Réponse au président de l’université Paris Descartes : n’ayez crainte, je vais voter !
Monsieur le Président,
Étudiant au sein de votre université n'ayant ni votre expérience ni votre légitimité académique, c'est amèrement mais sans surprise que je constate que vous utilisez celles-ci à des fins purement politiques.
À vrai dire, mon amertume n'est pas un reproche : j'ai bien conscience que l'Université française n'est pas et n'a jamais été neutre politiquement. Ses prises de position n'ont d'ailleurs pas toujours été conformes aux intérêts de la France. On se souviendra de vos prédécesseurs soutenant les Anglais et le parti bourguignon il y a quelques siècles de cela. Je ne vous ferai pas l'affront de prétendre que votre démarche s'inscrit dans la lignée de ces tristes sires.
Toutefois, je ne peux que déplorer le fait que vos propos destinés à orienter le vote des étudiants reposent sur une conception de l'ouverture très discutable. La souveraineté serait ainsi synonyme de "repli", de "fermeture". Vos homologues sud-coréens, norvégiens et américains apprécieront certainement le diagnostic.
Je vous invite, très humblement, à relire Simone Weil, qui explique de façon limpide que l'enracinement constitue la condition sine qua non de l'ouverture, le préalable nécessaire du rapport sain à l'altérité. Si je ne suis pas moi, comment puis-je m'ouvrir à l'autre, échanger avec lui ? Qu'ai-je alors à lui apporter ? Quel enrichissement possible entre un étudiant français et un étudiant allemand si ces derniers ne sont des clones, ignorant tout de leurs histoires nationales respectives, et communiant dans le vide consumériste, corollaire du droit-de-l'hommisme niais ?
Les dégâts causés par la conception de la société et de l'État que vous exposez dans votre émouvant courriel sont multiples, et les énumérer ici serait aussi fastidieux qu'inutile.
Ne serait-ce que sur le volet éducatif, je vous invite, si ce n'est déjà fait, à sortir des salons Second Empire de la présidence et à venir vous balader seul, sans votre cortège princier, du côté de l'atrium de la faculté de droit de Malakoff. Vous pourrez ainsi contempler et entendre les hordes d'incultes que l'Éducation nationale enfante, et auxquelles l'enseignement supérieur délivre des diplômes.
Votre système, puisque vous vous en faites le défenseur zélé, n'a conduit qu'à la dévalorisation des titres académiques et au déclassement des étudiants sur le marché du travail. Toutes les initiatives destinées à redresser l'Université sont vouées à l'échec si le cadre étatique se délite. Souveraineté bradée, État en décomposition : j'aimerais que l'on me communique une définition valable du mot "république" dans ces conditions.
N'ayez crainte, Monsieur le Président : vous terminez votre message par une injonction à voter, je répondrai à votre appel, comme jeune Français d'une génération sacrifiée par les choix politiques de la vôtre, tant du point de vue social qu'identitaire.
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