Pour que la République soit respectée, il faut la rendre respectable

L’agression de Laurianne Rossi, députée LREM, qui, selon ses mots, a reçu "un violent coup de poing dans la tempe" sur un marché de Bagneux, a ému toute la classe politique. L’agresseur, un sexagénaire, régleur sur machine retraité, autrefois délégué CGT et ancien militant PCF, a été condamné à six mois de prison, dont cinq avec sursis, et a reconnu qu’il avait commis une « bêtise ».

Mais toutes les leçons de cette affaire ont-elles été tirées ? Paradoxalement, c’est la victime elle-même qui semble en avoir le mieux saisi le sens.

Parmi toutes les réactions, celle d’Emmanuel Macron se distingue – faut-il s’en étonner ? – par son caractère jupitérien : "Respecter les élus, c'est respecter la République." À jouer ainsi d’une formule grandiloquente, on risque fort de voir les choses de trop haut et de laisser échapper l’essentiel.

Porter atteinte aux élus serait porter atteinte à la République et commettre, si l’on peut dire, un crime de lèse-majesté ? Soit ! C’est aussi la position de l’avocat de la victime. La réaction aurait-elle été si indignée s’il s’était agi d’un élu du Front national ? Pas certain ! Tant il est vrai que ce parti est encore ostracisé.

L’auteur de cette agression ne bénéficie a priori d’aucune excuse : c’est, au mieux, un brave homme de 63 ans qui a le coup de poing facile, au pire, un fanatique ombrageux qui n’admet pas la moindre contradiction. Ce fait divers « révèle » cependant, comme l’a déclaré Laurianne Rossi, "un sentiment d'exaspération chez les citoyens et les citoyennes". Ce n’est pas en mettant en avant l’étendard de la République qu’on y remédiera, mais en s’attaquant aux causes de cette exaspération.

Beaucoup de Français estiment que ce gouvernement n’est pas vraiment légitime. Compte tenu d’une élection présidentielle où le vainqueur l’a emporté par rejet de l’autre, compte tenu de l’abstention massive, des votes blancs et nuls, lors des législatives, trop peu de citoyens ont adhéré au programme que portaient les candidats LREM. Prétendre, dans ces conditions, que le gouvernement applique la volonté du peuple tient de l’imposture.

C’est violer les fondements de la République, c’est lui manquer de respect que de trouver naturel (comme si c’était une fatalité) que la France soit gouvernée par une minorité. Il faudrait, au contraire, permettre au maximum de Français d’être représentés ou de donner leur opinion sur les sujets d’importance. Sur ce point, Jean-Luc Mélenchon a raison : si l’on veut sauver la démocratie, il faut créer une VIe République ou changer profondément les institutions.

Dans l’immédiat, sans bouleverser notre Constitution, on pourrait instaurer la proportionnelle : non pas une « dose », qui attendrait 2022 et resterait, de toute façon, sans effet, mais une proportionnelle intégrale, comme pour les européennes, suivie de la dissolution immédiate de l’Assemblée nationale et de nouvelles élections. Un gouvernement qui aurait ce courage se rehausserait dans l’opinion.

Plus de majorité pour gouverner ? Cette objection récurrente ne convainc que ceux qui, bien que minoritaires, veulent exercer le pouvoir. Au contraire, une majorité serait possible, issue des pratiques qui font l’essence de la démocratie : le dialogue et le compromis. Les partis en présence devraient discuter pour trouver des solutions consensuelles et s’entendre pour dégager une majorité d’idées.

C’est peut-être une hypothèse quelque peu utopique, mais c’est l’un des seuls moyens de faire respecter une République qui a trop tendance à prendre le peuple en otage et à s’auto-légitimer. Si l’on ne veut pas qu’elle devienne une « gueuse » soumise aux intérêts et aux caprices d’une oligarchie, pour que la République soit respectée, il ne suffit pas de le proclamer : il faut la rendre respectable !

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Philippe Kerlouan
Chroniqueur à BV, écrivain, professeur en retraite

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