33 % des recettes de l’État). Il faut être politiquement irresponsable pour imaginer que l’instauration du revenu universel est possible. Même l’extension du RSA aux jeunes entre 18 ans et 25 ans, qui est sans doute l’objectif prioritaire, est hors de portée.

On nous propose, pour financer cette folie, de taxer le capital et les transactions financières. C’est tout bonnement absurde. L’impôt sur la fortune ne rapportait que 5 milliards. Si on instaurait une taxe sur les transactions financières, 95 % d’entre elles partiraient à l’étranger. Les « riches » émigreraient en masse et, pour finir, les recettes de l’État plongeraient. La seule piste concrète serait de spolier les retraités, surtout ceux qui touchent plus de 1.500 euros par mois, le total annuel des pensions s'élevant à 300 milliards. Certains « experts » l’avaient envisagé lors des premières moutures de cette nouvelle prestation, l’idée étant de verser le minimum vieillesse à tous les seniors. Libres à ces derniers d’économiser pendant leur vie de labeur.

Le revenu universel est attirant, il constituera tôt ou tard une étape dans l’évolution du capitalisme (entre 2050 et 2080, quand le PIB aura suffisamment crû), mais, en 2020, on arrive (très difficilement) à financer le RSA et il faudra se battre sans doute pour le maintenir. Proposer d’aller au-delà n’a aucun sens et est la preuve d’un amateurisme politique total.

Christian de Moliner
Christian de Moliner
Professeur agrégé et écrivain

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