Racisme policier : le cheval de bataille de Lilian Thuram

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TF1, émission « Sept à huit », un animateur vedette non blanc (Harry Roselmack) annonce l'interview d'un ex-footballeur vedette non blanc (Lilian Thuram) venu parler de son combat contre le racisme. Avec cette entrée en matière en guise de contre-exemple, les responsables de TF1 ont peut-être voulu jouer la carte de l'humour.

Néanmoins, le téléspectateur s'aperçoit très vite que la famille de Thuram n'a pas été invitée et que Harry Roselmack est condamné à rester debout, faute de chaise où s'asseoir. La discrimination est palpable.

Bravant l'hostilité ambiante, le Martin Luther King du ballon rond a réussi à se frayer un chemin jusqu'à un fauteuil d'où il va pouvoir dénoncer l'ostracisme dont les Noirs qui ne passent pas à la télé sont victimes. Beau joueur, l'homme reconnaît que la situation a évolué depuis 1998. Ça va mieux. Mais, par ailleurs, la société s'est crispée, déplore-t-il. Ça va mieux, mais en plus mal. La pensée est complexe.

Lilian souffre d'un manque de crédibilité : « Qu'est ce qu'on attend de moi ? Que je mette mes crampons, que je joue au foot, que je gagne la Coupe du monde, c'est super sympa, mais par contre, tu vas t'arrêter là. » Après avoir brillé sur les stades, comment expliquer que Thuram n'ait pas été consulté sur la manière de mener le monde ? « Les problématiques de vivre ensemble, de déconstruction du racisme, ça, par contre, quand tu vas sur ce terrain-là, tu es moins sympathique. »

La reconversion en humaniste à lunettes est compliquée. Les ex-supporters ne suivent pas. Tous d'accord pour agiter des drapeaux dans les gradins, mais leur enthousiasme s'arrête là où le discours antiraciste commence. À raison d'une majorité de Noirs dans les équipes et d'un matraquage de publicités dans lesquelles l'homme de couleur a conquis la femme blanche, le public renâcle. Alors Thuram d'enfourcher le seul cheval de bataille encore disponible : le racisme policier. Rengaine bien connue selon laquelle la couleur serait l'objet du délit. Le délinquant blanc vaque tranquillement à ses occupations tandis que l'autre, le non blanc, rencontre la violence de la police. Ça se tente.

À l'inverse de ses performances lors des matchs, la figure de style ne rencontre aucun succès. Huées multiples sur le Net, déluge de commentaires désapprobateurs, « refaites du sport, cartons rouges et allusions au crachat de son fils (qu'il condamne pourtant sans ambiguïté lors de l'interview). La fable du policier discriminateur ne fait plus recette. Pauvre ex-star du foot qui voit son dernier cheval de bataille emmené à l'abattoir. La fin d'une époque. Adieu les hippodromes de l'antiracisme où l'animal galopait en tête... Quitter le monde de la compétition est dur pour tout le monde. La séquence était intitulé « La morsure du racisme ». Une image datant de l'époque où les poulets avaient des dents.

Sept à huit contre-vérités en 8'30" d'interview. TF1 a tenu la promesse du concept.

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Jany Leroy
Chroniqueur à BVoltaire, auteur pour la télévision (Stéphane Collaro, Bêbête show, Jean-Luc Delarue...)

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